Si l’opérateur économique ne dispose pas, en principe, d’un droit à l’attribution d’un marché public ou d’une délégation de service public, le choix de l’attributaire doit se faire dans le respect de la libre concurrence.

A ce titre, l’information des candidats évincés d’un marché public (ou d’une délégation de service public) fait partie intégrante des règles de mise en concurrence et peut conduire, le cas échéant, à leur indemnisation dans le cadre d’un recours contre la décision d’attribution du marché (CE, 21 janvier 2004, Société Aquitaine Démolition, n°253509).

Davantage encore qu’un droit, l’information des candidats non retenus à l’issue d’une procédure de marché constitue pour le pouvoir adjudicateur une obligation au sens de l’article L. 3 du Code de la commande publique, y compris en cas de déclaration sans suite : « l’acheteur communique dans les plus brefs délais les motifs de sa décision de ne pas attribuer le marché ou de recommencer la procédure aux opérateurs économiques y ayant participé » (Article R. 2185-2 du code de la commande publique).

Droit à l’information des candidats évincés d’un marché public

Droit à l’information des candidats évincés d’un marché public

L’information des candidats et secret des affaires

L’information des candidats évincés ne doit pas conduire à fausser la concurrence, sauf à exposer l’acheteur à un risque de sanctions disciplinaires (CE 4 juillet 2005, M. X c. Commission du recours du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière, n°269177).

Cette obligation pèse sur l’ensemble des marchés publics, qu’ils aient été passés selon une procédure formalisée ou selon une procédure adaptée.

Conformément à l’article R. 2181-1 du Code de la commande publique (applicable tant aux procédures formalisées qu’aux procédures adaptées), l’acheteur doit notifier sans délai à chaque candidat ou soumissionnaire concerné sa décision de rejet de sa candidature ou de son offre, en lui indiquant les motifs dudit rejet.

Les motifs doivent être suffisamment précis, afin de permettre au candidat ou soumissionnaire de contester le rejet qui lui est opposé (CE 10 juillet 2009, Département de l’Aisne, n°324156).

Cette obligation générale de motivation résulte d’une combinaison de législations :

  • la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public ;
  • la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;
  • la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

L’ensemble de ces lois a été codifié au livre III du Code des relations entre le public et l’administration (CRPA), qui fixe le régime du droit d’accès aux documents administratifs, auquel sont soumis les marchés publics et les documents qui s’y rapportent.

Une fois le marché signé, les documents qui constituent la procédure de passation perdent leur caractère préparatoire et deviennent dès lors communicables à toute personne en faisant la demande, et a fortiori au candidat évincé.

La CADA précise toutefois que ce droit d’accès doit s’exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L. 311-6 du CRPA, lequel recouvre le secret des procédés, le secret des informations économiques et commerciales ainsi que le secret des stratégies commerciale.

Il ressort de cette obligation que l’acheteur public saisi d’une demande de communication de document relatif à un marché public est tenu d’examiner si les renseignements contenus dans ledit document sont susceptibles de porter atteinte au secret en matière commerciale et industrielle, et faire ainsi obstacle à cette communication en nuisant à une concurrence loyale entre les différents opérateurs économiques (CE, 30 mars 2016, Centre hospitalier de Perpignan, n°375529).

Le secret des affaires –entendu au sens large- constitue ainsi une limite au droit à l’information des candidats évincés.

Une réponse ministérielle a apporté quelques précisions quant à l’information destinée aux candidats non retenus dans le cadre d’une procédure de concours restreint de maîtrise d’œuvre (Rép. Min. à QE n°05914, JO Sénat Q. 22 août 2013, p. 2443): les candidats dont la candidature n’a pas été retenue doivent être informés des motifs détaillés du rejet de leur candidature. Les candidats qui ont été admis à présenter une offre, mais dont celle-ci n’a pas été retenue sont informés des motifs détaillés du rejet de leur offre, du nom de l’attributaire du marché et des motifs ayant conduit au choix de son offre, ainsi que la durée du délai minimal que le pouvoir adjudicateur s’engage à respecter entre la notification de la lettre de rejet et la signature du marché.

