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Marché public : comment favoriser l’acquisition d’un système d’IA frugale ?
L’IA est sur toutes les lèvres et semble pouvoir révolutionner le champ des possibles, en particulier en matière d’environnement et de lutte contre le changement climatique : Réduction des consommations énergétiques dans le bâtiment, amélioration de la maintenance prédictive pour une gestion durable des ressources hydriques ou encore connaissance et préservation des habitats naturels… les exemples ne manquent pas comme a pu le mettre en exergue le Sénat (IA et environnement, Rapport d’information n° 379 (2024-2025), déposé le 20 février 2025).
Toutefois dernière les discours enchanteurs, il est une problématique qui se trouve souvent reléguer au second plan : l’IA, en particulier l’IA générative, est très fortement demandeuse en ressources.
Accompagner le développement des usages et des modèles d’IA ne pourra se faire sans un accroissement des capacités énergétiques des États.
Surtout, le développement de l’IA signifie que l’empreinte écologique du numérique dans le monde est nécessairement appelée à croître, ce qui pourrait contribuer à compromettre l’atteinte des objectifs de lutte contre le changement climatique.
C’est de ce constat qu’a émergé le modèle d’IA frugale, destiné à conjuguer les potentialités offertes par le développement de l’IA avec l’impératif de préservation de l’environnement.
Qu’est ce que l’IA frugale ?
Mise notamment en avant lors du Sommet pour l’action sur l’IA qui s’est déroulé les 10 et 11 février 2025 à Paris, l’IA frugale tend à émerger dans la sphère publique.
Auparavant, le ministère de la Transition écologique, en coopération avec la Banque des territoires, a lancé en 2023 un appel à projets sur l’IA frugale dans le cadre du projet d’investissement France 2030 et qui a donné lieu à la sélection de 12 lauréats concentrant 20 millions d’euros de subventions.
L’Ecolab a élaboré, en partenariat avec l’AFNOR et dans le cadre de la SNIA, un Référentiel Général pour l’IA frugale qui définit celle-ci comme étant « l’aptitude à se contenter d’un niveau de résultat jugé suffisant en redéfinissant ls usages et les besoins ».
Dans ce cadre, la frugalité vise « à réduire globalement les besoins en ressources matérielles et énergétiques et les impacts environnementaux associés vie une redéfinition des usages ou des exigences de performance ou encore via une réorganisation des besoins du producteur du système d’IA au fournisseur du service considéré » (Livre Blanc de la communauté des acteurs de l’IA dans les territoires, Novembre 2024).
Ce Référentiel Général contient également une méthodologie pour évaluer l’impact environnemental de l’IA sur et recenser les bonnes pratiques qui peuvent être mises en œuvre par les organisations pour réduire cet impact.
Toujours est-il qu’il n’existe pas aujourd’hui de contraintes législatives et réglementaires quant au développement et à la mise en œuvre de modèles d’IA frugale.
La démarche repose donc sur le volontariat et sur une volonté politique de concilier nouvelles technologies et environnement.
Toutefois, il va de soi que l’atteinte des divers objectifs de la France en matière de lutte contre le changement climatique suppose une action globale, à laquelle n’échappe pas l’IA.
Il en va donc de la responsabilité des acteurs publics d’être promoteurs et moteurs dans le développement de modèles d’IA frugale à l’échelle du territoire.
Élaboration du marché : définir le besoin en matière d’IA frugale
Emprunter la voie de l’IA frugale, c’est avant toute chose pour l’acheteur, s’interroger pour savoir si le recours à une solution d’IA pour répondre à son besoin s’avère nécessaire. Puis, une fois le recours à l’IA entériné, il convient pour l’acheteur d’arbitrer en faveur d’un modèle d’IA le plus simple, le plus frugale, qui permet de répondre au besoin avec le moins de consommation d’énergie possible.
La définition du besoin constitue donc une étape indispensable.
L’intérêt du sourcing
Toute d’abord, en amont du lancement de la consultation, l’acheteur peut organiser des réunions de sourcing avec des opérateurs économiques afin d’identifier les solutions et fournisseurs qui seraient susceptibles de répondre à ce besoin et qui pourraient s’avérer vertueuses du point de vue de la préservation de l’environnement.
Cette étape n’a pas pour objet de « présélectionner » des opérateurs mais seulement d’identifier les solutions possibles pour que l’acheteur puisse précisément définir son besoin ainsi que les spécifications techniques qu’il pourra stipuler dans le cadre d’un futur contrat de la commande publique.
Cette étape peut aussi être l’occasion pour l’acheteur d’identifier les acteurs présents sur le marché qui sont en capacité de répondre à son besoin au regard des exigences de protection de l’environnement qui pourraient leur être imposées et évaluer la disponibilité de la solution sur le marché (nécessité ou non d’un processus de Recherche et Développement ou acquisition d’une solution immédiatement disponible).
Cela lui permet ainsi de disposer d’informations sur les coûts liés au développement d’un modèle d’IA à faible impact sur l’environnement et sur la faisabilité d’un projet au regard de ces coûts.
Ce coût global peut alors intégrer les coûts associés au développement et/ou à l’achat d’une solution à faible impact sur l’environnement.
Les facteurs à prendre en compte pour favoriser une IA frugale
La frugalité d’un système d’IA suppose de rationaliser la quantité de données amenées à être traitées.
