La nouvelle présomption de démission

La nouvelle présomption de démission

Précision sur les modalités de mise en oeuvre de la nouvelle présomption de démission

Issue de la loi Marché du travail, la présomption de démission est entrée en vigueur le 19 avril 2023. Elle est définie à l’article L. 1237-1-1 du Code du travail.

Cette nouvelle présomption prévoit désormais qu’un salarié abandonnant volontairement son travail pourra être considéré comme démissionnaire.

Précisée par décret du 17 avril 2023 n°2023-275 et dans un questions-réponses publié le 18 avril 2023 par le ministère du Travail, le cabinet NovLaw et son associé, Aurélie MOINE, spécialiste en droit du travail, font le point sur la mise en œuvre de cette nouvelle présomption ainsi que sur son régime juridique.

LES ÉTAPES A RESPECTER PAR L’EMPLOYEUR

Depuis le 19 avril dernier, un salarié qui abandonne son poste peut se voir considérer comme démissionnaire sous réserve pour l’employeur de respecter la procédure suivante :

  • Étape 1 : Obligation préalable de mettre en demeure le salarié de reprendre son poste et de justifier son absence

Pour pouvoir considérer son salarié comme démissionnaire, l’employeur doit le mettre en demeure de justifier son absence et de reprendre son travail.

Le contenu de cette mise en demeure a été détaillé par l’administration :

– préciser le délai dans lequel le salarié est tenu de reprendre son poste, qui ne peut être inférieur à 15 jours (voir ci-après) ;

– demander la raison de l’absence du salarié afin d’en recueillir la justification ;

– rappeler au salarié que passé le délai accordé, faute d’avoir repris son poste, il sera présumé démissionnaire.

Il est également recommandé à l’employeur, dans le même courrier de mise en demeure, d’informer le salarié, qu’à défaut de retour, il devra exécuter son préavis, de préciser les modalités de ce préavis, et d’indiquer que s’il n’exécute pas le préavis, il pourra être redevable de dommages et intérêts équivalents aux jours de préavis non effectués.

Il est également fortement recommandé de prévenir le salarié qu’il ne pourra pas bénéficier de l’assurance chômage (sauf démission pour motif légitime).

  • Étape 2 : Envoi du courrier de mise en demeure

Il est recommandé à l’employeur d’envoyer le courrier de mise en demeure au salarié par LRAR afin de s’assurer de la date de remise au salarié et d’éviter toute contestation sur le sujet.

C’est également la préconisation du ministère du Travail.

Ainsi, peu importe que le salarié ayant abandonné son poste aille ou non chercher le courrier de mise en demeure, d’un point de vue procédural, le délai pour lui permettre de revenir travailler et de justifier son absence courra à compter de la première présentation du courrier par la poste. La date ne pourra pas être contestée.

Il en est de même si le salarié a négligé de fournir la bonne adresse de son domicile.

  • Étape 3 : Respect d’un délai d’au moins 15 jours avant de considérer le salarié comme démissionnaire

L’une des mentions exigées dans le courrier de mise en demeure est que l’employeur indique au salarié le délai dans lequel il doit reprendre son poste. Ce dernier ne peut pas être inférieur à 15 jours.

Mais comment décompter ces 15 jours ?

Le questions-réponses du ministère du Travail vient préciser que ce décompte doit être fait de manière « calendaire ». Le décret du 17 avril 2023 ne le précisait pas. Il faut donc compter, à partir de la première présentation du courrier de mise en demeure, 15 jours en prenant en compte les samedis, dimanches et jours fériés.

  • Étape 4 : Gestion du préavis 

Le salarié qui abandonne son poste, même dans le cadre de la présomption de démission, doit en principe tout de même exécuter son préavis dans les conditions de la loi, de la convention ou des usages applicables.

Le préavis est censé commencer à courir à compter de la date ultime de reprise du travail indiqué par l’employeur dans le courrier de mise en demeure.

S’il refuse de l’exécuter, le salarié pourra être redevable d’une somme équivalente à ce qu’il aurait perçu s’il avait exécuté le préavis.

L’employeur peut aussi décider de dispenser son salarié d’exécuter le préavis et, dans ce cas, le salarié percevra une indemnité compensatrice à ce titre.

Enfin, une dernière option est possible. L’employeur et le salarié peuvent se mettre d’accord sur le fait que le préavis ne sera pas exécuté. Dans ce cas, le préavis ne sera pas rémunéré.

  • Étape 5 : Remise des documents de fin de contrat

Comme pour une démission de droit commun, l’employeur devra remettre au salarié les documents de fin de contrat, à savoir :

  • Certificat de travail ;
  • Attestation d’assurance chômage ;
  • Reçu pour solde de tout compte.

Si l’employeur a uniquement pour obligation de les tenir à disposition du salarié, il est conseillé d’envoyer un double de ces documents au salarié démissionnaire.

L’employeur devra préciser dans l’attestation d’assurance chômage ainsi que dans la déclaration sociale nominative (DSN) que la rupture du contrat de travail est une démission.

LES MOTIFS LÉGITIMES QUE PEUT INVOQUER LE SALARIÉ POUR FAIRE OBSTACLE A LA PRÉSOMPTION DE DÉMISSION

Le décret du 17 avril 2023 prévoit que la présomption de démission est exclue lorsque le salarié justifie d’un des motifs suivants :

  • Raisons médicales (attention, le ministère du Travail a précisé que le salarié devra produire un certificat médical datant du même jour que son abandon de poste) ;
  • Exercice du droit de retrait (article L. 4131-1 Code du travail) ;
  • Exercice du droit de grève (article L. 2511-1 Code du travail) ;
  • Refus du salarié d’exécuter une instruction contraire à une règlementation ;
  • Refus par le salarié d’une modification du contrat de travail à l’initiative de son employeur.

