Focus sur la Responsabilité pour Insuffisance d'Actifs

Focus sur la Responsabilité pour Insuffisance d’Actifs

Retour sur trois décisions de la chambre commerciale en 2023 en matière de responsabilité pour insuffisance d’actif

La responsabilité pour insuffisance d’actif, prévue aux articles L651-1 et suivants du Code de commerce, constitue un cas de responsabilité civile propre au droit des entreprises en difficulté et plus particulièrement à la procédure de liquidation judiciaire. Lorsqu’une procédure de liquidation judiciaire fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion du dirigeant ayant contribué à cette insuffisance d’actif, condamner ledit dirigeant et décider que le montant de celle-ci soit supporté, en tout ou partie, par le dirigeant fautif.

En 2023, trois décisions de la chambre commerciale de la Cour de cassation sont venues préciser un peu plus les contours du régime de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif notamment en ce qui concerne la date d’appréciation de la faute de gestion du dirigeant, la condamnation de celui-ci en cas de confusion de patrimoines et enfin la prescription de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif.

1. Sur la date d’appréciation de la faute de gestion

À l’instar du droit commun de la responsabilité civile, l’action en insuffisance d’actif suppose l’existence d’une faute. En effet, il apparaît à la lecture de l’article L651-2 du Code de commerce que seule la réalisation d’une faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif peut conduire le juge à faire supporter toute ou partie de cette insuffisance d’actif au dirigeant ayant commis la faute.

La Cour de cassation est venue préciser dans son arrêt en date du 8 mars 2023 (n°21-24.650) dans le cadre d’une conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire que seules peuvent être prises en compte les fautes de gestion antérieures au jugement d’ouverture de la procédure collective.

En l’espèce, le 13 juillet 2016, une société a été placée en redressement judiciaire ; par la suite ce redressement a fait l’objet d’une conversion en liquidation judiciaire par jugement en date du 12 juillet 2017. Le liquidateur a assigné le dirigeant en responsabilité pour insuffisance d’actif soutenant que ce dernier avait commis différentes fautes de gestion au cours de la période d’observation. Sa demande a été rejetée par les juges du fond (CA Amiens, 23 septembre 2021, n°21/00452) ; décision confirmée par la chambre commerciale de la Cour de cassation.

La chambre commerciale de la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le liquidateur contre l’arrêt de la Cour d’appel en soutenant que seules les fautes de gestion antérieures au jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire peuvent être prises en compte pour l’application de l’article L651-2 du Code de commerce.

Ainsi, le jugement de conversion du redressement en liquidation judiciaire n’ouvre pas une nouvelle procédure collective. Il s’en déduit qu’une sanction ne peut être prononcée en raison de fautes commises antérieurement au jugement de conversion. En outre, ce n’est qu’en cas de résolution du plan de redressement judiciaire et d’ouverture d’une liquidation judiciaire que les fautes de gestion commises avant l’ouverture d’une liquidation judiciaire peuvent être prises en considération pour fonder l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif (Cass.com., 22 janvier 2020, n°18-17.030).

En conclusion, les conditions de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif sont donc différentes selon que le redressement est converti en liquidation judiciaire ou en cas de résolution du plan et d’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire : dans la première situation, la conversion n’ouvre pas une nouvelle procédure ; au contraire dans la seconde situation, le jugement ouvre une nouvelle procédure.

Dès lors que les conditions de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif ne sont pas remplies, il est possible d’imaginer que le droit commun de la responsabilité pourrait trouver à s’appliquer à de telles situations sur le fondement d’une action ut singuli notamment.

2. Sur la condamnation pour insuffisance d’actif en cas de confusion des patrimoines

En cas de responsabilité pour insuffisance d’actif, les dettes de la personne morale concernée par la procédure de liquidation sont supportées, en tout ou partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait ou par certains d’entre eux, qui ont commis les fautes de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif en question.

Par un arrêt en date du 19 avril 2023 n°22-11.229, la chambre commerciale de la Cour de cassation précise l’étendue des dettes de la personne morale qui peuvent être mise à la charge du dirigeant.

En l’espèce, le directeur général délégué d’une société mère mise en liquidation judiciaire est poursuivi pour insuffisance d’actif. La procédure est étendue aux deux filiales de la société mère pour confusion des patrimoines.

