Marché public et retenue de garantie

Marché public et retenue de garantie

Un marché public peut prévoir, à la charge du titulaire, une retenue de garantie, une garantie à première demande ou une caution personnelle et solidaire, et ce afin de sécuriser financièrement l’exécution du marché.

La retenue de garantie (dont l’objet est similaire à la garantie à première demande permet ainsi de couvrir – financièrement – les réserves et malfaçons constatées lors de la réception des travaux et lors du délai de garantie.

Qu’est-ce que la retenue de garantie ?

La retenue de garantie recouvre les garanties destinées à couvrir les réserves sur la qualité des prestations remises à l’acheteur.

Afin de s’assurer de la parfaite réalisation des prestations qu’il réceptionne, l’acheteur peut recourir aux garanties financières prévues par la réglementation relative aux marchés publics.

Ce régime de garanties repose essentiellement sur la retenue de garantie, la garantie à première demande et la caution personnelle et solidaire étant des mécanismes de substitution.

Le régime de la retenue de garantie figure aux articles R. 2191-32 à R. 2191-35 du code de la commande publique (articles R. 2391-21 à R. 2391-24 du même code pour les marchés de défense ou de sécurité).

Quel est l’objet de la retenue de garantie ?

La retenue de garantie assure la protection de l’acheteur (article R. 2191-32 du code de la commande publique), dès lors qu’elle a pour seul objet de « couvrir les réserves formulées à la réception des prestations du marché et, le cas échéant, celles formulées pendant le délai de garantie lorsque les malfaçons n’étaient pas apparentes ou que leurs conséquences n’étaient pas identifiables au moment de la réception » (CAA Lyon, 8 mars 2018, Société Routière du Centre, n° 17LY01827).

L’existence de la retenue de garantie tient au délai de garantie facultativement prévu dans le contrat.

Il s’agit du délai pendant lequel l’acheteur peut émettre des réserves concernant des désordres et malfaçons non apparents ou dont les conséquences n’étaient pas identifiables au moment de la réception de l’opération (article 2191-32 du code de la commande publique).

En tout état de cause, l’ensemble des cahiers des clauses administratives générales (CCAG) prévoient l’institution d’un délai garantie :

  • La garantie de parfait achèvement d’une durée d’un an pour les travaux (article 44 du CCAG-travaux) ;
  • La garantie de remise en état ou de remplacement des prestations défectueuses d’une durée minimale d’un an pour les marchés de fournitures courantes et de services (article 28 du CCAG-FCS) et pour les marchés de techniques de l’information et de la communication (article 30 du CCAG-TIC) ;
  • La garantie de reprise des prestations défaillantes d’une durée minimale d’un an dans les marchés publics industriels (CCAG-MI) ;
  • La garantie technique des prestations d’une durée minimale d’un an dans les marchés de prestations intellectuelles (article 28 CCAG-PI).

Comme évoqué ci-dessus, la raison d’être de la retenue de garantie est de remédier aux malfaçons ayant fait l’objet de réserves de la part de l’acheteur au moment de la réception ou pendant le délai de garantie (CE, 2 juin 1989, Commune de Boissy-Saint-Léger, n° 65631 ; CAA Lyon, 18 février 2010, SA Planche, n° 07LY01299), et ne peut être mise en œuvre qu’à cette fin.

Elle ne peut en particulier pas permettre à l’acheteur d’imposer le remboursement de l’avance ou le paiement de pénalités de retard ou encore de réclamer d’autres sommes dont elle estimerait être créancière sur le titulaire sans lien avec les réserves ou désordres propres aux travaux.

En revanche, la retenue de garantie peut permettre de financer les travaux exécutés aux frais et risques du titulaire défaillant par un tiers.

Comment s’opère la retenue de garantie ?

La retenue de garantie n’est qu’une faculté pour l’acheteur, qui peut ainsi, d’une part, exiger de son titulaire qu’il satisfasse à l’ensemble de ses obligations, et d’autre part, imputer sur cette retenue de garantie les sommes dont ce dernier pourrait être redevable.

Elle s’opère sur les paiements effectués par l’acheteur auprès du titulaire, sur les comptes de l’acheteur.

Dans quels cas une retenue de garantie ne peut pas être prévue ?

Il s’agit des cas dans lesquels le montant des sommes dues au titulaire ne permet pas de procéder au prélèvement de la retenue de garantie.

Dans ces hypothèses, le titulaire du marché public est tenu de constituer une garantie à première demande en lieu et place de la retenue de garantie (article R. 2191-34 alinéa 2).

Toutefois, cela n’est pas applicable aux personnes publiques titulaires d’un marché public (article R. 2191-34 alinéa 3).

Est-il possible d’aménager la retenue de garantie contractuellement ?

La retenue de garantie doit être prévue par le contrat. À défaut, tout prélèvement indu d’une somme constituerait une faute de la part de l’acheteur.

L’acheteur qui a prévu au contrat une retenue de garantie ne peut revenir sur ces stipulations une fois le contrat conclu, et ce même par voie d’avenant.

Cela reviendrait à méconnaître les principes de mise en concurrence initiale, car l’existence d’une telle retenue de garantie peut avoir eu pour effet de dissuader des opérateurs économiques de soumissionner, voire avoir influer sur le prix des offres des soumissionnaires qui ont répercuté le coût impliqué par cette sûreté.

Toutefois, lorsque le contrat comprenant une retenue de garantie est déclaré nul, cette garantie se trouve alors privée de base légale et son montant doit être remboursé au cocontractant.

