!!! PRUDENCE !!!

L’arrêt du 15 avril 2021 de la troisième chambre civile de la Cour de cassation (n° 19-24.231, publié FP+P) ne devrait pas passer inaperçu. En effet, le juge du quai de l’horloge encadre de façon sévère certaines formules qu’il est d’usage d’employer lorsque l’on demande le renouvellement du bail commercial en sollicitant une modification du loyer.

Zoom sur la portée du renouvellement du bail commercial “aux clauses et conditions du bail précédent”.

La question posée au juge était la suivante : dans l’hypothèse où les parties à un bail commercial s’accordent sur le principe du renouvellement du bail “aux clauses et conditions du bail précédent », faut-il considérer que le montant du loyer du bail renouvelé est également compris dans l’accord ?

Le sujet est essentiel en cette période où les demandes de renouvellement devraient souvent s’accompagner d’une négociation du prix du loyer à la baisse (probable dans le contexte postcrise sanitaire de la covid-19).

La réponse apportée par la Cour de cassation est riche d’enseignement pour le preneur à bail qui souhaiterait réaliser une demande de renouvellement sans perdre la possibilité de demander la renégociation à la baisse du loyer.

Quels étaient les faits de l’espèce ?

En l’espèce, un local à usage commercial avait fait l’objet d’un bail commercial. À l’approche de la fin du bail, le preneur avait sollicité le renouvellement du bail “aux mêmes clauses et conditions”. Le bailleur avait alors exprimé son accord quant au renouvellement « aux mêmes clauses et conditions antérieures ».

Or, le preneur a par la suite notifié au bailleur une proposition de baisse du prix du loyer du bail renouvelé, refusé par ce dernier. La société locataire a alors notifié un mémoire préalable en fixation du prix du bail renouvelé à un montant inférieur à celui du précédent bail, puis saisi le juge des loyers commerciaux afin d’obtenir la fixation du loyer renouvelé.

Le juge des loyers commerciaux, tout comme la cour d’appel, ont débouté le preneur de ses demandes, se fondant sur le fait que les parties avaient exprimé de façon exprès leur volonté de voir renouveler le contrat « aux mêmes clauses et conditions antérieures » sans qu’aucune réserve ne soit exprimée. Dès lors, le juge du fond considère qu’un accord entre les parties au bail avait été trouvé, y compris sur le montant du loyer du bail renouvelé.

La Cour de cassation a alors été amenée à donner son interprétation quant à la portée de l’expression « clauses et conditions du précédent bail » et sur la réalité d’une référence au prix du bail.

Ainsi, lorsque les parties expriment leur volonté de voir renouveler le bail commercial « aux mêmes clauses et conditions » que celles prévues au bail antérieur, il faut comprendre que cela englobe également le montant du loyer et qu’il sera ensuite impossible d’y revenir, sauf à attendre trois ans (cadre légal de la révision triennale).

Cette réponse de la Cour de cassation appelle quelques remarques.

Dans quelles conditions intervient le renouvellement ?

Pour rappel, le bail commercial ne cesse que par l’effet d’un congé donné 6 mois à l’avance par le bailleur ou bien par une offre de renouvellement du preneur. À défaut, le même bail se poursuit par tacite prorogation pour une durée indéterminée.

Le renouvellement du bail peut ainsi intervenir par proposition du bailleur, on parle de congé avec offre de renouvellement, mais également à la demande du preneur.

Lorsque la demande de renouvellement émane du preneur, le bailleur aura alors trois mois à compter de la notification de la demande pour y donner une réponse, à savoir accepter expressément le principe du renouvellement, refuser expressément le renouvellement, ou bien conserver le silence, ce qui vaut alors acceptation tacite du principe uniquement du renouvellement (article L 145-10 du Code de commerce).

Attention, le principe du renouvellement et la fixation du nouveau loyer sont indépendants. Ils doivent ainsi être envisagés séparément. Les parties peuvent s’accorder en premier lieu sur le principe du renouvellement sans qu’un accord financier ne soit encore trouvé.

Que faire si le bailleur et le preneur ne parviennent pas à s’entendre sur la fixation du loyer renouvelé ?

Lorsque le principe du renouvellement est acquis expressément par les deux parties, un nouveau bail commence à courir à compter de la date d’effet de la demande ou du congé. Toutefois, le renouvellement n’est encore que provisoire, tant que l’accord sur le nouveau loyer n’est pas acquis.

Si les parties ne parviennent pas à trouver un accord amiable, une action en fixation du loyer renouvelé pourra être initiée par la partie la plus diligente qui saisira le juge des loyers commerciaux. Cette possibilité de saisir le juge pour fixation du nouveau loyer est soumise à prescription biennale.

Le bailleur et le preneur peuvent encore refuser de conclure le nouveau bail définitif compte tenu du nouveau loyer fixé judiciairement contre paiement des frais d’instance.

C’est l’acceptation du montant du loyer renouvelé qui fait que le contrat est définitivement formé. Il y a alors accord sur la chose et le prix.

Toutefois, en l’espèce, la question était de savoir si la formule « aux mêmes clauses et conditions » rendait impossible l’introduction d’une procédure judiciaire en fixation de loyer.

La formule « aux clauses et conditions antérieures » implique-t-elle un accord certain sur le montant du loyer du bail renouvelé ?

L’action judiciaire en fixation du loyer du bail commercial renouvelé ne peut être introduite que dans la seule hypothèse où il existe un désaccord entre les parties.

Or, en l’espèce, la formule « aux clauses et conditions du bail venu à expiration » prête à interprétation. C’est d’ailleurs sur cet argument que se fonde le demandeur : une telle formule traduirait effectivement la volonté des parties quant au principe du renouvellement, mais ne suffirait pas à caractériser un engagement ferme quant au montant du loyer du bail à renouveler.

Finalement cet argument est tiré d’un arrêt rendu par cette même chambre de la Cour de cassation le 24 juin 2009 (n°08-13970), qui considérait que la formule susmentionnée consistait en une « formule d’usage, qui ne faisait aucune référence exprès au loyer élément essentiel du contrat de bail, ne pouvait suffire à caractériser un engagement précis, complet et ferme de la locataire sur le montant du loyer du bail à renouveler ».

Pourtant, la Cour de cassation se détache de sa jurisprudence jusqu’alors établie. En effet, la Cour conclut que « les parties ayant toutes deux exprimé leur volonté de voir renouveler le contrat « aux mêmes clauses et conditions antérieures » sans mention d’aucune réserve, elles avaient conclu un accord exprès sur les conditions et clauses du bail précédent ». Par la même occasion, le pouvoir souverain d’interprétation des juges du fond est réaffirmé quant à l’interprétation de l’accord des parties.

In fine, cette décision rappelle le principe posé par l’article L 145-33 du Code de commerce, l’action en fixation du loyer du bail renouvelé n’est offerte qu’en l’absence d’accord amiable. Cette position se veut au service de la liberté contractuelle. L’accord des parties doit prévaloir coute que coute.

Ainsi, il est conseillé au preneur qui entend solliciter le renouvellement du bail commercial aux clauses et conditions antérieures d’émettre dans la demande de renouvellement des réserves s’agissant du montant du loyer, voire de solliciter un nouveau loyer, s’il entend le renégocier à la baisse.

Maitre Baptiste Robelin, avocat spécialisé en droit immobilier et en bail commercial, se tient à votre disposition pour tout conseil.

Maitre Baptiste Robelin - Novlaw Avocats Paris-Lyon

Renouvellement de Bail Commercial

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