Retrouvez le commentaire de l’arrêt rendu par la 3e chambre civile de la Cour de Cassation le 7 septembre 2017 (n°16.15.012), par Baptiste Robelin, avocat spécialisé en bail commercial.

Pour la Cour de cassation,  le bailleur qui refuse le renouvellement du bail commercial et offre au locataire le paiement d’une indemnité d’éviction, peut dénier à ce dernier le droit au statut des baux commerciaux tant qu’une décision définitive n’a pas été rendue sur la fixation de l’indemnité d’éviction.

Dans son arrêt du 7 octobre 2017, la 3e chambre civile de la Cour de cassation a jugé que le bailleur qui a offert le paiement d’une indemnité d’éviction peut dénier au locataire le droit au statut des baux commerciaux tant qu’une décision définitive n’a pas été rendue sur la fixation de l’indemnité d’éviction.

En l’espèce une société bailleresse a donné à bail des locaux commerciaux pour une durée de 9 ans à partir du 1er janvier 1996.  Le 31 mars 2010, la société bailleresse adresse un congé au locataire avec une offre de renouvellement. Le 26 mars 2012, la société adresse à nouveau au locataire un congé avec refus de renouvellement et lui offre une indemnité d’éviction. Le 20 mars 2012 la société bailleresse a assigné le locataire en expulsion  en lui déniant l’application du statut des baux commerciaux en raison de son défaut d’immatriculation à la date du congé et à sa date d’effet.

Les juges du fond ont déclaré l’action en expulsion menée par la société bailleresse prescrite aux motifs que le bailleur doit agir dans les 2 ans à compter de la date du congé comme le prévoit l’article L 145 – 60 du code de commerce.

Saisie du litige, la Cour de cassation casse l’arrêt rendu par la Cour d’appel aux motifs que le bailleur pouvait dénier le droit au statut du preneur tant qu’une décision significative n’avait pas été rendue sur la fixation de l’indemnité d’éviction.

  • À retenir : La décision définitive de fixation de l’indemnité d’éviction met un terme à la possibilité pour le bailleur de dénier le droit au statut du preneur

D’après l’alinéa 1 de l’article L. 145‐1 du Code de commerce : “Les dispositions du présent chapitre s’appliquent aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité, que ce fonds appartienne, soit à un commerçant ou à un industriel immatriculé au registre du commerce et des sociétés, soit à un chef d’une entreprise immatriculée au répertoire des métiers, accomplissant ou non des actes de commerce”.

La jurisprudence relative à l’exigence de l’immatriculation du locataire pour le bénéfice du statut des baux commerciaux a énormément varié. Au départ, l’immatriculation n’était exigée que lors du renouvellement du bail commercial ( Cass. 3e civ., 1er oct. 1997, no 95‐15.842 )  Ensuite, la Cour de cassation a exigé que le locataire qui revendique le bénéfice du statut des baux commerciaux doit être immatriculé au Registre du Commerce et des Sociétés au jour de l’assignation  ( Cass. 3e civ., 22 janv. 2014, no 12‐26.179 )  ou de sa demande. Depuis, le preneur est dans l’obligation de se faire immatriculer au jour de la notification du congé, de sa demande de renouvellement, ainsi qu’à la date du renouvellement du bail. S’il ne l’est pas, l’application du statut des baux commerciaux pourra lui être déniée.

En l’espèce, le locataire n’ayant pas respecté son obligation d’immatriculation, c’est à juste titre que le bailleur a décidé de lui dénier le bénéfice du statut des baux commerciaux. Dès lors, le problème qui se pose est de savoir le délai dont dispose le bailleur pour dénier au locataire l’application du statut des baux commerciaux après la découverte de son défaut d’immatriculation.

Pour répondre à cette question, la Cour d’appel a estimé que l’action en rétractation du bailleur était prescrite après le délai de deux ans prévu par l’article L 145 – 60 du code de commerce, ce qui a été censuré par la Cour de cassation, car, le bailleur peut à tout moment de la procédure dénier au locataire le statut des baux commerciaux lorsque l’une des conditions essentielles pour le bénéfice du droit au renouvellement n’est pas respectée. Ainsi, en cas de défaut d’immatriculation du locataire, le bailleur qui a initialement signé un congé avec offre de renouvellement ou  d’indemnité d’éviction peut revenir sur sa décision à tout moment de la procédure. C’est dans cette logique que la Cour de cassation a affirmé en l’espèce que : “le bailleur qui a offert le paiement d’une indemnité d’éviction après avoir exercé son droit d’option peut dénier au locataire le droit au statut des baux commerciaux tant qu’une décision définitive n’a pas été rendue sur la fixation de l’indemnité d’éviction

En définitive, trois choses sont à retenir de la décision de la Cour de cassation : en premier : l’importance de l’immatriculation du locataire et la nécessité pour lui de respecter cette obligation pour bénéficier du statut des baux commerciaux. Ensuite la possibilité pour le locataire de rétracter son offre de renouvellement ou d’indemnité d’éviction en cas de défaut de l’obligation d’immatriculation du locataire. Pour finir, la décision définitive de fixation de l’indemnité d’éviction met un terme à la possibilité pour le bailleur de se rétracter.

Statut des baux commerciaux et indemnité d’éviction

Statut des baux commerciaux et indemnité d’éviction