Afin d’accompagner les entreprises directement impactées par la crise sanitaire et les mesures prises par le Gouvernement (confinement, couvre-feu), l’État et les Régions ont mis en place un fonds de solidarité « à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation », par une ordonnance n°2020-317 du 25 mars 2020 et du décret d’application n°2020-371 du 30 mars 2020.

Le décret n°2020-371, qui prévoit notamment les modalités d’accès et le montant des aides relatives au fonds de solidarité, a été modifié mensuellement par des décrets successifs précisant, mois après mois, les conditions d’éligibilité aux aides pour chacun des mois en cause.

Il a été annoncé que ce fonds de solidarité prendrait fin à compter 30 septembre 2021 et les demandes pour le mois de septembre 2021 sont à déposer jusqu’au 30 novembre 2021.

Toutefois ce dispositif reste accessible pour les territoires reconfinés ou soumis à un nouveau couvre-feu.

Il n’en demeure pas moins qu’en cas de contestation de décision de refus de l’aide, certains contentieux restent toujours pendants devant les juridictions administratives.

Le Fonds de solidarité concerne ainsi les restaurants, les bars, les discothèques, les établissements recevant du publics (musée, établissement culturel, centre de vacances, hébergement touristique, centre des congrès, club de sport…). Il peut s’agir également d’entreprises directement touchées par la crise comme celles de l’aéroportuaire.

Fonds de solidarité et fermeture administrative

Dès lors, il convient de s’intéresser à une des conditions prévues mois par mois dans le décret n°2020-371 qui fait l’objet d’une interprétation par certains services de l’administration fiscale.

En effet, le décret n°2020-371 prévoit comme condition que sont éligibles au fonds de solidarité les entreprises qui n’ont pas fait « l’objet d’un arrêté pris par le préfet de département ordonnant la fermeture de l’entreprise en application du troisième alinéa de l’article 29 du décret du 16 octobre 2020 précité ou du troisième alinéa de l’article 29 du décret du 29 octobre 2020 ».

Autrement dit, pour pouvoir bénéficier du fonds de solidarité, l’entreprise ne doit pas avoir été fermée administrativement (par un arrêté préfectoral généralement) parce qu’elle aurait méconnu les règles sanitaires : absence de port du masque par le personnel, accueil du public, ouverture après le couvre-feu, absence de distanciation sociale, etc.

Précisons que cette condition est apparue dans le décret n°2021-371 à compter du décret n° 2021-129 du 8 février 2021 qui créée l’article 3-19 et 3-20 du décret n°2020-371 relatif aux modalités et conditions de l’octroi de l’aide pour le mois de janvier 2021.

Quelle est l’interprétation par les services de l’administration fiscale de cette condition ?

Plusieurs services de l’administration fiscale ont rejeté des demandes d’aides au motif que l’aide ne pouvait plus être accordée à compter de la prise d’un arrêté ordonnant la fermeture de l’entreprise pour non-respect des mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire prescrite par le décret du 16 octobre 2020 et du 29 octobre 2020.

Ainsi, cela revient à considérer que dès lors qu’une entreprise a fait l’objet d’une fermeture administrative pour non-respect des mesures sanitaires, quelle que soit la durée de la fermeture ou quel que soit le mois concerné, elle est définitivement exclue du bénéfice du fonds de solidarité.

Par exemple, une entreprise qui aurait été fermée une semaine au mois de mars 2021 ne peut plus prétendre au fonds de solidarité pour le mois de mars (ce qui est prévu par le texte et apparait « logique »), ainsi que pour les mois d’avril, mai, juin, juillet, août, septembre, octobre et novembre 2021.

On le voit les conséquences de cette fermeture sont alors décolérées du mois considéré et de toute évidence disproportionnées.

Une interprétation contraire aux textes

S’il est vrai que le décret ne précise pas explicitement le caractère temporel de cette condition, il n’en demeure pas moins que la place de cette condition dans le décret permet de comprendre que son application s’arrête au mois concerné par la fermeture administrative en raison du respect des mesures sanitaires.

En effet, si on reprend l’architecture du texte cette condition est rappelée mensuellement, au gré de chacun des décrets visant à compléter le décret du 30 mars 2020 afin de fixer les conditions applicables au mois considéré.

Ainsi, cette condition ne se trouve pas au nombre des conditions prévues par l’article 1er du décret n°2020-371, qui s’applique indifféremment selon le mois concerné.

Par conséquent, à la lecture du texte, il est évident qu’une entreprise qui serait fermée par la préfecture au mois de mars et d’avril, par exemple, peut prétendre au bénéfice du fonds au titre du mois mai, sauf à donner un effet perpétuel et donc disproportionné à une fermeture temporaire.

