Bail Commercial et Mémoire Préalable

Bail Commercial et Mémoire Préalable

Bail commercial : attention à la prescription en matiere de fixation du loyer !

La Cour de cassation a rendu un arrêt particulièrement intéressant le 25 janvier 2023 rappelant que le mémoire préalable, en cas de litige relatif à la fixation du loyer, n’interrompt la prescription que si la procédure est initiée devant le Juge des loyers (Cour de cassation, 3ème civ, 25 janvier 2023, n°21-20.009).

Les faits du litige étaient les suivants. Dans le cadre d’un bail commercial de 12 ans (conclu avec effet au 11 mars 2002) le bailleur avait donné congé avec offre de renouvellement à son locataire à compter du 1er avril 2014 (pour une nouvelle période de 12 ans).

Comme c’est souvent le cas, le preneur avait accepté le principe du renouvellement, mais notifié son refus s’agissant du loyer (en proposant un loyer de 800.000 euros là où le bailleur exigeait 1.500.000 euros).

Le 20 mars 2021, le bailleur notifiait à son locataire un mémoire préalable sollicitant de nouveau la fixation du loyer de renouvellement pour un montant de 1.500.000 euros à compter du 1er avril 2014.

Le 4 octobre 2016, le locataire notifiait son mémoire en réponse, demandant une nouvelle fois la fixation du loyer à la somme de 800.000 euros.

Et n’est que le 14 mars 2018 que le bailleur assignait son locataire, non pas devant le juge des loyers, mais devant le tribunal de grande instance (aujourd’hui tribunal judiciaire), demandant au tribunal de dire et juger valide le congé et de fixer le loyer à la somme de 1.500.000 euros.

Le tribunal jugeait alors irrecevables les demandes du bailleur, comme prescrites. Le bailleur interjetait appel.

Devant la cour d’appel, le bailleur faisait valoir que la prescription biennale prévue par l’article L.145-60 du code de commerce avait pour point de départ le 1er avril 2014, jour de prise d’effet du nouveau bail.

Sur ce sujet, le Bailleur était parfaitement en phase avec la jurisprudence de la Cour de cassation rappelant systématiquement que la prescription de l’action en fixation du loyer a pour point de départ « le jour de la prise d’effet du nouveau bail » (Cour de cassation, 3ème civ, 8 janvier 1997, n°95-12.060).

Le bailleur faisait ensuite valoir que, selon les dispositions de l’article 33 du décret du 30 septembre 1953, la prescription de l’action en fixation du loyer commercial était interrompue par la notification du mémoire préalable.

Cet article prévoit en effet que la notification du mémoire interrompt la prescription.

Dès lors, le mémoire préalable du bailleur ayant été notifié le 30 mars 2016, cet acte avait selon lui interrompu la prescription et par conséquent fait courir un nouveau délai de deux ans. Le bailleur estimait ainsi qu’il pouvait agir devant le juge et délivrer son assignation jusqu’au 30 mars 2018.

Le  locataire invoquait de son côté les dispositions de l’article R145-23 du Code de commerce :

« Les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal judiciaire ou le juge qui le remplace. Il est statué sur mémoire. Les autres contestations sont portées devant le tribunal judiciaire qui peut, accessoirement, se prononcer sur les demandes mentionnées à l’alinéa précédent ».

Le raisonnement du locataire est particulièrement astucieux : il faisait ainsi valoir que le mémoire ne pouvait être assimilé à une demande en justice au sens des dispositions de l’article 2241 du Code civil.

Selon le locataire, le mémoire ne pouvait donc avoir un effet interruptif de prescription que dans le cadre d’une procédure en fixation du loyer devant le juge des loyers (président du tribunal judiciaire statuant en cette qualité), mais pas dans le cadre d’une action devant le tribunal judiciaire.

Le locataire indiquait que l’article 33 du décret du 30 septembre 1953 est un texte spécial et dérogatoire ne pouvant ainsi s’appliquer que devant le juge des loyers et non pas devant le tribunal.

Dès lors, en assignant devant le tribunal et non devant le juge des loyers commerciaux, le locataire estimait que son bailleur était prescrit depuis le 31 mars 2016 (le mémoire n’ayant eu aucun effet interruptif de prescription dans ce cadre procédural).

Le bailleur aurait ainsi dû au choix :

  • Soit assigner devant le juge des loyers commerciaux le 30 mars 2018 au plus tard pour bénéficier de l’effet interruptif de prescription de son mémoire préalable du 30 mars 2016 ;
  • Ou bien, s’il souhaitait assigner devant le tribunal judiciaire, assigner avant le 31 mars 2016 (donc sans tenir compte de son mémoire qui n’avait d’incidence que pour la procédure spéciale prévue devant le juge des loyers).

La cour d’appel validait le raisonnement du preneur et jugeait prescrit le bailleur (CA Paris, pôle 5, chambre 3, du 26 mai 2021 n°18/28001).

Saisie du litige, la Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel et rejette le pourvoi.

La haute cour juge ainsi que les articles 2240, 2241 et 2244 du Code civil énumérant les causes interruptives de prescription sont limitatifs.

Ces dispositions concernent notamment la demande en justice.

Pour la Cour de cassation, le mémoire préalable, ne constitue pas une demande en justice au sens de l’article 2241 et n’est une cause d’interruption de prescription qu’en vertu de l’article 33 alinéa 1er du décret du 30 septembre 1953 (n°53-960) selon lequel la notification du mémoire institué par l’article R145-23 du Code de commerce interrompt la prescription.

Le mémoire préalable à la fixation des loyers n’interrompt donc la prescription que si la demande en justice est ensuite portée devant le juge des loyers.

Et évidemment, à condition que le mémoire soit valablement notifié (soit par lettre recommandée – Cour de cassation, 3e chambre civile, 2 Février 2005 – n° 03-18.042– soit par huissier de justice – Cass, civ 3ème, 16 octobre 2013, n°12-19.352).

N’hésitez pas à nous contacter.

Bail Commercial et Mémoire Préalable

Cet article vous a plu ?

Vous pouvez aussi consulter nos pages Avocat bail commercial  et  Avocat Cession de droit au bail

Bail Commercial et Mémoire Préalable

Vous recherchez un conseil ?

Cet article vous a plu, partager !

Contact

Laissez-nous votre message

Vous souhaitez avoir plus d’informations concernant nos services, ou bien prendre un rendez-vous ? Contactez-nous via les coordonnées ou le formulaire ci-dessous.

Formmulaire de Contact

(*) champ obligatoire requis

Novlaw Avocats - Bureau de Paris

53 Boulevard de Magenta - 75010 PARIS

Tél. : 01 44 01 46 36

Email : contact@novlaw.fr

Novlaw Avocats - Bureau de Lyon

123 Rue Tête d’Or - 69003 Lyon

Tél. : 04 88 76 82 29

Email : contact@novlaw.fr

Contact

Laissez-nous votre message

Vous souhaitez avoir plus d’informations concernant nos services, ou bien prendre un rendez-vous ? Contactez-nous via les coordonnées ou le formulaire ci-dessous.

Novlaw Avocats Bureau de Paris

53 Boulevard de Magenta – 75010 PARIS

Tél. : 01 44 01 46 36

Email : contact@novlaw.fr

Novlaw Avocats Bureau de Lyon

123 Rue Tête d’Or – 69003 Lyon

Tél. : 04 88 76 82 29

Email : contact@novlaw.fr

Formulaire de contact

(*) champ obligatoire requis