Dans un arrêt notable du 12 mars 2021 (n°443392), le Conseil d’État a considéré que l’installation et l’utilisation à titre précaire et temporaire d’accessoires de plage par des piétons rentrent dans le cadre du droit d’usage qui appartient à tous sur la plage, dépendance du domaine public maritime, dès lors que ce matériel est utilisé sous la responsabilité des usagers concernés, pour la seule durée de leur présence sur la plage et qu’il est retiré par leurs soins après utilisation. Ces conditions n’étaient pas remplies en l’espèce.

Précisément, dans cette affaire, le préfet de la Corse-du-Sud avait, par l’intermédiaire de deux arrêtés, refusé de faire droit à la demande de la Société Hôtelière d’Exploitation de la Presqu’île, qui exerce une activité commerciale, tendant à la délivrance d’une autorisation d’occupation temporaire du domaine public maritime pour l’installation, sur une plage de la région, :

  • D’une part, de transats et parasols au droit de son établissement ;
  • D’autre part, d’un ponton non démontable.

A la suite de plusieurs constats d’occupation sans titre du domaine public, le préfet a demandé au juge du référé mesures utiles du tribunal administratif de Bastia d’ordonner l’expulsion à effet immédiat de la société et de son représentant du domaine public maritime et le retrait du ponton, ainsi que de l’ensemble des objets mobiliers susceptibles de s’y trouver.

Par une ordonnance du 24 août 2020, le juge des référés a fait droit à cette demande. La société se pourvoit donc en cassation

Transats, parasols et occupation du domaine public

Transats, parasols et occupation du domaine public maritime

Qu’est ce qu’un référé mesures utiles ?

En premier lieu, le Conseil d’État rappelle que le juge des référés saisi d’une demande sur le fondement de l’article L. 521-3 du Code de justice administrative et qui n’est pas « manifestement insusceptible de se rattacher à un litige relevant de la compétence du juge administratif » peut prescrire, à des fins conservatoires ou à titre provisoire, « toutes mesures que l’urgence justifie, dont l’expulsion d’occupants sans titre du domaine public, à la condition que ces mesures soient utiles et ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ».

On retrouve ici la définition du référé mesures utiles, soumis à une condition d’urgence à laquelle s’ajoute (comme son nom l’indique) une condition d’utilité des mesures demandées au juge.

Le Code de justice administrative précise que l’exercice de ce recours ne doit faire obstacle « à l’exécution d’aucune décision administrative », ce qui restreint de facto les pouvoirs du juge des référés saisi d’une telle demande.

Comme le précise la Haute juridiction, si le référé mesures utiles est parfois utilisé afin d’obtenir du juge qu’il enjoigne à un maire d’interrompre ou de procéder à la démolition de travaux illégaux (du fait de leur emplacement, de la suspension ou de l’absence d’un permis de construire – CE, 6 février 2004, n°256719 ; CE 12 mai 2010, n°333565), le domaine de prédilection de ce référé concerne cependant l’expulsion des occupants sans titre du domaine public (V. par ex. CE 1er février 2012, n°349749).

La condition d’utilité

Le Conseil d’État souligne qu’aux termes de l’article L. 2122-1 du Code général de la propriété des personnes publiques « Nul ne peut, sans disposer d’un titre l’y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d’une personne publique (…) ou l’utiliser dans des limites dépassant le droit d’usage qui appartient à tous ».

Visant également l’article L. 2124-4 du même Code ainsi que l’article L. 321-9 du Code de l’environnement auquel il renvoie, et qui dispose que l’accès des piétons aux plages est libre en dehors des motifs justifiés par des raisons de sécurité, de défense nationale et de protection de l’environnement et que leur usage libre et gratuit par le public constitue la destination fondamentale des plages, le Conseil d’État considère que :

« l’installation et l’utilisation à titre précaire et temporaire d’accessoires de plage par les piétons n’excèdent pas le droit d’usage qui est reconnu à tous sur la dépendance du domaine public maritime qu’est la plage (…) quand bien même ce matériel ne serait pas la propriété des usagers concernés et aurait été mis à leur disposition par des tiers dans l’exercice d’une activité commerciale, dès lors qu’il est utilisé sous leur responsabilité, pour la seule durée de leur présence sur la plage et qu’il est retiré par leurs soins après utilisation ».

Or au cas présent, la société mettait à la disposition exclusive de sa clientèle (et non pas à l’usage libre et gratuit du public) des chaises longues et des parasols destinés à être installés, pendant la journée, sur la plage à proximité immédiate de l’établissement qu’elle exploite.

Partant, le juge des référés du tribunal administratif a pu juger à bon droit que la condition d’utilité à laquelle est subordonnée une mesure d’expulsion d’un occupant sans titre du domaine public était satisfaite, dans la mesure où l’installation, même à titre temporaire, de ces biens mobiliers sur la plage, eu égard à leurs caractéristiques, était constitutive d’une occupation privative du domaine public maritime par la société, en lien direct avec son activité commerciale.

Sur la condition d’urgence

Pour justifier de l’urgence à ordonner à ordonner l’enlèvement du ponton non démontable implanté par la société sur la plage, le juge des référés s’était fondé sur « la nécessité de rétablir le libre accès des piétons à la plage et de permettre l’exercice des prérogatives et missions de service public, notamment de sécurité, en tout point du domaine public ».

Le Conseil d’État considère qu’en se prononçant ainsi, « le juge des référés a souverainement apprécié les faits de l’espèce, sans les dénaturer, et n’a pas commis d’erreur de droit ».

En conséquence, le pourvoi de la société est rejeté.