L’information des candidats évincés en procédure formalisée

Dans le cadre d’une procédure formalisée, lorsque la notification au candidat non retenu a lieu après l’identification du titulaire du marché public (ou de l’accord-cadre), cette dernière devrait comporter , outre les motifs de rejet de son offre, le nom de l’attributaire, les motifs ayant conduit au choix de son offre et la date à compter de laquelle la signature du marché est susceptible d’intervenir.

De son côté, le Conseil d’Etat a considéré qu’était suffisante la communication des notes et du classement de l’intéressé ainsi que le nom de l’attributaire et les notes obtenues par celui-ci (CE 19 avril 2013, Commune de Mandelieu-la-Napoule, n° 365617).

La motivation du choix de l’offre retenue doit être suffisamment détaillée pour permettre au candidat évincé de comprendre pourquoi son offre a été considérée comme économiquement moins avantageuse que celle sélectionnée et de contester utilement son éviction le cas échéant.

En outre, dès lors que son offre n’a pas été rejetée au motif qu’elle était inappropriée, inacceptable ou irrégulière, tout soumissionnaire qui en fait la demande a le droit à la communication, dans les meilleurs délais et au plus tard 15 jours à compter de la réception de cette demande, des caractéristiques et des avantages de l’offre retenue.

A ce titre et sous la réserve précitée de ne pas porter atteinte au secret des affaires, l’acheteur ne peut refuser de communiquer les éléments relatifs à l’offre retenue tels que le prix, les notes obtenues au titre des sous-critères ou encore les délais d’exécution (CE, 7 novembre 2014, Syndicat Départemental de Traitement des Déchets Ménagers de l’Aisne, n° 384014).

L’information des candidats évincés en procédure adaptée

Dans le cadre de la procédure adaptée, l’obligation d’information est moins étendue qu’en procédure formalisée.

En effet, l’acheteur n’est tenu de faire figurer dans la notification du rejet de l’offre ni le nom de l’attributaire ni les motifs ayant conduit au choix de son offre, pas plus que la date à compter de laquelle la signature du marché est susceptible d’intervenir.

Le Conseil d’Etat a déjà pu considérer que les marchés passés selon une procédure adaptée « ne sont pas soumis à l’obligation, pour le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice, de notifier aux opérateurs économiques ayant présenté une offre, avant la signature du contrat, la décision d’attribution » (CE , 19 janvier 2011, Société du Grand Port Maritime du Havre, n°343435).

Confirmant ce raisonnement, le Conseil d’État a précisé que « les principes de liberté d’accès à la commande publique et d’égalité de traitement des candidats ainsi que la règle de transparence des procédures qui en découle n’imposent aux pouvoirs adjudicateurs ni d’indiquer aux candidats évincés les motifs du rejet de leurs offres ni de respecter un délai raisonnable entre la notification de ce rejet et la conclusion du contrat » (CE, 29 juin 2012, Société PRO 2C, n°357976).

Reste que, conformément à l’article R. 421-5 du Code de justice administrative, les délais de recours contre la décision de rejet ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision.

En conséquence, l’absence de mention des voies et délais de recours lors de la notification de la décision de rejet serait susceptible de proroger le délai de recours contentieux offert au candidat évincé.

  • L’information spontanée des candidats évincés

Il convient de préciser que si l’acheteur n’est pas tenu de communiquer immédiatement au soumissionnaire évincé les motifs du rejet de son offre ainsi que des éléments concernant l’offre retenue, rien ne lui interdit cependant d’effectuer spontanément cette formalité.

Dans cette hypothèse, comme en matière d’information immédiate dans le cadre d’une procédure formalisée, les motifs doivent être suffisamment détaillés afin de permettre au candidat évincé de comprendre pourquoi son offre a été considérée comme économiquement moins avantageuse que celle sélectionnée et, s’il le souhaite, de contester utilement son éviction.

  • L’information sur demande des candidats évincés

En outre, les motifs de rejet de l’offre doivent être communiqués à tout soumissionnaire qui en ferait la demande écrite et ce, dans un délai de 15 jours à compter de la réception de cette demande (Article R. 2181-2 du Code de la commande publique).

Cette communication doit comprendre au surplus, pour les soumissionnaires dont l’offre n’était ni irrégulière, ni inappropriée, ni inacceptable, les caractéristiques et avantages de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire du marché.

