La crémation des restes après reprise d’une sépulture

La crémation des restes après reprise d’une sépulture en terrain commun

Les obligations d’information des proches et familles des défunts qui pèsent sur les communes dans le domaine funéraire risquent encore de s’alourdir.

Par une décision du 31 octobre 2024, n°2024-1110 QPC (question prioritaire de constitutionnalité), le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la constitution le deuxième alinéa de l’article L. 2223-4 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) car sa rédaction ne permet pas de garantir le respect des dernières volontés des défunts.

Le sort des restes mortuaire après une reprise de sépulture

A l’expiration du délai de rotation de 5 ans après l’inhumation, les communes peuvent reprendre les sépultures situées en terrain commun (voir notre article à ce sujet). Plusieurs possibilités peuvent alors être envisagées quant au sort des restes.

En premier lieu, les proches d’un défunt inhumé en terrain commun peuvent solliciter l’octroi d’une concession au sein du cimetière communal, sur le fondement de l’article L. 2223-13 du CGCT. Toute personne justifiant d’une attache particulière avec une commune doit pouvoir y obtenir une concession, sauf motif d’intérêt général. En ce sens, les seuls motifs de refus possibles doivent être liés à des critères de bonne gestion du cimetière (CE 5 décembre 1997, Commune de Bachy ; CE, 25 juin 2008, Cts Schiocchet), tels que le manque d’emplacements disponibles ou encore la superficie demandée excessive. Cette possibilité suppose en revanche de retrouver les proches du défunt et que ceux-ci soient disposés à payer la concession.

En deuxième lieu, le maire peut affecter « à perpétuité », dans le cimetière, un ossuaire aménagé où les restes exhumés sont aussitôt réinhumés. Cette possibilité se heurte en pratique à des problématiques de raréfaction du foncier disponible. C’est la raison pour laquelle de nombreuses communes optent pour la troisième alternative.

En troisième lieu, le maire peut faire procéder à la crémation des restes exhumés « en l’absence d’opposition connue ou attestée du défunt ».

Comment se détermine l’absence d’opposition à la crémation

Jusqu’en 2008, le CGCT indiquait simplement que « le maire peut également faire procéder à la crémation des restes exhumés », sans qu’aucune possibilité d’opposition ne soit prévue. La loi du 18 décembre 2008 relative à la législation funéraire est venue introduire une possibilité d’opposition à la crémation, dans les termes suivants : « en l’absence d’opposition connue, attestée ou présumée du défunt ».

Le terme « présumée » a finalement été retiré par la loi du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit. En effet, la possibilité d’une volonté « présumée » du défunt contraignait les communes à rechercher les proches du défunt avant toute crémation, ce qui s’avérait très difficile voire impossible à mettre en œuvre en pratique.

En l’état actuel du droit, la loi ne prévoit aucune obligation d’information des proches et de la famille du défunt au moment de la reprise de la sépulture située en terrain commun. Seul l’affichage d’un arrêté municipal à l’entrée du cimetière est prescrit par une jurisprudence ancienne de la Cour de cassation[1].

Ce n’est qu’au moment de l’inhumation que la famille, si elle se manifeste, est prévenue que la sépulture est mise à disposition gracieusement pour une durée de cinq ans minimum et peut alors faire connaitre une éventuelle opposition du défunt à la crémation[2].

[1] Cass. crim., 3 octobre 1962, Chapuy

[2] Notamment par une mention sur la demande d’autorisation d’inhumation

Le litige à l’origine de la QPC

Le fils d’une personne inhumée en terrain commun dans un cimetière de la Ville de Paris avait fait apposer sur le cercueil une étoile de David, afin de signifier l’opposition de la défunte à toute crémation.

Il a pourtant été procédé à l’incinération et la dispersion des cendres à l’occasion de la reprise de la sépulture, sans que le fils ne soit informé de l’échéance proche du délai de rotation et de la crémation projetée.

Il a alors saisi le Tribunal administratif de Paris en réparation du préjudice moral subi, sollicitant une indemnisation d’un montant d’un million d’euros. Le Tribunal lui a accordé 5 000 euros. Il a alors interjeté appel. La Cour administrative d’appel a annulé ce jugement, en considérant qu’aucune obligation d’information ne pesait sur la commune et que la présence d’une étoile de David « n’était pas, à elle seule, de nature à établir » que la défunte était opposée à la crémation (CAA Paris, 5 décembre 2023, n°22PA02945).

Le fils s’est finalement tourné vers le Conseil d’État et a demandé la transmission de la question suivante : «  Ces dispositions, en ce qu’elles ne prévoient pas l’obligation pour la commune d’informer les proches des défunts inhumés en terrain commun de l’expiration du délai de sépulture et du fait qu’en cas de reprise de la sépulture, l’exhumation est susceptible d’aboutir à la crémation des restes du défunt, priveraient de garantie légale le droit au respect de la vie privée et la liberté de conscience des personnes ainsi inhumées ».

Le Conseil constitutionnel lui a donné raison.

La réintroduction de l’obligation d’information des proches

La réintroduction de l’obligation d’information des proches

Le Conseil constitutionnel a prononcé l’abrogation, à compter du 31 décembre 2025, des mots « en l’absence d’opposition connue ou attestée du défunt » figurant au deuxième alinéa de l’article L. 2223-4 du CGCT.

Il a en effet jugé que l’absence d’obligation d’information des tiers susceptibles de faire connaitre l’opposition du défunt à la crémation, « les dispositions contestées ne permettent pas de garantir que la volonté attestée ou connue du défunt est effectivement prise en compte avant qu’il soit procédé à la crémation de ses restes. Elles méconnaissent ainsi le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine »

La décision précise également qu’en l’attente de l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi, « le maire doit informer par tout moyen utile les tiers susceptibles de faire connaître la volonté du défunt du fait qu’il envisage de faire procéder à la crémation des restes exhumés à la suite de la reprise d’une sépulture en terrain commun. »

Cette décision semble s’inscrire dans un contexte de progression constante du droit à l’information des proches en cas de reprise de sépulture. En effet, en cas de reprise d’une concession arrivée à échéance, le Conseil d’État avait déjà jugé : « [qu’] il appartient au maire de rechercher par tout moyen utile d’informer les titulaires d’une concession ou leurs ayants-droits de l’extinction de la concession et de leur droit à en demander le renouvellement dans les deux ans qui suivent » (CE, 11 mars 2020, n°436693).

La loi dite « 3DS » a ensuite intégré cette obligation au sein de l’article L. 223-15 du CGCT. Or, un simple affichage dans le cimetière n’est pas suffisant (Question n°14489 du député M. Antoine Villedieu du 23 janvier 2024 et réponse du 23 avril 2024). De même, un courrier au concessionnaire ne permet pas aux communes de s’exonérer de leur obligation d’information (CAA de Nancy, 23 novembre 2021, n°19NC02091).

Aussi, s’il s’agit d’une réelle avancée pour la protection des dernières volontés des défunts, la décision du conseil constitutionnel risque de conduire en pratique à une renonciation à la crémation des restes mortuaires exhumés. Il est bien malaisé de retrouver la trace des proches du défunt cinq ans après son inhumation. La problématique du manque de place au sein des cimetières risque de s’en trouver aggravée.

Antoine Carle - Avocat Lyon

Par Maître Louise Ferrand & Maître Antoine Carle, Avocat Associé Expert en droit public des affaires, en droit des collectivités territoriales et en droit funéraire,

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