L’acheteur doit s’interroger sur l’existence et l’accessibilité de jeux de données – pouvant par exemple être disponibles en Open data – susceptibles d’être exploitées par son futur modèle d’IA.
En effet, privilégier des données existantes et librement accessibles permet non seulement de réduire les coûts d’accès aux données mais également de diminuer les consommations d’énergie requises par la collecte et le traitement de données nouvelles.
Favoriser une IA frugale suppose également une certaine précision quant au choix des jeux de données puisque, lorsque cela est possible, il convient de porter son choix vers le ou les jeux de données les moins volumineux tout en s’assurant qu’ils sont de nature à permettre de répondre au besoin de l’acheteur.
L’acheteur peut également privilégier des modèles ou des données déjà entrainés ou déjà utilisés dans un autre modèle, afin de réduire le coût énergétique lié à l’entraînement du modèle.
De la même manière, l’acheteur peut favoriser le développement de modèles de taille et de complexité limitées dans le but de réduire là encore leurs consommations d’énergie.
Enfin, l’acheteur peut agir au niveau des infrastructures nécessaires au fonctionnement de son système d’IA : choix du lieu et des caractéristiques du centre d’hébergement des données, choix des matériaux utilisés dans sa conception, choix des sources d’énergie.
En somme, l’acheteur doit avoir une réflexion englobant tant la finalité du modèle IA, c’est-à-dire le besoin auquel il va répondre, que les impacts environnementaux de ce modèle d’IA.
Favoriser l’acquisition d’un modèle d’IA frugale par la définition de critères techniques et environnementaux
Rappelons déjà que depuis la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021, la commande publique doit notamment participer à l’atteinte des objectifs de développement durable (Article L. 3-1 du code de la commande publique).
La loi du 22 août 2021 impose également aux acheteurs, à compter du 22 août 2026, de fixer au moins un critère d’attribution prenant en compte les caractéristiques environnementales de l’offre tant dans le cadre des marchés publics que des concessions (Articles L. 2157-6 et L. 3124-5 du code de la commande publique).
Pour l’heure, l’acheteur qui introduit dans le règlement de sa consultation un ou plusieurs critères environnementaux doit s’assurer classiquement qu’ils sont liés à l’objet du marché (Article L. 2152-7 du code de la commande publique).
Notons que l’acheteur peut exiger un label particulier sous réserve que les caractéristiques prouvées par ce label soient en lien avec l’objet du marché et permettent de définir les travaux, services ou fournitures qui font l’objet du marché (Article R. 2111-15 du code de la commande publique).
L’acheteur pourrait dans ce cadre faire référence au Référentiel Général pour l’IA frugale, tout en veillant à ce que cette référence, voire exigence, ne soit pas discriminatoire.
Sur le plan technique, l’acheteur pourrait également valoriser les offres dont les modèles d’IA reposent sur des volumes de données limitées ou font appel à des jeux de données déjà entraînés, moins consommateurs en ressources ; ou encore être attentif à l’empreinte écologique du centre d’hébergement des données.
C’est donc principalement au titre du critère environnemental que l’acheteur est en mesure de valoriser le soumissionnaire qui proposera une solution d’hébergement des données dans un centre de données dont l’impact environnemental est réduit par rapport à d’autres.
L’acheteur peut enfin intégrer au cahier des charges des clauses environnementales du marché. Afin de s’assurer de leur respect, il est préférable d’assortir ces clauses de sanctions en cas de non-respect par le futur titulaire.
Intégration d’un critère prix fondé sur le cycle de vie
Le critère prix peut reposer sur le coût, déterminé selon une approche globale susceptible d’être fondée sur le cycle de vie (Article R. 2152-7 du code de la commande publique).
Le coût du cycle de vie couvre, dans la mesure où ils sont pertinents, les coûts supportés par l’acheteur ou par d’autres utilisateurs tels que les coûts liés à l’acquisition de la solution (ce qui peut englober la R&D), les coûts liés à l’utilisation, en particulier les consommations de ressources (électricité, eau, etc.), les frais de maintenance et les coûts liés à la fin de vie (coûts de collecte et de recyclage).
Il intègre également les coûts imputés aux externalités environnementales et liées au service, à condition que leur valeur monétaire puisse être déterminée et vérifiée, comme les émissions de gaz à effet de serre et autres émissions polluantes ainsi que d’autres coûts d’atténuation du changement climatique (Article R. 2152-9 du code de la commande publique).
Cette faculté suppose toutefois pour l’acheteur de bien préciser dans les documents du marché les informations et données que doivent fournir les soumissionnaires et la méthode qu’il utilisera pour déterminer le coût du cycle de vie sur la base de ces données (Article R. 2152-10 du code de la commande publique).
Le choix de recourir à un critère prix fondé sur le cycle de vie permet de sensibiliser les opérateurs économiques à l’importance de l’empreinte écologique de l’IA et d’encourager le développement d’une IA frugale.
Toute la difficulté pour l’acheteur réside dans le calcul des incidences environnementales de la solution qu’il souhaite acquérir ou développer.
Le sourcing peut alors constituer un moyen d’estimation de tels coûts, au même titre que le référentiel de l’AFNOR sur l’IA frugale.

Par Laurent Bidault, Avocat Associé chez Novlaw Avocats, spécialisé en droit public, notamment en droit des contrats publics (marché public, concession) et en droit immobilier public (aménagement, urbanisme, construction). Il a également développé une expertise particulière en matière d’innovation appliquée au secteur public (achat innovant, R&D, BIM).
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