Vous exploitez un débit de boissons à consommer sur place ? Un restaurant ? Une brasserie, pizzeria ?

Restaurateurs : Dans quels cas êtes-vous responsable vis-à-vis de vos clients ?

L’exploitant d’un restaurant ou débit de boissons est susceptible d’engager sa responsabilité civile ou pénale en cas de faute vis-à-vis de ses clients.

En matière civile, c’est l’article 1240 du Code civil qui s’applique :

« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Dans certains cas, le restaurateur sera uniquement responsable s’il a commis une faute : on parle alors d’obligations de moyens. Dans d’autres cas, le restaurateur sera responsable même s’il n’a pas commis de faute : on parle alors d’obligation de résultat.

Enfin, dans les cas les plus graves, le restaurateur et l’exploitant d’un débit de boissons seront également susceptibles d’engager leur responsabilité pénale, s’ils ont eu un comportement qui relève d’une infraction punie par un texte.

La responsabilité sans faute

Les exploitants de débit de boisson et les restaurateurs sont susceptibles d’engager leur responsabilité en cas de manquement à la sécurité sanitaire des produits.

On parle dans ce cas d’obligation de sécurité de résultat : le restaurateur sera responsable en cas d’intoxication de ses clients, même s’il n’a commis aucune faute (on parle généralement de TIAC : toxi-infection alimentaire collective).

C’est toute la différence entre responsabilité et culpabilité. Dans ce cas, le restaurateur est «responsable » même s’il est « non coupable ».

Le restaurateur pourra toutefois se retourner contre son fournisseur si c’est ce dernier qui devait être responsable de la contamination : on parle en ce cas d’action récursoire.

La responsabilité pour faute

Dans un certain nombre de cas, le restaurateur n’engagera sa responsabilité que s’il a commis une faute entraînant un préjudice pour son client.

Ce qui est le plus souvent reproché à l’exploitant, c’est un défaut d’avertissement sur l’existence d’un danger. Par exemple :

  • Si le sol est glissant suite à un nettoyage ou qu’un produit (huile, savon…) s’est répandu sur le sol, entraînant la chute d’un client ;

  • Si le client se blesse en pénétrant dans un local interdit (cave…) mais qui ne comportait pas de mention interdisant l’accès (local privé interdit au public) ;

  • Si le client tombe alors qu’une trappe au sol est ouverte et qu’il n’y avait aucune indication, aucune signalétique.

Dans tous les cas, le restaurateur sera responsable en cas de faute, c’est-à-dire s’il n’a pas pris l’ensemble des mesures nécessaires pour prévenir le dommage. Inversement, il pourra écarter sa responsabilité si toutes les mesures avaient été prises et que le client est seul responsable de son dommage.

À cet égard, la jurisprudence considère que le restaurateur est tenu d’une obligation de sécurité de moyens, de nature contractuelle, c’est-à-dire liée au fait que le client est entré dans son établissement.

C’est ce qui ressort notamment d’un arrêt de la Cour d’Appel Aix-en-Provence, 10e ch., 2 févr. 2017, n° 15/18755, n° 2016/054 : JurisData n° 2017-004483 : en l’espèce, un enfant était tombé d’une chaise haute dans un restaurant, et l’exploitant avait été condamné dans la mesure où la ceinture de la chaise était défectueuse.

La responsabilité du restaurateur peut ainsi être recherchée du fait des choses (éléments sous sa garde) ou encore du fait de ses préposés (actions des salariés du restaurateur).

Ce sera par exemple le cas si l’un des serveurs renverse de la sauce sur un client : le restaurateur sera tenu de payer le pressing. Ce n’est pas qu’un geste commercial : c’est une obligation légale pesant sur l’exploitant, lequel engage sa responsabilité civile.

  • Bon à savoir : en principe, le restaurateur est tenu de souscrire une assurance responsabilité civile couvrant précisément sa responsabilité à l’égard des tiers et en cas de dommages subis par ses clients, au sein de l’établissement.

La responsabilité du restaurateur fondée sur le dépôt (dépôt de vêtements, téléphones portables, etc.)

Autre cas classique dans lequel l’exploitant d’un établissement de restauration engage sa responsabilité : en cas de dépôt d’un objet (manteaux, ordinateur, téléphone portable, etc.) par un client.

Aussi, lorsqu’un client confie un de ses biens à la garde de l’un des salariés du restaurant, le restaurateur a l’obligation de restituer ce bien ou d’indemniser le client à hauteur de la valeur du bien perdu ou volé.

Cette responsabilité est fondée sur les articles 1927 et 1928 du Code civil, le contrat de dépôt. Ainsi, bien qu’il n’existe aucun contrat écrit, le fait pour un client de remettre un objet entre les mains du restaurateur suffit à générer un contrat de dépôt avec obligation pour le restaurateur de restituer ce qui a été confié sous sa garde.

Pour le vestiaire avec remise d’un ticket (contre marque) :

Le restaurateur sera automatiquement responsable en cas de non-restitution des biens du client, si le client peut produite la contremarque (le ticket) qui lui a été remise en échange de son vêtement.

Cette responsabilité est illimitée : le restaurateur (ou son assureur) devront indemniser le client en fonction de la valeur du bien remis.