Un détournement de procédure

La finalité du dispositif du fonds de solidarité est de soutenir les entreprises impactées par la crise sanitaire et les mesures prises par le gouvernement.

En effet, l’article 1 de l’ordonnance n°2020-317 qui instaure le fonds de solidarité prévoit que ce dernier a « pour objet le versement d’aides financières aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du covid-19 et des mesures prises pour en limiter la propagation. (…) ».

De plus, son article 3 dispose que le décret d’application, décret n°2020-371, « fixe le champ d’application du dispositif, les conditions d’éligibilité et d’attribution des aides, leur montant ainsi que les conditions de fonctionnement et de gestion du fonds ».

Par conséquent, la finalité du décret n°2020-371 est de prescrire les conditions d’attribution du fonds de solidarité, dans le but de soutenir les entreprises directement impactées par la crise sanitaire et la crise économique consécutive et non pas pour les sanctionner d’un non-respect des mesures sanitaires.

Or, l’interprétation retenue par les services de l’administration fiscale revient à mettre en place un système punitif puisqu’une entreprise qui serait fermée pour une période donnée – peu importe la durée – se trouve sanctionnée par l’impossibilité de bénéficier du fonds de solidarité.

 De plus, les services de l’administration fiscale ne sont pas compétents pour sanctionner une entreprise de la méconnaissance des règles sanitaires sur le fondement de l’article 29 du décret n°2020-1310 du 29 octobre 2020 et de l’article 29 du décret n°1262 du 16 octobre 2020.

 En effet, ces articles prévoient la compétence du préfet pour sanctionner les entreprises qui auraient méconnu les règles sanitaires applicables durant la crise sanitaire. En outre, la seule sanction prévue est celle d’une fermeture administrative.

 

Ainsi, il est possible de voir ici un détournement de procédure par les services de l’administration fiscale qui utilisent le fonds de solidarité afin de sanctionner plus durement les entreprises du non-respect des mesures sanitaires.

Une disproportion de la mesure

En droit administratif, il existe un principe de proportionnalité des sanctions administratives (CE, 30 mai 2012, Société Vera, n° 351551 ; CE, 6 septembre 2020, n°443750).

L’interprétation des services de l’administration fiscale amène à considérer que toute fermeture administrative même de quelques jours est sanctionnée jusqu’à la fin du dispositif du fonds de solidarité.

Or, infliger une sanction perpétuelle à une entreprise qui a fait déjà était sanctionnée par une fermeture administrative pour méconnaissance des mesures sanitaires, en la privant définitivement du bénéfice du fonds de solidarité, s’avère disproportionné.

En outre, cette disproportion est accentuée par le fait que les entreprises ayant fait l’objet d’un arrêté préfectoral sont déjà sanctionnées par ce moyen.

Les décisions obtenues par le Cabinet Novlaw Avocats

Le Cabinet NOVLAW Avocats a déjà pu obtenir plusieurs décisions dans ce sens.

En particulier, par une ordonnance du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, le juge des référés a reconnu l’existence d’un doute sérieux quant à la légalité de la décision de refus du fonds de solidarité, pris par la DGFIP, au motif que l’entreprise a fait l’objet d’une fermeture pour non-respect des mesures sanitaires pour des mois antérieurs à la demande.

Le juge a ainsi jugé que le pouvoir réglementaire a adopté le décret n° 2020-371 « dans le seul but d’accompagner les entreprises victimes des conséquences économiques, financières et sociales de la crise sanitaire, sans envisager d’exclusion définitive du dispositif en cas de non-respect des règles sanitaires, seulement sanctionnées, en l’état de droit positif, par le pouvoir de police administrative que l’autorité préfectorale tient des dispositions précitées de l’article 29 du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 ».

Ainsi « le moyen tiré de ce que la décision attaquée est entachée d’une erreur de droit au regard des dispositions précitées de l’article 3-26 du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 est propre à faire naître un doute sérieux sur sa légalité. »

Comment contester un refus de fonds de solidarité ?

La personne qui se voit  refuser le bénéfice du fonds de solidarité peut contester cette décision soit auprès de l’administration, dans un délai de 2 mois suivant la décision ; soit directement devant le juge administratif, là-encore dans un délai de 2 mois suivant cette décision.

Retrouvez notre article détaillé sur ce sujet : Covid-19 : Que faire en cas de refus ou de retrait du bénéfice du fonds de solidarité?

N’hésitez pas à contacter le Cabinet NOVLAW AVOCATS pour toutes questions.