Hervé Beloeuvre

Baptiste Robelin, avocat spécialisé en cession de fonds de commerce et droit de la restauration (CHR), a l’honneur de recevoir Monsieur Hervé Beloeuvre, expert-comptable de la Fiduciaire Beloeuvre et Associés. Retrouvez son analyse sur les différences entre une SARL et une SAS.

Hervé Beloeuvre : En 2019, 218.400 sociétés ont été créées en France[1]. Parmi elles, 97% sont des SAS ou des SARL.

Le choix de la forme juridique est fondamental pour l’avenir. Il conditionne le fonctionnement de la société, l’imposition de ses revenus ainsi que la protection sociale du (ou des) chef(s) d’entreprise.

C’est donc une des premières questions posées à un client qui veut créer une société. Si la réponse est majoritairement la SAS (à 63%), la SARL fait encore une belle résistance à 34%, malgré une chute rapide (57% en 2014).

Sur le plan économique, les deux types de sociétés permettent d’exercer la plupart des activités commerciales. Elles permettent également d’exercer des activités libérales (juridiques et médicales notamment) sous la forme de sociétés d’exercice libéral (SEL).

Au plan juridique, ce sont des sociétés de capitaux[2]. La responsabilité des associés est limitée à leurs apports dans le capital.

Pourtant leurs logiques sont bien différentes.

La SARL que nous connaissons est née d’une loi de 1925. Après les destructions de la Première Guerre mondiale, il faut relancer l’économie (déjà !) et favoriser le passage de l’entreprise individuelle (l’artisan) à une petite entreprise plus pérenne. La SA est trop lourde pour cela. La SARL reprend directement les structures de la GmbH[3] allemande née en 1892 (et dont les Français peuvent voir les effets dans une Alsace Moselle récemment reconquise).

La SARL est destinée à de petites entreprises, il faut du « prêt-à-porter juridique »[4]. La loi précise de nombreux points de fonctionnement. Pour l’essentiel, les statuts ne font que préciser certaines latitudes prévues par la loi.

Dans la SARL, le pouvoir (les droits de vote) est intimement lié à la détention du capital. Chaque associé dispose d’un nombre de voix égal à celui des parts sociales qu’il possède. Le gérant est le plus souvent celui qui apporte le plus de capital (gérant majoritaire), et il détient conséquemment le pouvoir en assemblée générale. Les droits des minoritaires sont réduits. Ils peuvent convoquer une Assemblée… après en avoir fait la requête auprès du Président du tribunal de Commerce (c’est rare).

LA SARL peut être gérée par plusieurs co-gérants. Les statuts (ou la décision de nomination) précisent s’ils peuvent agir indépendamment ou si, sur certaines décisions, la signature de tous les gérants est requise.

Les associés ne peuvent céder leurs parts à un tiers qu’avec le consentement des autres associés (procédure d’agrément).

Il faut attendre 1985 pour qu’il soit possible de constituer une EURL, c’est-à-dire une SARL ne comprenant qu’un seul associé. Il faut dire que faire société tout seul est vécu à l’époque comme une aberration autant lexicale que juridique !

La SAS est née en 1994 dans un contexte très différent. L’économie change vite, on a besoin de coopérer avec d’autres structures, et l’internationalisation amène à regarder au-delà des frontières. Si on ne peut créer en France la structure que l’on souhaite, il « suffit » d’aller la créer aux États-Unis où la Joint Venture (JV) est bien plus adaptable que notre bonne vieille société anonyme.

Dans le cadre de la SAS, le cadre législatif est léger et de nombreuses règles peuvent être prévues par les statuts, donc librement fixées par les associés. Ceci a plusieurs conséquences.

D’abord, le lien entre la valeur des apports (le capital) et le pouvoir est rompu. Ce n’est pas nécessairement celui qui a apporté le plus de fonds qui détient la majorité des voix en assemblée générale.

La société est obligatoirement dirigée par un – unique – Président. Il peut être assisté d’un ou plusieurs Directeurs Généraux. Ce sont les seuls dirigeants juridiquement responsables. Mais l’administration de la SAS étant librement fixée dans les statuts, on pourra encadrer le pouvoir du Président par différents comités. Il conviendra de préciser les attributions et le fonctionnement de ces comités dans les statuts.

Les statuts peuvent enfin intégrer des règles qui nécessitent un pacte d’actionnaires dans les SA. On peut par exemple imposer l’agrément des nouveaux actionnaires, ou prévoir que les actionnaires ne peuvent vendre leurs actions pendant un temps donné. On peut aussi décider que le Président sera nommé par tel associé, et non par l’Assemblée Générale. Les statuts sont publics, mais sont juridiquement plus contraignants que les pactes d’actionnaires.

Réservé à l’origine aux seules grandes entreprises[5], l’actionnariat des SAS va s’ouvrir dès 1999 aux structures plus petites et aux particuliers. La souplesse des statuts va faire des SAS le statut préféré des fonds d’investissement et donc des startups.

Il n’est pas toujours aisé de partir d’une page blanche pour écrire des statuts. L’intervention de l’avocat est nécessaire pour définir des statuts opérationnels et légaux[6] . Rappelons que des statuts mal écrits, peu clairs, peuvent conduire à des conflits entre associés. Dans le silence de la loi, il faudra les faire trancher au tribunal. Pas le meilleur moyen de développer un business ou de lever des fonds…

En ce qui concerne l’imposition des résultats, il n’y a aucune différence entre la SAS et la SARL. Les revenus des deux types de structures sont imposés à l’Impôt sur les Sociétés (IS). Il est possible – sous conditions – d’opter pour l’imposition sur les Revenus, ce qui permet une remontée des déficits au niveau des associés.

