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Marché de maîtrise d’œuvre passé avec le lauréat d’un concours : pas de délai de standstill à respecter

En dehors des procédures formalisées d’attribution des contrats de la commande publique, l’acheteur n’a pas à respecter de délai de standstill avant de signer le contrat, alors même qu’il aurait pu s’en imposer un dans le règlement de la consultation.

À cet égard, le marché conclu avec le lauréat d’un concours n’a pas à être passé selon une procédure formalisée, alors même que son montant pourrait être supérieur aux seuils européens.

Partant, dans ce cadre, l’acheteur n’a pas à respecter de délai de standstill.

Conseil d’État, 13 mars 2025, Société Nord Sud Architecture, n° 498701

Le contexte de l’affaire

La Commune de Migennes (dans le département de l’Yonne) avait lancé une procédure de concours restreint de maîtrise d’œuvre pour la construction d’une nouvelle médiathèque.

Le jury du concours avait classé en première position le groupement dont la société Nord Sud Architecture était le mandataire et en seconde position le groupement dont la société AA Group Dijon était le mandataire.

Le maire de la Commune de Migennes avait décidé d’engager des négociations avec chacune d’elles, à l’issue desquelles il a finalement décidé de retenir l’offre du groupement porté par la société AA Group Dijon.

Évincée malgré sa première position au classement du jury du concours, la société Nord Sud Architecture, souhaitant voir annulé le contrat conclu entre la Commune de Migennes et le groupement dont la société AA Group Dijon est mandataire, s’est essayée à introduire un référé précontractuel devant le Tribunal administratif de Dijon, lequel a rejeté cette action en raison de la signature du contrat.

La société Nord Sud Architecture a alors retenté sa chance auprès du Juge des référés du Tribunal administratif de Dijon, en introduisant cette fois-ci un référé contractuel.

Par un jugement n° 2403362 du 18 octobre 2024, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté cette requête.

Saisi en cassation de cette affaire, le Conseil d’État est venu confirmer, et préciser, l’analyse du juge des référés dijonnais.

Un délai de standstill strictement exclusif aux procédures formalisées

Pour rappel, doivent être passés selon une procédure dite « formalisée » les marchés publics dont le montant excède les seuils fixés tous les deux ans par la Commission européenne.

En particulier, la passation de tels marchés doit faire l’objet d’une publicité au sein du Journal officiel de l’Union européenne.

Le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice ne peut pas signer le contrat avec le candidat dont il a retenu l’offre, au terme de la procédure de passation, avant l’expiration d’un certain délai, dit de « standstill ».

Ce délai vise à permettre aux candidats évincés qui auraient constaté un manquement de l’acheteur aux règles de publicité et de mise en concurrence d’exercer un référé précontractuel pour sanctionner le manquement constaté, par l’annulation totale ou partielle de la procédure de passation.

Il est de 11 jours minimum à compter de la date d’envoi par voie électronique du courrier de rejet de l’offre des candidats évincés (16 jours en cas d’envoi par voie postale) (article R. 2182-1 du code de la commande publique).

Ce délai n’est toutefois applicable qu’aux seuls marchés passés selon une procédure formalisée, c’est-à-dire, encore une fois, ceux dont le montant excède les seuils européens.

Autrement dit, l’acheteur n’a pas à respecter de délai de standstill lorsqu’il passe un marché dont le montant est inférieur à ces seuils.

Les marchés de maîtrise d’œuvre conclus avec le lauréat d’un concours : absence systématique de procédure formalisée

Dans l’affaire ici commentée, le Conseil d’État s’est prononcé sur le caractère formalisé ou non d’une procédure de passation d’un marché conclu avec le lauréat d’un concours dont le montant excède les seuils européens.

En effet, l’acheteur a la possibilité, pour répondre à ses besoins, d’organiser une procédure de concours grâce auquel il peut, après mise en concurrence et avis d’un jury, choisir un plan ou un projet (article L. 2125-1 du code de la commande publique).

