Une « créance publique » désigne un droit que détient une personne dite le « créancier » à l’encontre d’une autre personne qui lui est obligée, dite le « débiteur », personne publique : l’État, les collectivités territoriales, ou entreprises publiques.

Elle doit être liquide, certaine, et exigible, et son objet consiste en une obligation : dans le cadre d’un marché public de travaux, il s’agit du paiement d’une prestation.

La demande paiement final

Lors de l’exécution d’un contrat public par un opérateur, et d’un marché public notamment, le maître d’ouvrage a pour principale obligation de payer son cocontractant pour les prestations exécutées conformément aux stipulations contractuelles et aux règles de l’art.

Le point de départ de l’obligation de paiement est la réception des prestations. Plus précisément, à l’achèvement des travaux, le titulaire du marché émet un décompte général et définitif qui constitue la demande de paiement final établissant le montant total des sommes prétendues au titre de l’exécution du marché public.

Si le maître d’ouvrage peut refuser de payer des prestations lorsqu’elles n’ont pas été exécutées conformément aux stipulations contractuelles et aux règles de l’art (à moins qu’il soit lui-même responsable de cette malfaçon), ou bien s’il détient lui-même une créance certaine, liquide et exigible issue du même contrat, qui pourrait se compenser avec celle de l’entrepreneur, il n’est pas fondé à refuser un tel paiement dans d’autres cas.

Quelles sont les délais de paiement en marché public ?

Le paiement des prestations est encadré par un délai de 30 jours pour les marchés de l’État, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics (article R 2192-10 du Code de la commande publique), de 50 jours pour les marchés des établissements publics de santé, et de 60 jours pour les autres organismes publics, à compter de la réception de la demande de paiement, et plus précisément de la date d’acceptation du décompte général et définitif (CCAG Travaux. art 13.4.3).

Il n’est pas rare dans le cadre de marchés publics, que le titulaire du contrat soit payé en retard, voire impayé.

une créance liée à un marché public (décompte, solde du marché, facture impayée), consultez…

Qu’est ce qu’un retard de paiement ?

Le retard de paiement est caractérisé lorsque le titulaire a rempli ses obligations légales et contractuelles et que le pouvoir adjudicateur n’a pas versé les sommes à l’expiration du délai de paiement (article 2192-12 du Code de la Commande publique).

En cas de défaut de paiement dans les délais prévus, des intérêts moratoires, une indemnité forfaitaire et, le cas échéant, une indemnisation complémentaire courent de plein droit au bénéfice du titulaire, sans autre formalité (article 2192-13 du Code de la commande publique). Une clause qui énoncerait le renoncement à ces intérêts serait réputée non écrite (article 2192-14 du Code de la commande publique).

Que faire en cas d’impayé d’une personne publique ?

En cas de contestation sérieuse sur le principe ou le montant du paiement, la saisine du juge administratif est indispensable pour trancher le litige.

Toutefois, lorsque la difficulté porte sur le paiement des prestations, différentes voies s’offrent au titulaire du marché.

Concrètement, en cas de refus de paiement d’une personne publique, il est nécessaire d’effectuer une demande préalable obligatoire auprès de l’administration en cause, (CE, 23 septembre 2019, n°427923).

L’administration dispose d’un délai de deux mois pour y répondre, l’absence de réponse dans ce délai valant rejet de la réclamation. S’ouvre alors un délai de deux mois pour saisir le tribunal administratif.

En principe, cette demande indemnitaire préalable suscitant une décision de l’administration, et  permettant de lier le contentieux devant la juridiction administrative, doit être formée avant le dépôt du recours indemnitaire auprès de la juridiction, à peine d’irrecevabilité de la requête (article R. 421-1 du Code de justice administrative).

Toutefois, il reste possible de régulariser une requête tendant au paiement d’un somme d’argent jusqu’au jour du jugement en introduisant, même durant l’instance, la demande indemnitaire.

L’important est qu’à la date à laquelle le juge statue, l’administration ait pris une décision, expresse ou implicite, sur une demande formée devant elle (CE, Avis du 27 mars 2019, n°426472).

En l’absence de régularisation, ce motif d’irrecevabilité peut être soulevé d’office par le juge administratif.

Si la demande indemnitaire préalable n’est pas tenue à un formalisme particulier, et n’a notamment pas à être chiffrée (CE, 30 juillet 2003, AP-HP c. M. B, n° 244618 ; CAA Lyon, 28 décembre 2018, n°17LY2512), les conclusions indemnitaires présentées devant la juridiction administrative doivent sous peine d’irrecevabilité être chiffrées (CE, 26 novembre 1975, n° 94124), chiffrables avec certitude en application d’un texte, ou être chiffrées après avoir sollicité le bénéfice d’une expertise préalable.