Le délai de standstill et les effets de la notification de rejet

Aux termes de l’article R. 2182-1 du Code de la commande publique, un délai suspensif dit de standstill doit être respecté entre la date de notification aux candidats dont l’offre a été rejetée et la date de signature du marché.

Ce délai de 16 jours est réduit à 11 en cas de télétransmission et doit permettre aux soumissionnaires de déposer un référé précontractuel s’ils estiment qu’un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence a été commis (CAA Nantes, 28 mars 2013, n°11NT03159).

La notification du rejet de leurs offres aux opérateurs économiques a pour effet de les délier de leurs engagements, et ce y compris lorsque celle-ci a été envoyée par erreur (CE, 31 mai 2010, Société Cassan, n° 315851).

Cependant, ce délai n’a pas à être respecté dans deux hypothèses :

  • Lorsque le marché est attribué au seul opérateur ayant participé à la consultation ;
  • Lorsque le marché est fondé sur un accord-cadre.

S’agissant des marchés passés selon une procédure formalisée, la notification constitue le point de départ du délai de standstill.

Lorsque ce dernier a été respecté par l’acheteur, aucun référé contractuel ne pourra plus être exercé par la suite (Article L. 551-14 du Code de justice administrative).

En revanche, si l’acheteur ne respecte pas ce délai ou s’abstient d’en faire mention dans la notification de rejet, le référé contractuel reste ouvert aux candidats évincés, y compris dans l’hypothèse où ils auraient déjà formé un référé précontractuel (CE 24 juin 2011, OPH interdépartemental de l’Essonne, n° 346665).

Dans le cadre d’une procédure adaptée, seule la publication (au Journal officiel de l’Union européenne) d’un avis d’intention de conclure et le respect du délai de standstill permettent à l’acheteur de fermer la voie du référé contractuel aux candidats non retenus (Article L. 551-15 du Code de justice administrative).

Pour leur part, que ce soit en raison de leur valeur prévisionnelle inférieure aux seuils fixés par l’Union européenne ou de leur objet particulier, les concessions relevant de l’article L. 3126-1 du Code de la commande publique ne sont pas soumises à l’obligation d’informer les candidats et soumissionnaires évincés, ni de respecter un délai de stand-still (Article R. 3126-11 du Code de la commande publique).

Cependant, l’entreprise qui a introduit un référé précontractuel, déclaré sans objet en raison de la signature du contrat dont elle n’était pas informée, a été déclarée recevable à former un référé contractuel dirigé contre cette concession « lorsque le pouvoir adjudicateur n’a pas rendu publique son intention de conclure le contrat (…) et n’a pas observé, avant de le signer, le délai d’au moins onze jours entre la date de publication de l’avis et la date de conclusion du contrat » (CE, 8 novembre 2019, Communauté d’agglomération du Pays Nord Martinique, n°432216).

La sanction du défaut d’information des candidats évincés

L’information des candidats évincés constitue une obligation dont la violation est susceptible d’être sanctionnée par le juge des référés précontractuel et contractuel (CE, 21 janvier 2004, Société Aquitaine Démolition, n° 253509).

Le juge du référé précontractuel est ainsi susceptible d’enjoindre à l’acheteur de procéder à la communication des informations demandées dans un délai qu’il détermine (CE 7 novembre 2014, Syndicat Valor’Aisnes, n° 384014).

Toutefois, ce manquement ne peut être invoqué par le requérant que s’il est susceptible de le léser le requérant (CE, 3 octobre 2008, SMIRGEOMES, n° 305420).

Tel est le cas lorsque la méconnaissance de l’obligation d’information a empêché l’entreprise de contester utilement le rejet de son offre (CE, 6 mars 2009, Commune d’Aix en Provence, n° 314610).

En revanche, ce manquement n’est pas constitué si les motifs détaillés de ce rejet ont été communiqués au candidat évincé, à la date à laquelle le juge des référés statue, lui permettant de contester utilement son éviction (CE, 6 mars 2009, Syndicat mixte de la région d’Auray Belz Quiberon, n° 321217), ou si les informations demandées sont étrangères aux caractéristiques de l’offre retenue (CE, 7 novembre 2014, Syndicat Départemental de Traitement des Déchets Ménagers de l’Aisne, n° 384014).