Du côté de la TVA, il n’y a aucune différence. La TVA est régie par des textes européens qui définissent des « opérations taxables » effectuées par des « assujettis ». Nulle mention des structures juridiques. Avec 27 États membres, ce serait ingérable !

Au niveau fiscal, il y a par contre une différence importante qui concerne les droits d’enregistrement en cas de cession des titres. En SAS, les droits d’enregistrement sont de 0.1%. En SARL, ils sont de 3% (avec un abattement pouvant aller jusqu’à 23.000 € sur la base). Cette différence de taux peut sembler importante et semble condamner la SARL ; rappelons cependant que la vente des titres est une opération exceptionnelle, et qu’en cas de différence importante il est souvent possible de transformer une SARL en SAS avant la vente[7].

Le statut social du président de SAS est très différent de celui d’un gérant majoritaire de SARL.

Le Président de SAS est un « assimilé salarié »[8]. Sa rémunération supporte les mêmes charges sociales qu’un salarié et il bénéficie des mêmes prestations qu’eux[9]. Les charges sociales et les prestations sont le plus souvent déterminées au niveau national ou de la branche d’activité. Le Président peut bénéficier d’avantages (mutuelle, chèque-vacances, etc.) mais uniquement si ces avantages sont offerts à tous les salariés (au moins du collège-cadre). Il peut bénéficier de l’intéressement, mais uniquement si l’entreprise compte d’autres salariés. En peu de mots, le Président de SAS a peu de leviers d’actions sur sa couverture sociale.

Le gérant majoritaire est quant à lui un « travailleur non salarié » (TNS). Les cotisations obligatoires (la sécurité sociale des Indépendants, ancien RSI) sont plus faibles que pour les salariés, et certaines prestations sont donc moins généreuses. Mais un TNS peut souscrire des contrats « Madelin »[10] dont les cotisations sont déductibles (avec un plafond) et qui lui permettent d’avoir un niveau de prestations sociales équivalent à celui d’un salarié. Mieux encore, le gérant majoritaire de SARL peut choisir entre 4 types de prestations (frais de santé, prévoyance, retraite, assurance chômage) et arbitrer entre elles. Le gérant majoritaire de SARL peut donc construire sa couverture sociale en fonction de ses besoins et de ses objectifs. Enfin, comme il n’a pas le même statut que les salariés de l’entreprise, il peut bénéficier de prestations qui ne seront pas offertes aux autres cadres de l’entreprise.

La SARL parait plus adaptable en termes de couverture sociale du chef d’entreprise,  mais elle souffre d’une mesure qui la discrédite aux yeux de nombre d’entrepreneurs : les dividendes distribués aux gérants majoritaires de SARL sont assujettis aux charges sociales s’ils dépassent 10% du panier comprenant capital + primes d’émission + comptes courants d’associés. Ce n’est pas le cas du Président de SAS. Cependant, un examen attentif des conditions d’application de ce dispositif avec un professionnel permet souvent d’élaborer une politique de distribution qui en réduit les inconvénients. Il faut enfin rappeler que pour un même montant, il vaut mieux payer des cotisations sociales qui donnent des droits à prestations (retraite, prévoyance, etc.) que des impôts qui ne font que donner le droit au titre – ô combien enviable – de contribuable.

La SAS et la SARL ont donc chacun leurs avantages et leurs inconvénients. Si 63% des entrepreneurs choisissent la SAS, il semble que ce soit plus souvent un effet de mode – beaucoup rêvent que leur SASU soit une start-up – qu’une analyse approfondie des effets de chaque structure sur le développement de leur entreprise et leur situation personnelle.

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[1] Source INSEE première, n°1790, Janvier 2020, comme toutes les données chiffrées sur les créations d’entreprises dans les lignes qui suivent.
[2] Même si la SARL est également qualifiée d’hybride, en raison de l’agrément obligatoire des nouveaux associés par les associés en place, caractéristique des sociétés de personnes.
[3] GmbH = Gesellschaft mit beschränkter Haftung, soit mot à mot Société à Responsabilité Limitée
[4] À la création de l’EURL, l’État va jusqu’à proposer par décret un modèle de statuts !
[5] À l’origine, seules peuvent être associées des entreprises dont le capital est supérieur à 1.5 million de francs (environ 230 k€)
[6] La liberté dans les statuts se limite à la direction et l’administration de l’entreprise et au fonctionnement des assemblées. Au-delà, les règles de la SA s’appliquent.
[7] La transformation de la SARL en SAS est couramment pratiquée avant une cession.
[8] Le Président de SAS est simplement « assimilé salarié » car ce statut de salarié ne concerne que les charges sociales. En qualité d’employeur il ne bénéficie pas des dispositions du Code du travail ou de la convention collective : congés payés, application du salaire minimum, etc.
[9] À l’exception notable de l’assurance chômage, pour laquelle il ne cotise pas.
[10] Depuis la loi Pacte de 2019, les contrats retraite Madelin peuvent être repris dans un Plan d’Épargne-Retraite Individuel (PERIn) qui offre de nouveaux avantages

SARL ou SAS : Quelles sont les différences ?

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