Pour le vestiaire non gardé :

La responsabilité du restaurateur ne sera pas automatique et le client devra prouver une faute de l’exploitant. Ce sera notamment le cas dans les hypothèses suivantes :

  • Si le client ne peut apercevoir de sa table le porte-manteau sur lequel ses affaires sont accrochées, ce qui l’empêche de les surveiller : en ce cas, le restaurateur sera responsable (raison pour laquelle les porte-manteaux sont de plus en plus constitués de crochets sur les tables en salle ou au comptoir, pour permettre aux clients de surveiller leurs affaires) ;

  • Si le vestiaire est situé trop près d’une sortie ou d’un local des toilettes, ce qui facilite le vol : c’est le même cas, le restaurateur doit tout faire pour permettre au client d’assurer une surveillance de ses effets, et éviter au maximum les vols ;

  • Ce sera encore le cas lorsque le restaurateur ou son personnel ont pris d’office les vêtements du client ;

  • Ce sera enfin le cas lorsque le restaurateur n’a pas affiché de clause excluant toute responsabilité. Attention toutefois : pour être valable, une telle clause doit être affichée de façon très apparente, à proximité du vestiaire, et doit être rappelée en caractère gras sur les cartes et les menus de l’établissement.

Véhicule du client sur le parking et voiturier

La responsabilité du restaurateur sera généralement recherchée en cas de dommage aux véhicules situés sur le parking du restaurant, sauf à ce que le restaurateur ait affiché un panonceau excluant sa responsabilité (à condition que le panneau soit lisible).

Le restaurateur sera en revanche responsable de son voiturier (en particulier si ce dernier a volé le véhicule).

Vols dans les chambres d’hôtel

La responsabilité des hôteliers fait l’objet d’un régime spécifique prévu par les articles 1952, 1953 et 1954 du Code civil.

En résumé, les principes sont les suivants :

  • La responsabilité de l’hôtelier est automatique (même en cas de faute de l’hôtelier) si le client se fait voler ses affaires dans sa chambre. Toutefois, cette responsabilité automatique sera limitée à concurrence de 100 fois le prix de la chambre (et 50 fois le prix de la chambre pour les objets volés dans le véhicule situé sur le parking de l’hôtel).
  • En revanche, la responsabilité de l’hôtelier est illimitée si le client parvient à démonter une faute de l’établissement (par exemple, si une clé a été volée à la réception ou si la femme de ménage laisse la chambre sans surveillance).

  • Enfin, la responsabilité de l’hôtelier sera écartée en cas de faute du client (par exemple si le client a oublié de fermer sa porte). Toutefois, le fait que le client refuse d’utiliser le coffre-fort de sa chambre ne constitue pas une faute.

  • La responsabilité de l’hôtelier sera également écartée en cas de force majeure, même si en pratique ce cas de figure sera difficile à prouver.

La responsabilité pénale des exploitants

Contrairement à la responsabilité civile, la mise en cause de la responsabilité pénale de l’exploitant nécessite obligatoirement un texte incriminant une infraction spécifique.

Les personnes morales sont responsables pénalement des infractions commises pour leur compte par leurs organes ou représentants (article L.121-2 du Code pénal). En ce cas, les personnes morales encourent des peines d’amende renforcée (5 fois plus élevées que les amendes encourues par les personnes physiques).

Pour les personnes physiques, les sanctions pénales possibles sont notamment : l’amende ou la contravention, les peines d’emprisonnement (avec ou sans sursis), parfois des peines complémentaires telles que l’interdiction d’exercer une profession.

Quels sont les cas dans lequel un restaurateur peut engager sa responsabilité pénale ?

Les cas dans lesquels un restaurateur peut engager sa responsabilité pénale sont très nombreux. On peut notamment trouver un récapitulatif complet dans le Guide des Débits de Boisson accessible sur le site du Ministère de l’Intérieur.

On citera simplement certaines infractions à titre d’illustration :

  • Le fait de servir de l’alcool à une personne manifestement ivre (R. 3353-2 Code de la Santé publique) ou de recevoir dans son établissement des personnes manifestement ivres ;

  • Le fait de vendre des boissons alcoolisées à un mineur : (L. 3335-3 Code de la Santé publique) ;

  • Le fait de ne pas installer un étalage de boissons non alcoolisées (10 boissons)

  • En cas d’happy hour, le fait de ne pas proposer à prix réduit, dans des conditions équivalentes, les boissons non alcoolisées prévues par l’article L. 3323-1 du Code de la santé publique.

Il existe ainsi une myriade d’infractions qui peuvent être reprochées aux exploitants de débits de boissons et restaurants.

Attention, à côté de ces infractions spécifiques on peut également citer les risques encourus par l’exploitant d’un débit de boissons de voir sa responsabilité engagée pour mise en danger de la vie d’autrui s’il laisse un client rentrer chez lui manifestement ivre, et sans assistance ; ou encore pour complicité de conduite en état d’ivresse.

Les fondements de la responsabilité civile et pénale des restaurateurs et acteurs du CHR font partie des principes exposés dans la formation obligatoire Permis d’Exploitation, animée par Maître Baptiste Robelin, avocat spécialisé en CHR et formateur HACCP, pour le compte de la Chambre de Commerce et d’Industrie d’Île-de-France (CCI).

Les conditions d’inscription à la formation Permis d’Exploitation, la durée de la formation qui s’étale sur 3 jours, les lieux du déroulement de la formation, les tarifs ainsi que le programme des formations sont à retrouver sur le site de la CCI.