Retrouvez le commentaire de l’arrêt rendu par la 3e chambre civile de la Cour de Cassation le 25 octobre 2018, par Baptiste Robelin, avocat spécialisé en bail commercial.

Pour la Cour de cassation, l’inscription au registre du commerce et des sociétés du locataire n’est pas nécessaire pour que ce dernier bénéficie d’un nouveau bail commercial à l’issue du bail dérogatoire.

Dans son arrêt du 25 octobre 2018, la Cour de cassation affirme que lorsque le locataire reste dans les locaux à l’expiration du bail dérogatoire, ce dernier n’a pas besoin d’être immatriculé au registre de commerce et des sociétés pour que son nouveau bail soit soumis au statut des baux commerciaux.

En l’espèce, un bail dérogatoire de 23 mois a été conclu sur des locaux du 15 février 2004 au 14 janvier 2006, puis un autre du 1er février 2006 au 31 janvier 2008. Deux nouveaux baux ont été signés pour la même activité dans les mêmes locaux avec l’épouse du premier locataire respectivement du 1er février 2008 au 31 janvier 2010 puis du 1er février 2010 au 31 janvier 2012. Le 6 août 2013, le locataire assigne le bailleur afin de faire constater qu’il était titulaire d’un bail commercial d’une durée de 9 ans ayant commencé le 1er février 2006. Cette demande fut déboutée par le tribunal qui estimait qu’en raison de son défaut d’immatriculation au registre de commerce et des sociétés, le locataire ne pouvait pas bénéficier du statut des baux commerciaux.

Le locataire ayant fait appel de cette décision, la Cour d’appel censure la décision du tribunal aux motifs que d’après les dispositions de l’article L. 145-5 du code de commerce, la conclusion successive de baux dérogatoires ne peut faire échec au bénéfice du statut des baux commerciaux.

Face à cette décision, le bailleur se pourvoit en cassation en estimant que le locataire ne peut bénéficier d’un nouveau bail commercial à la fin du bail dérogatoire de courte durée dès lors qu’il n’a pas respecté son obligation d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés.

Saisie du litige, la Cour de cassation rejette le pourvoi en estimant qu’  » ayant relevé que le preneur avait été laissé en possession à l’expiration du premier bail dérogatoire, la cour d’appel … a retenu à bon droit, sans contradiction, que l’inscription au registre du commerce et des sociétés n’est pas nécessaire pour que s’opère un nouveau bail régi par le statut des baux commerciaux et en a exactement déduit que M. Y était devenu titulaire d’un bail statutaire de neuf ans à la date du 1er février 2006  »

  • À retenir : le défaut d’immatriculation du locataire, n’empêche pas la création d’un nouveau bail soumis aux statuts des baux commerciaux après l’expiration du bail dérogatoire de courte durée. 

Le bail dérogatoire désigne un contrat de courte durée qui porte sur la location d’un local destiné à l’exploitation d’un fonds de commerce ou artisanal. La législation encadrant le recours au bail dérogatoire de courte durée a énormément évolué ces dernières années.

En effet, avant 2008, les parties avaient la possibilité de ne conclure qu’un seul bail dérogatoire dont la durée ne pouvait pas excéder 2 ans. Depuis la loi LME du 4 août 2008, l’article L. 145‐5, alinéa 1er, du Code de commerce donne la possibilité aux parties de déroger au statut des baux commerciaux, par l’établissement d’un bail dérogatoire de courte durée en précisant que la durée de l’ensemble des baux dérogatoires successifs ne doit pas dépasser 3 ans, de sorte qu’à l’expiration de cette durée les parties n’ont plus la possibilité de conclure un nouveau bail dérogatoire pour l’exploitation du même fonds de commerce dans les mêmes locaux.

A l’expiration de la durée maximale de 3 ans du bail dérogatoire, l’alinéa  2 de  L. 145‐5  du Code de commerce, laisse un délai supplémentaire d’un mois au locataire afin de lui permettre de libérer les lieux. Toutefois, si à l’expiration de ce délai, le preneur reste ou est laissé dans les locaux, ou en cas de renouvellement du bail dérogatoire entre les mêmes parties, il se crée un nouveau bail soumis aux statuts des baux commerciaux.

En l’espèce, les parties ont conclu de manière successive  quatre baux commerciaux de 23 mois chacun soit sur une durée totale de 7 ans, ce qui est contraire aux dispositions de la version de l’article L. 145‐5 du Code de commerce applicable en 2004 au moment de la conclusion de leur premier bail dérogatoire . Dès lors, le locataire étant resté dans les locaux à l’expiration du premier bail dérogatoire, il s’est opéré un nouveau bail soumis aux dispositions du statut des baux commerciaux dès le 1er février 2006 pour une durée de 9 ans. Par conséquent, la demande de reconnaissance de ce nouveau bail faite par le locataire était pleinement légitime et justifiée.

Pour contester la reconnaissance du nouveau bail commercial du locataire, le bailleur a affirmé que ce dernier ne peut bénéficier d’un nouveau bail commercial à la fin du bail dérogatoire de courte durée dès lors qu’il n’a pas respecté son obligation d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés. Sur ce point, il est vrai que d’après l’article L. 145‐1 du Code de commerce, le statut des baux commerciaux s’applique aux locaux destinés à l’exploitation d’un fonds de commerce appartenant à un commerçant immatriculé au registre du commerce et des sociétés. Cependant, dans son arrêt du 1er octobre 1997 (Cass. 3e civ., 1er oct. 1997, no 95‐15.842), la Cour de cassation  a affirmé que l’obligation d’immatriculation du locataire n’est une condition pour le bénéfice des baux commerciaux que pour le renouvellement du bail. Dès lors, c’est à bon droit que la Cour d’appel a reconnu que l’inscription au registre du commerce et des sociétés n’est pas nécessaire pour que s’opère un nouveau bail régi par le statut des baux commerciaux et en a exactement déduit que la locataire était devenu titulaire d’un bail commercial d’une durée de neuf ans à la date du 1er février 2006

En définitive, dans son arrêt du 25 Octobre 2018, la Cour de cassation a eu le mérite de rappeler les cas dans lesquels l’immatriculation du locataire conditionne son droit au bénéfice du statut des baux commerciaux. En effet, pour bénéficier de son droit au renouvellement du bail, le locataire doit au préalable remplir son obligation d’immatriculation, ce qui n’est pas le cas pour la reconnaissance de la création d’un bail commercial à l’issue de la durée maximale des baux dérogatoires successifs puisque dans ce cas, l’inscription au registre du commerce et des sociétés n’est pas nécessaire pour que s’opère un nouveau bail régi par le statut des baux commerciaux.

Transformation du bail dérogatoire en bail commercial

Transformation du bail dérogatoire en bail commercial