La Cour d’appel d’Angers condamne le dirigeant à payer la somme de 4.000.000,00 € au titre de l’insuffisance d’actif des trois sociétés en arguant qu’il était le dirigeant de droit de la société mais également le dirigeant de fait des deux filiales, car ces dernières n’avaient aucune indépendance économique par rapport à la société et qu’il existait en outre une fictivité dans leurs rapports avec cette dernière. Cet arrêt est censuré par la Cour de cassation dès lors que l’insuffisance d’actif de l’ensemble des sociétés auxquelles une procédure collective est étendue pour confusion des patrimoines ne peut être mise à la charge d’un dirigeant que s’il en a été le dirigeant de droit ou de fait.

Or, la Cour relève que la cour d’appel n’a ni constaté que le défendeur avait été dirigeant de droit des filiales ni caractérisé en quoi ce dernier avait exercé en toute indépendance une activité positive de direction de ces sociétés.

3. Sur la prescription de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif

L’article L651-2 alinéa 3 du Code de commerce précise que l’action se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire. La Cour de cassation vient préciser dans son arrêt que le jour du jugement prononçant la liquidation judiciaire ne peut être inclus dans la computation du délai de prescription, lequel expire 3 ans après le jour suivant cette date (Cass. com., 18 janv. 2023, n°21-22-090).

En l’espèce, une société a été placée en liquidation judiciaire le 7 janvier 2016. Le 7 janvier 2019, le liquidateur assigne le dirigeant en responsabilité pour insuffisance d’actif. Néanmoins, l’action en responsabilité du liquidateur est rejetée par la cour d’appel, car selon elle prescrite. En droit des procédures collectives le point de départ de l’action pour insuffisance d’actif à un régime spécifique et déroge au droit commun. Le point de départ du délai de prescription part le jour du jugement de liquidation judiciaire de sorte que la prescription étant acquise le dernier jour du terme à minuit, l’action engagée après le 6 janvier 2019 à 24 heures était prescrite.

La Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel en ce qu’elle a considéré qu’il résulte des articles L651-2 alinéa 3 du Code de commerce et des articles 2228 et 2229 du Code civil que le jour du jugement prononçant la liquidation judiciaire, qui constitue le point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif, ne peut être inclus dans la computation de ce délai, lequel expire trois ans après le jour suivant cette date.

Ainsi, la Cour en conclut que le point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif, soit le jour du jugement prononçant la liquidation judiciaire, en l’espèce, le 7 janvier 2016, ne pouvait être inclus dans la computation de ce délai, de sorte que l’action engagée le 7 janvier 2019, dans le délai de trois ans de l’article L. 651-2, alinéa 3, n’était pas prescrite.

Focus sur la Responsabilité pour Insuffisance d’Actifs

Margaux Cabanes, collaboratrice dans le département Droit des Affaires du cabinet NovLaw Avocats dirigé par Baptiste Robelin.

Vous recherchez un conseil ?

Cet article vous a plu, partager !

Contact

Laissez-nous votre message

Vous souhaitez avoir plus d’informations concernant nos services, ou bien prendre un rendez-vous ? Contactez-nous via les coordonnées ou le formulaire ci-dessous.

Formmulaire de Contact

(*) champ obligatoire requis

Novlaw Avocats - Bureau de Paris

53 Boulevard de Magenta - 75010 PARIS

Tél. : 01 44 01 46 36

Email : contact@novlaw.fr

Novlaw Avocats - Bureau de Lyon

123 Rue Tête d’Or - 69003 Lyon

Tél. : 04 88 76 82 29

Email : contact@novlaw.fr

Contact

Laissez-nous votre message

Vous souhaitez avoir plus d’informations concernant nos services, ou bien prendre un rendez-vous ? Contactez-nous via les coordonnées ou le formulaire ci-dessous.

Novlaw Avocats Bureau de Paris

53 Boulevard de Magenta – 75010 PARIS

Tél. : 01 44 01 46 36

Email : contact@novlaw.fr

Novlaw Avocats Bureau de Lyon

123 Rue Tête d’Or – 69003 Lyon

Tél. : 04 88 76 82 29

Email : contact@novlaw.fr

Formulaire de contact

(*) champ obligatoire requis