Le délai de forclusion est un délai spécial, limité à des actions spécifiques, au-delà duquel il n’est en principe plus possible d’agir, sauf à justifier d’une raison permettant d’obtenir en justice un relevé de forclusion.
Si on dénombre un certain nombre de délais de forclusion légaux tel que celui de l’article 1648 du Code civil relatif à l’action de la garantie des vices cachés, s’y ajoutent les délais de forclusion de nature conventionnelle. En effet, selon la Cour de cassation, la clause qui fixe un terme au droit d’agir du créancier institue un délai de forclusion (Com. 26 janv. 2016, n°14-23.285).
Dans ce même arrêt, la Cour reconnaît implicitement la validité de telles clauses. Cette reconnaissance a pu être critiquée en doctrine, dès lors qu’elle écarte du régime de la prescription les clauses de forclusion.
En effet, la Cour de cassation prévoit que les forclusions contractuelles échappent aux dispositions de l’article 2254 du Code civil, lesquelles ne concernent que les prescriptions. Pour rappel, l’article 2254 du Code civil dispose que « la durée de la prescription peut être abrégée ou allongée par accord des parties. Elle ne peut toutefois être réduite à moins d’un an ni étendue à plus de dix ans ».
Ainsi, une forclusion contractuelle de quelques mois est admissible alors même que l’article 2254 du Code civil admet les prescriptions conventionnelles pourvu qu’elles ne soient pas d’une durée inférieure à un an. La Cour de cassation a ainsi validé la clause figurant dans un contrat par lequel un prestataire s’engageait à assurer la tenue de la comptabilité et le suivi social et « stipulant que toute demande de dommages et intérêts devrait être introduite dans les trois mois suivant la date à laquelle le client aurait eu connaissance du sinistre » (Com. 30 mars 2016, n°14-24-874).
En outre, l’article 2241 n’est également pas applicable aux forclusions contractuelles (Civ. 3e, 31 oct. 2001, no 99-13.004).
En effet, la Cour de cassation juge que les causes légales d’interruption de la prescription ne s’appliquent pas aux clauses instituant une déchéance contractuelle confirmant la nature spécifique de la forclusion conventionnelle.
Le délai prévu est alors insusceptible de suspension ou d’interruption, que ce soit à titre accessoire ou principal. (Com. 26 janv. 2016, F-P+B, n° 14-23.285). Ainsi, le délai de forclusion conventionnel n’est pas susceptible d’interruption.
Néanmoins, les clauses de forclusion n’échappent pas à toutes limites. Ainsi, au sein d’un contrat d’adhésion, il est possible d’imaginer que de telles forclusions tombent sous la qualification de clause abusive visée par le nouvel article 1171 du Code civil qui consacre la notion de déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au sein du droit commun. L’article 1171, issu de la reforme du droit des contrats de 2016, dispose ainsi que « dans un contrat d’adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l’avance par l’une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite ».
Le législateur a souhaité introduire, en droit commun, la notion de déséquilibre significatif, que l’on connaît déjà en droit de la consommation ainsi qu’en droit commercial.
Ainsi, dans un arrêt de la Cour d’appel de Besançon, (Cour d’appel de Besançon, 1ère Chambre, Arrêt du 16 mai 2023, Répertoire général nº 21/01874) une association qui avait confié à une société des missions de gestion, de comptabilité, de fiscalité et une mission juridique et sociale, demande à la cour de dire que la clause de forclusion contenue dans la lettre de mission est abusive dès lors que « cette clause est incluse dans les conditions générales de toutes les lettres de mission qui sont imposées aux clients sans possibilité d’être négociées et qu’elle crée entre les parties un déséquilibre significatif puisque les fautes commises par la société C ont duré pendant plus de deux années et qu’elle n’a eu que trois mois pour demander indemnisation des préjudices qui en ont résulté, ce d’autant, que la clause prévoit en outre l’obligation de saisir préalablement l’ordre des experts-comptable dans le même délai de trois mois mais cela peut prêter à confusion. Elle soutient que ce délai n’est ni raisonnable ni réaliste puisque le seul fait de devoir reprendre la comptabilité sur 2016, de lister les erreurs commises, les corriger, les régulariser puis évaluer son préjudice lui ont pris plus de trois mois. Ainsi, cette clause permet au professionnel d’échapper à toute responsabilité découlant de la violation de ses obligations résultant de sa lettre de mission ».
Néanmoins, dans cet arrêt, la cour d’appel ne se prononce pas sur ce moyen au motif que l’appelante s’est fondée sur les dispositions du code de la consommation alors même qu’elle agissait à titre professionnel. Cependant, il faut noter que la cour ordonne la réouverture des débats et invite les parties à présenter leurs observations sur la modification du fondement juridique au profit du nouvel article 1171 du Code civil.
Ainsi, il est possible de considérer qu’un délai de forclusion dont le respect se révélerait trop difficile à tenir pourrait tomber sous le coup des clauses abusives.