Ceci est une liste non-exhaustive qui ne présage pas de l’appréciation que l’employeur fera des motifs invoqués par le salarié et de leur éventuel caractère tardif.

Si le salarié ne donne pas de motif légitime et ne reprend pas le travail à la suite du délai imposé dans la mise en demeure, il sera considéré comme démissionnaire. Il en sera de même si le salarié répond à son employeur qu’il ne compte pas reprendre son poste de travail.

LES CONSÉQUENCES DE LA DÉMISSION POUR LE SALARIÉ

Si le salarié n’est pas revenu à son poste de travail après le délai fixé par l’employeur et n’a pas de motif légitime, ou s’il répond qu’il ne reprendra pas son poste, il sera donc considéré comme démissionnaire.

Les conséquences pour le salarié sont graves puisqu’il sera privé de ses indemnités de rupture du contrat de travail (à l’exception de ses éventuelles indemnités compensatrices de congés payés) ainsi que de ses droits à l’assurance chômage (sauf démission légitime reconnue par l’assurance chômage).

Il convient de préciser que dans le cadre de la présomption de démission, il n’y a pas besoin que la démission soit formalisée par un écrit.

Que faire si la convention collective exige néanmoins un écrit du démissionnaire ? L’administration précise qu’il n’y a pas lieu d’appliquer cette condition dans le cadre de la présomption de démission. Elle invite d’ailleurs les partenaires sociaux à mettre les conventions collectives à jour sur le sujet.

QUEL EST LE RECOURS POUR UN SALARIÉ DONT LA DÉMISSION EST ACTÉE ?

Le salarié qui conteste la rupture de son contrat de travail sur le fondement de cette présomption peut saisir le Conseil de prud’hommes. L’affaire est alors directement portée devant le bureau de jugement, qui se prononce sur la nature de la rupture et les conséquences associées. Il statue au fond dans un délai d’un mois à compter de sa saisine.

L’EMPLOYEUR PEUT-IL DÉCIDER DE NE PAS APPLIQUER LA PROCÉDURE DE PRÉSOMPTION DE DÉMISSION S’IL SOUHAITE GARDER LE SALARIÉ ?

Oui. L’employeur reste libre d’utiliser ou non la présomption de démission. Ainsi, l’employeur qui entend conserver son salarié dans ses effectifs est libre de ne pas mettre en demeure son salarié et donc de ne pas utiliser la présomption de démission. La période d’abandon de poste correspondra à une suspension du contrat de travail du salarié et ce dernier ne sera donc pas payé durant cette période.

EST-CE LA FIN DU LICENCIEMENT POUR FAUTE GRAVE EN CAS D’ABANDON DE POSTE ?

Autrement dit, la présomption de démission se substitue-t-elle définitivement au licenciement pour faute ?

La réponse n’est pas si évidente.

Au premier abord, la présomption de démission étant une loi spéciale, il conviendrait d’appliquer la règle selon laquelle une loi spéciale déroge à une loi générale et, ainsi, appliquer la présomption de démission en cas d’abandon de poste. Cette position exclurait de fait tout recours au licenciement pour faute en cas d’abandon de poste.

L’administration semble également répondre par l’affirmative.  Dans le questions-réponses publié par le ministère du Travail, il est précisé que « si l’employeur désire mettre fin à la relation de travail avec le salarié qui a abandonné son poste, il doit mettre en œuvre la procédure de mise en demeure et de présomption de démission ».

A la lecture de cette phrase, il semblerait que la mise en œuvre de la procédure de mise en demeure et de présomption de la démission soit désormais une obligation.

Toutefois, le questions-réponses du ministère du Travail n’a aucun caractère normatif ou impératif.

Interrogé sur le sujet, le ministère du Travail indique d’ailleurs « qu’il ne faut pas surinterpréter cette formule qui n’exclut pas le licenciement pour faute » tout en affirmant que la présomption de démission « se substitue à la procédure de licenciement disciplinaire ».

De son côté, le décret du 17 avril, précise que « l’employeur qui constate que le salarié a abandonné son poste et entend faire valoir la présomption de démission ». Cette formulation laisse au contraire penser qu’il pourrait s’agir d’un choix pour l’employeur.

D’un point de vue pratique, on peut se demander qui se plaindrait d’un tel choix.

En effet, dans le cas où l’employeur déciderait tout de même d’appliquer un licenciement disciplinaire au lieu de la présomption de démission ou en cas de départ négocié, le salarié ne va pas s’en plaindre puisque ce choix lui profite et l’employeur ne va pas s’incriminer lui-même. Le risque de contentieux sur le sujet parait donc assez faible.

Mais est-ce qu’il n’y a pas un risque que Pole Emploi puisse se voir confier le contrôle du motif du licenciement ? La finalité de la loi instaurant cette nouvelle présomption de démission est tout de même d’éviter d’indemniser un salarié qui souhaite volontairement quitter son travail et d’en faire supporter le coût à la collectivité.

En conséquence, le doute demeure. Si dans le cas d’un salarié qui quitte la société pour aller travailler ailleurs, il est préconisé de recourir au mode opératoire de la présomption de démission. En revanche, si la situation est plus ambiguë (ex. salarié en souffrance ou abandon de poste après une altercation etc.), la question du choix de la procédure se pose.

La nouvelle présomption de démission

Pour toute question relative au droit du travail, veuillez contacter notre spécialiste, Aurélie Moine, Associé au sein du cabinet d’affaires Novlaw Avocats.

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