cession foncière avec charges marché public

Régularité d’une cession foncière avec charges

La cession foncière avec charges est un montage immobilier permettant à une personne publique de céder un bien immobilier (terrain, immeuble) à un tiers tout en lui imposant la réalisation de certains équipements qui sont liés à l’opération mais qui ont vocation à être rétrocédés à la personne publique

Dans cet arrêt, la Cour de cassation valide la vente par une commune d’un terrain à un groupement de promoteur pour la réalisation d’un programme de logements collectifs, avec pour contrepartie pour le commune la réalisation d’un local et de places de stationnement (Cour de cassation, 3ème chambre civile, 26 octobre 2023, n°22-19.444).

Cette opération ne constitue pas un marché public de travaux.

Qu’est-ce la cession foncière avec charges ?

La cession foncière avec charges est un contrat de vente par lequel une personne publique (État, collectivité territoriale) va céder un bien immobilier (terrain, immeuble) à un tiers en contrepartie du versement d’un prix et de la réalisation d’aménagements qu’elle va imposer à ce dernier.

Ces charges, qui constituent une condition de la réalisation de la vente, vont consister en la réalisation d’aménagements ou d’équipements qui répondent à l’intérêt de l’opération mais également à l’intérêt général.

Ces charges peuvent par exemple consister en la réalisation de voies routières, de parcs de stationnement ou en la réalisation de logements sociaux, de bureaux ou encore de locaux d’activité.

Cet outil souple, notamment car dénué d’obligations de publicité et de mise en concurrence comme un marché public, est particulièrement utile pour la personne publique.

En effet, tout à la fois, la personne publique va vendre un de ses biens, donc valoriser son patrimoine, et faire réaliser certains équipements d’intérêt général.

Quelles sont les charges pouvant être imposées à l’acquéreur ?

Comme indiqué, les charges imposées par la personne publique à l’acquéreur du bien doivent s’inscrire dans l’intérêt de l’opération, et pas uniquement dans l’intérêt général.

La jurisprudence livre plusieurs exemples de charges imposées par la personne publique et qui répondent à l’intérêt de l’opération.

Par exemple, c’est le cas de la réalisation d’équipements routiers : construction de nouvelles voiries, d’un carrefour par l’acquéreur (CAA Douai 25 octobre 2012, n° 11DA01951) ou de la modification de la taille des appartements que projette de réaliser l’acquéreur sur le terrain cédé par la commune (CAA Nancy, 22 juin 2021, n° 19NC02745).

Le risque de requalification de la cession foncière en marché public de travaux

À l’inverse, s’il s’avère que les charges imposées par la personne publique ne sont pas en lien avec l’opération, mais répondent à un besoin de celle-ci la cession pourrait être regardée comme étant un marché public.

À cet égard, le juge recherche si l’objet principal de la cession n’est pas en réalité de confier à l’acquéreur la réalisation de travaux en vue de la construction, selon des spécifications précises imposées par la personne publique, d’ouvrages qui répondent à un besoin d’intérêt général défini par cette dernière.

De même, comme il le fait classiquement lorsqu’il est saisi de la question de la régularité du recours par une personne publique d’un montage immobilier de droit privé et de sa requalification éventuelle en marché public, le juge apprécie si la personne publique n’a pas exercé une influence déterminante sur la nature ou la conception des travaux réalisés par l’acquéreur.

Si tel était le cas alors la personne publique agirait non plus en qualité de simple vendeur, mais en qualité d’acheteur public au sens du Code de la commande publique.

L’absence d’influence de la commune sur les travaux prévus dans le cadre de la cession foncière

Dans l’affaire en cause, la Cour de cassation souligne dans un premier temps que la cession foncière avec charges en cause n’est pas un marché public de travaux dans la mesure où la commune n’a pas exercé une influence déterminante sur la nature ou la conception des travaux prévus dans l’opération.

Dans l’affaire en cause, l’appel à candidatures initié par la commune dans le cadre de la cession du terrain mentionnait la réalisation d’environ 190 logements collectifs, avec un taux de 40 % de logements locatifs sociaux, étant précisé que ce taux correspondait à la proportion minimale prévue par le PLU, les candidats étant ensuite libre de répartir les logements entre l’accession libre et le prix maîtrisé.

Ce premier élément ne pouvait donc être regardé comme une charge imposée – le nombre de logements sociaux à réaliser – pour répondre spécifiquement au besoin de la commune, dès lors que cette « charge » était imposée par le PLU.

Le cahier des charges de l’opération se limitait en outre à donner pour mission à l’acquéreur « de concevoir et réaliser le programme immobilier, en choisissant, sous réserve du respect de la servitude de mixité sociale, la répartition des différentes catégories de logement et mode d’acquisition ».

La commune ne pouvait pas être regardée comme ayant défini et imposé des caractéristiques précises au projet.

Enfin, il est relevé que la commune n’avait formulé aucune demande portant sur la structure architecturale des bâtiments.

La Cour de cassation en conclut que la Cour d’appel a pu déduire à juste titre que les travaux en cause, même s’ils comportaient la création de logements sociaux sur le territoire communal, n’avaient pas été exécutés dans l’intérêt économique direct de la commune et que celle-ci n’avait exercé aucune influence déterminante sur leur nature ou leur conception.

Le contrat de cession foncière avec charges n’est pas un marché public au regard de son objet principal

Dans un second temps, la Cour de cassation rappelle que lorsque le contrat unique porte à la fois sur des prestations qui relève de l’ordonnance relative aux marchés publics (désormais codifiée au Code de la commande publique) et des prestations qui n’en relèvent pas, celle-ci n’est pas applicable si les prestations qui n’en relèvent pas constituent l’objet principal du contrat et si les différentes parties au contrat sont objectivement inséparables.

En revanche, comme le rappelle également la Cour de cassation, Lorsqu’il n’est pas possible de déterminer l’objet principal du contrat, l’ordonnance (désormais le Code de la commande publique) s’applique.

Dans cette affaire, plusieurs éléments ont conduit le juge à écarter l’application de l’ordonnance relative aux marchés publics.

Tout d’abord, le contrat consistait principalement en la réalisation d’une opération privée de logements collectifs représentant une surface de plancher de 16 350 mètres carrés, dont seulement 650 mètres carrés destinés à un local brut et 17 places de stationnement, à remettre à la commune.

Ensuite, il n’était pas établi que le local en cause correspondait à la réalisation d’un équipement public répondant à un besoin spécifiquement défini par la commune.

Au demeurant, la livraison de ce local à la commune constituait une modalité du paiement, ne représentait que 27 % du prix de vente total : il n’y avait donc pas à proprement parler de rémunération en contrepartie de la livraison des locaux et des places de stationnement.

Enfin, il est relevé que les deux volets de l’opération – en l’occurrence d’une part la cession du terrain et d’autre part la réalisation du programme et la remise du local et des places de stationnement – étaient objectivement indissociables.

En définitive, la cession foncière avec charges en cause n’est pas un marché public de travaux et n’est pas soumise aux règles de la commande publique.

Cour de cassation, 3ème chambre civile, 26 octobre 2023, n°22-19.444

Laurent Bidault Avocat - Novlaw Avocats

Par Laurent Bidault , Avocat Associé chez Novlaw Avocats , spécialisé en droit public , notamment en droit des contrats publics (marché public, concession) et en droit immobilier public (aménagement, urbanisme, construction). Il a également développé une expertise particulière en matière d’ innovation appliquée au secteur public (achat innovant, R&D, BIM).

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