Commet déterminer le montant de la retenue de garantie ?

La retenue de garantie permet de bloquer une partie des sommes que l’acheteur doit au titulaire du marché public.

Il s’agit d’une créance du cocontractant conservée par l’acheteur à titre de sûreté.

Le contrat peut librement fixer le taux de retenue de garantie, dans la limite de 5 % du marché initial, et de 3 % si le marché est passé avec des petites et moyennes entreprises (article R. 2191-33 du code de la commande publique).

Ces taux sont appliqués au montant initial du marché public et de ses éventuelles modifications.

Le montant initial est le montant du marché tel qu’arrêté dans l’acte d’engagement, et réputé établi aux conditions économiques initiales du marché, autrement dit, sans application des clauses de variation des prix, et toutes taxes comprises.

Les éventuelles modifications qui doivent être prises en compte pour l’application du taux sont les avenants.

En revanche, les décisions de poursuivre l’exécution du contrat, impliquant le dépassement du montant fixé initialement, ne sont pas prises en compte, dès lors qu’une telle décision constitue décision unilatérale de l’acheteur, émise en cours d’exécution du contrat.

Quelles sont les modalités de prélèvement de la retenue de garantie ?

La retenue de garantie est prélevée par fractions sur chacun des versements effectués au bénéfice du titulaire, à l’exception des avances.

Ainsi, elle peut être prélevée sur les acomptes, les règlements partiels définitifs, et sur le solde, dont elle vient en déduction, après application des clauses de révision de prix et imputation de la TVA.

Partant, l’état d’acompte mensuel doit en principe mentionner le montant de la retenue de garantie, dès lors qu’aucune garantie n’est prévue, ni n’est remplacé par une autre garantie.

Toutefois, si le montant des sommes dues au titulaire ne permet pas de procéder au prélèvement de la retenue de garantie, le titulaire du marché public est tenu de constituer une garantie à première demande en remplacement de la retenue de garantie (article R. 2191-34 du code de la commande publique).

Tel est notamment le cas lorsque le montant des prestations sous-traitées dépasse 95 % du montant initial du marché public.

Quoiqu’il en soit, la circonstance que soit prévue une retenue de garantie, n’emporte pas interdiction au maître d’ouvrage d’opérer des réfactions sur acomptes en cas de malfaçons affectant les travaux.

Comment s’articulent la retenue de garantie et la sous-traitance ?

La retenue de garantie a vocation à s’appliquer uniquement au titulaire du marché, et non au sous-traitant (article L. 2191-7 du code de la commande publique).

En effet, le titulaire du marché est l’unique responsable de l’ensemble des prestations exécutées au titre du marché public, tant par lui-même que par ses sous-traitants (article L. 2191-3 du code de la commande publique).

Dans ces conditions, la retenue de garantie de l’article R. 2191-34 du code est prélevée uniquement sur les versements dus au titulaire du marché public.

Rappelons cependant que le contrat conclu entre le titulaire principal et son sous-traitant est un contrat de droit privé, lequel peut prévoir une retenue de garantie (son régime ne relèvera alors pas des dispositions du code de la commande publique.

Néanmoins, si le titulaire principal indique, dans l’acte de sous-traitance, l’application d’une retenue de garantie, l’acheteur est tenu de respecter les conditions de paiement ainsi agréées (instruction n° 12-12-M0 du 30 mai 2012, point 2.2.1.1, p. 12-14).

Comment s’opère le remboursement de la retenue de garantie ?

La retenue de garantie doit être remboursée dans un délai de 30 jours à compter de la date d’expiration du délai de garantie (article R. 2191-35 du code de la commande publique).

Toutefois, dès lors que des réserves sont notifiées pendant le délai de garantie et qu’elles ne sont pas levées avant l’expiration de ce délai, la retenue de garantie est remboursée dans un délai de 30 jours après la date de leur levée.

Enfin, en cas de retard de remboursement, le titulaire est fondé à solliciter des intérêts moratoires, lesquelles lui sont versées selon les modalités définies décret.

En somme, la retenue de garantie n’est pas restituée tant que les réserves ne sont pas levées.

Si les conditions sont réunies, la libération de la retenue de garantie résulte de la décision du seul ordonnateur et non du comptable public. Par conséquent, il est indispensable que l’ordonnateur informe le comptable d’une telle décision.

À titre d’illustration, la réparation des malfaçons persistantes après la réception définitive des travaux, de même que les réparations exécutées d’office et aux frais du titulaire qui conteste les réserves émises lors de la réception, constituent des coûts susceptibles d’être prélevés sur la retenue de garantie.

A contrario, la circonstance que l’entrepreneur n’aurait pas contracté une assurance conforme à ses engagements (notamment une assurance garantissant sa responsabilité décennale), le paiement de pénalités de retard ou encore les frais de constat d’huissier et de publication dans un journal d’annonces légales (JAL) à la suite de l’abandon du chantier par le titulaire du marché public, sont insusceptibles de justifier des prélèvements opérés sur la retenue garantie.

Marché public et retenue de garantie

Laurent Bidault Avocat - Novlaw Avocats

Coécrit avec Nicolas Machet & Laurent Bidault, Avocat Associé chez Novlaw Avocats, spécialisé en droit public, notamment en droit des contrats publics (marché public, concession) et en droit immobilier public (aménagement, urbanisme, construction). Il a également développé une expertise particulière en matière d’innovation appliquée au secteur public (achat innovant, R&D, BIM).

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