Le recours contre la décision de rejet de la demande

À compter de la décision expresse de rejet de la personne publique ou du silence gardé par celle-ci pendant deux mois, le créancier dispose de deux mois pour saisir le juge d’un recours pour excès de pouvoir contre cette décision (explicite ou implicite) de rejet.

Il est plus efficace de demander au juge d’assortir sa décision d’une « injonction », d’un délai ou d’une astreinte.

L’action en responsabilité de la personne publique

Parallèlement, il peut aussi saisir, sans condition de délai, le juge d’un recours de plein contentieux, en vue de mettre en cause la responsabilité de la personne publique et la voir condamner au paiement de dommages et intérêts.

Cependant, ces procédures sont souvent longues (un an minimum et jusqu’à 4 ans), le juge étant seul maître de la durée de la procédure.

Quelles solutions plus rapides ?

Aussi, la solution la plus pertinente est de saisir le juge d’un référé-provision qui permet au créancier d’une personne publique qui se prévaut d’une obligation, d’obtenir une indemnité (article 541-1 du Code de justice administrative). L’objet de ce référé-provision est de permettre le versement rapide d’une provision.

Une provision est versée dès lors qu’est démontrée l’existence d’une obligation non sérieusement contestable. Les éléments soumis au juge du référé doivent établir l’existence de cette obligation avec un degré suffisant de certitude (CE 6 décembre 2013, M. Thévenot, req. N°363290).

Elle peut résulter notamment des pièces de nature contractuelle mettant indiscutablement à la charge de la partie adverse des créances (facture non payée par exemple).

Le recouvrement de la créance publique

Une fois la décision de justice passée en force de chose jugée, le recouvrement de la créance peut avoir lieu.

Toutefois, les personnes publiques disposent d’un statut qui rend inapplicables les outils de recouvrement classique des impayés. Ainsi, les voies d’exécution du droit privé telles que la saisie  ne peuvent être mises en œuvre (article L. 2311-1 du Code général de la propriété des personnes publiques).

Face au refus de paiement d’une personne publique, il existe alors deux voies d’exécution spécifiques. Il s’agit d’une part du mandatement d’office (article L911-9 du Code de Justice administrative), et d’autre part, de l’inscription d’office (L1612-15 du Code général des collectivités territoriales).

– S’agissant du mandatement d’office, l’État ou la collectivité doit émettre une ordonnance ou mandat de paiement dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de justice. Une lettre recommandée avec accusé de réception doit être envoyée le jour même au créancier, comportant la date de l’ordonnancement ou du mandatement, ainsi que la désignation du comptable assignataire de la dépense.

– En l’absence d’une décision juridictionnelle passée en la force de la chose jugée, l’inscription d’office permet la saisine par une personne physique ou une entreprise de la cour régionale des comptes. Elle a pour but d’inscrire dans le budget d’une collectivité l’impayé que celle-ci se refuse à régler. La CRC constate, dans le délai d’un mois de sa saisine, que la dépense obligatoire « n’a pas été inscrite au budget ou l’a été pour une somme insuffisante« , et adresse à la collectivité territoriale concernée une mise en demeure.

Attention à la prescription quadriennale des créances publiques

Attention toutefois, les créances publique sur l’État, les départements, les communes et les établissements publics, se prescrivent dans un délai quadriennal (loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968), qui court à partir du premier jour de l’année qui suit celle au cours de laquelle s’est produit le fait générateur.

Une fois ce délai de quatre ans dépassé, l’administré ne peut plus prétendre obtenir de la part de l’administration le paiement de ses créances.

Cependant, tout recours, même devant une juridiction incompétente, même en plein contentieux, et même s’il se termine par un rejet, a un effet interruptif du cours de la prescription, à condition qu’il ait été effectué dans le délai et qu’il ait été relatif au fait générateur, à l’existence, au montant ou au paiement de la créance.

Il convient donc d’être extrêmement vigilant et réactif dans l’hypothèse où un recours contre une personne publique est envisagé.

Laurent Bidault Avocat - Novlaw Avocats

Par Laurent Bidault, Avocat Associé chez Novlaw Avocats, spécialisé en droit public, notamment en droit des contrats publics (marché public, concession) et en droit immobilier public (aménagement, urbanisme, construction). Il a également développé une expertise particulière en matière d’innovation appliquée au secteur public (achat innovant, R&D, BIM).

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