Le raisonnement du locataire est particulièrement astucieux : il faisait ainsi valoir que le mémoire ne pouvait être assimilé à une demande en justice au sens des dispositions de l’article 2241 du Code civil.
Selon le locataire, le mémoire ne pouvait donc avoir un effet interruptif de prescription que dans le cadre d’une procédure en fixation du loyer devant le juge des loyers (président du tribunal judiciaire statuant en cette qualité), mais pas dans le cadre d’une action devant le tribunal judiciaire.
Le locataire indiquait que l’article 33 du décret du 30 septembre 1953 est un texte spécial et dérogatoire ne pouvant ainsi s’appliquer que devant le juge des loyers et non pas devant le tribunal.
Dès lors, en assignant devant le tribunal et non devant le juge des loyers commerciaux, le locataire estimait que son bailleur était prescrit depuis le 31 mars 2016 (le mémoire n’ayant eu aucun effet interruptif de prescription dans ce cadre procédural).
Le bailleur aurait ainsi dû au choix :
- Soit assigner devant le juge des loyers commerciaux le 30 mars 2018 au plus tard pour bénéficier de l’effet interruptif de prescription de son mémoire préalable du 30 mars 2016 ;
- Ou bien, s’il souhaitait assigner devant le tribunal judiciaire, assigner avant le 31 mars 2016 (donc sans tenir compte de son mémoire qui n’avait d’incidence que pour la procédure spéciale prévue devant le juge des loyers).
La cour d’appel validait le raisonnement du preneur et jugeait prescrit le bailleur (CA Paris, pôle 5, chambre 3, du 26 mai 2021 n°18/28001).
Saisie du litige, la Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel et rejette le pourvoi.
La haute cour juge ainsi que les articles 2240, 2241 et 2244 du Code civil énumérant les causes interruptives de prescription sont limitatifs.
Ces dispositions concernent notamment la demande en justice.
Pour la Cour de cassation, le mémoire préalable, ne constitue pas une demande en justice au sens de l’article 2241 et n’est une cause d’interruption de prescription qu’en vertu de l’article 33 alinéa 1er du décret du 30 septembre 1953 (n°53-960) selon lequel la notification du mémoire institué par l’article R145-23 du Code de commerce interrompt la prescription.
Le mémoire préalable à la fixation des loyers n’interrompt donc la prescription que si la demande en justice est ensuite portée devant le juge des loyers.
Et évidemment, à condition que le mémoire soit valablement notifié (soit par lettre recommandée – Cour de cassation, 3e chambre civile, 2 Février 2005 – n° 03-18.042– soit par huissier de justice – Cass, civ 3ème, 16 octobre 2013, n°12-19.352).