À l’issue de ce concours, il peut passer le marché de service avec l’un des lauréats du concours sans publicité ni mise en concurrence, étant précisé que lorsqu’il y a plusieurs lauréats, ils sont tous invités à participer à des négociations (article 2122-6 du code de la commande publique).

Cette possibilité est conforme avec les directives européennes (en particulier la directive 2014/24/UE du 26 février 2014).

Plus précisément, l’article R. 2172-2 du code de la commande publique permet à l’acheteur de négocier avec le ou les lauréats d’un concours restreint en vue de conclure un marché de maîtrise d’œuvre, et ce même si le montant de ce marché excède les seuils européens.

Le Conseil d’État a déduit de ces dispositions « qu’un marché de maîtrise d’œuvre conclu par le maître d’ouvrage avec l’un des lauréats d’un concours restreint n’a pas à être passé selon une procédure formalisée, quand bien même il répondrait à un besoin dont le montant est égal ou supérieur aux seuils de procédure formalisée et qu’un avis de concours devrait être publié en application de l’article R. 2162-15 du code [de la commande publique]. »

Ainsi, les marchés de maîtrise d’œuvre conclus avec l’un des lauréats d’un concours n’ont jamais à être passés selon une procédure formalisée.

Tel est le principal apport de la décision du Conseil d’État.

Il s’en déduit que l’acheteur n’avait pas à respecter de délai de standstill.

Sur ce point, le Conseil d’État renouvelle une solution plus ancienne (CE, 17 décembre 2014, n° 385033) selon laquelle il est indifférent que l’acheteur se soit lui-même imposé dans le règlement de la consultation un délai de standstill alors qu’il n’y était pas tenu.

En d’autres termes, hors procédures formalisées, l’acheteur peut ne pas respecter ce délai de suspension de la signature, alors même qu’il se l’est lui-même imposé.

Le Conseil d’État valide ainsi l’analyse du juge des référés du Tribunal administratif de Dijon.

Rappel de l’office très restreinte du juge du référé contractuel

Enfin, le Conseil d’État rappelle utilement que les cas dans lesquels le juge du référé contractuel peut annuler un contrat sont limitativement énumérés par l’article L. 551-18 du code de justice administrative.

Cet article prévoit trois grandes hypothèses où le contrat peut être annulé, avec notamment le cas, qui nous intéresse ici, où le contrat a été signé avant l’expiration du délai de standstill ou malgré la suspension de la signature découlant de la saisine du juge du référé précontractuel et que, en plus :

  • Cette méconnaissance a privé le requérant de son droit d’exercer un référé précontractuel ;
  • Les obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles la passation du contrat est soumise ont été méconnues d’une manière affectant les chances de l’auteur d’obtenir le contrat.

Or, dans la présente affaire, dans la mesure où la signature du contrat n’était pas subordonnée au respect d’un délai de standstill, l’hypothèse d’annulation prévue par l’article L. 551-18 du code de justice administrative n’était pas applicable.

Le Conseil d’État rappelle ici une nouvelle fois qu’il était indifférent que l’acheteur décide de s’imposer lui-même un délai de standstill.

La Haute Juridiction valide donc le jugement du Tribunal administratif de Dijon et rejette le pourvoi de la société Nord Sud Architecture.

Cette décision s’avère ainsi favorable aux acheteurs pour les marchés de maîtrise d’œuvre passés avec le lauréat d’un concours, qui n’ont pas à respecter les sévères exigences d’une procédure de passation formalisée et, par conséquent, ne sont pas tenus de respecter un délai de standstill avant de signer le contrat.

Laurent Bidault Avocat - Novlaw Avocats

Coécrit avec Nicolas Machet & Laurent Bidault, Avocat Associé chez Novlaw Avocats, spécialisé en droit public, notamment en droit des contrats publics (marché public, concession) et en droit immobilier public (aménagement, urbanisme, construction). Il a également développé une expertise particulière en matière d’innovation appliquée au secteur public (achat innovant, R&D, BIM).

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