Sommaire
- Indemnisation d’un candidat irrégulièrement évincé du contrat de délégation de service public
- Rappel sur les modalités d’indemnisation du candidat irrégulièrement évincé :
- L’intégration des aléas d’exécution propres aux concessions dans le contrôle du juge pour déterminer le caractère certain du préjudice
- Les modalités d’indemnisation du candidat irrégulièrement évincé en cas de résiliation anticipée du contrat en cause par la personne publique

Calcul de l’indemnité du candidat irrégulièrement évincé
Aux termes d’une décision en date du 24 avril 2024 (Conseil d’État, 24 avril 2024, n°472038) le Conseil d’État rappelle les modalités de calcul de l’indemnité pouvant être réclamée par le candidat irrégulièrement évincé qui disposait de chances sérieuses de se voir attribuer le contrat.
Le Conseil d’État apporte des précisions relatives au régime indemnitaire basé sur les aléas d’exécution du contrat et sur la survenance d’une rupture anticipée par la personne publique cocontractante.
Indemnisation d’un candidat irrégulièrement évincé du contrat de délégation de service public
Dans les faits, la commune de La chapelle d’Abondance a lancé une procédure d’attribution d’un contrat de délégation de service public.
Le requérant, candidat irrégulièrement évincé a demandé au Tribunal administratif de Grenoble de condamner la Commune à l’indemnisation de son préjudice subi, à savoir son manque à gagner, ou à titre subsidiaire d’indemniser ses frais de présentation de son offre.
Le Tribunal administratif a partiellement fait droit aux demandes du requérant en condamnant la Commune à l’indemniser des frais engagés pour la présentation de son offre.
Le candidat irrégulièrement évincé a par la suite interjeté appel devant la Cour administrative d’Appel qui fait droit à sa demande relative à l’indemnisation de son manque à gagner.
C’est dans ce contexte que la Commune a formé un pourvoi en cassation.
Rappel sur les modalités d’indemnisation du candidat irrégulièrement évincé :
Tout d’abord, il convient de rappeler que le Conseil d’État a établi les principes contentieux régissant les modalités de calcul de l’indemnité due au candidat irrégulièrement évincé (Conseil d’État, 18 Juin 2003, n° 249630 « Groupement d’entreprises solidaires ETPO Guadeloupe »)
Le candidat irrégulièrement évincé peut prétendre au versement d’une indemnité en réparation du préjudice causé par son éviction irrégulière de la procédure d’attribution d’un contrat sur le fondement de la chance sérieuse d’obtenir ce même contrat.
Ainsi, dans cette décision, le Conseil d’État rappelle le principe selon lequel, si le candidat évincé n’avait aucune chance d’obtenir le contrat, alors il ne peut solliciter aucune indemnité.
En revanche, si au contraire, le concurrent irrégulièrement évincé n’est pas dépourvu de toutes chances de remporter le contrat, alors il lui est possible d’être indemnisé au titre des frais engagés pour la présentation de son offre.
Suivant cette hypothèse, le juge administratif doit ensuite regarder si le candidat irrégulièrement évincé avait de réelles chances de remporter le contrat.
Si tel n’est pas le cas, alors le candidat irrégulièrement évincé devra se contenter du remboursement de ses frais engagés pour la présentation de son offre.
En revanche, si au regard des éléments soumis au juge administratif, il s’avère que le candidat irrégulièrement évincé disposait de réelles chances de remporter le contrat, alors celui-ci pourrait être indemnisé de son manque à gagner « incluant nécessairement, puisqu’ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l’offre » (Conseil d’État, 24 avril 2024, n°472038).
Ce principe a une nouvelle fois été rappelé très récemment par le Conseil d’État (Conseil d’État, 24 mai 2024, n°474763)
Par ailleurs, le manque à gagner ne peut être indemnisé que si le requérant prouve que la perte de chance sérieuse de remporter le contrat est la conséquence directe de l’irrégularité dans la procédure d’attribution. (Conseil d’État, 14 octobre 2019, n°418317)
Évidemment, la charge de la preuve incombe au candidat irrégulièrement évincé. (Conseil d’État, 10 octobre 2018, n° 410501).
Ces principes sont les mêmes en matière de marche public : Marché public : Indemnisation du candidat évincé
L’intégration des aléas d’exécution propres aux concessions dans le contrôle du juge pour déterminer le caractère certain du préjudice
Le juge doit apprécier l’existence du caractère certain du préjudice dont se prévaut le candidat évincé (Conseil d’État, 10 Juillet 2013, n° 362777 « Compagnie martiniquaise de transports »)
Pour déterminer le caractère certain du préjudice subi, le juge doit faire un travail minutieux de reconstruction en plaçant le candidat irrégulièrement évincé dans la situation où son offre aurait été retenue et le contrat attribué.
C’est ce travail de reconstitution qui lui a permis de rendre plusieurs décisions relatives à l’indemnisation du préjudice certain d’un candidat irrégulièrement évincé. (Voir par exemple CAA de Paris, 6 mars 2012, n° 10PA05223 ou encore CAA, Marseille, 24 mai 2022, n° 17MA01655).
La particularité de cette décision, c’est que ce sont les précisions apportées sur la détermination de l’indemnisation du préjudice certain d’un candidat évincé et la prise en compte des aléas propres au contrat de concessions comme définis à l’article L.1121-1 du Code de la commande publique.
En d’autres termes, le Conseil d’État tient compte les aléas d’exécution d’un contrat de concession afin de déterminer l’existence du manque à gagner du candidat évincé, et par voie de conséquence son indemnisation.
Ainsi, il incombe au juge du fond de « d’apprécier dans quelle mesure ce préjudice présente un caractère certain, en tenant compte notamment, s’agissant des contrats dans lesquels le titulaire supporte les risques de l’exploitation, de l’aléa qui affecte les résultats de cette exploitation et de la durée de celle-ci ».
La doctrine administrative pense que les candidats irrégulièrement évincés auraient désormais plus intérêt à ne pas se voir attribuer le contrat afin de solliciter l’indemnisation du manque à gagner qui ne tiendrait pas compte des aléas d’exécution (sans réaliser le contrat) plutôt qu’à obtenir le contrat dont l’exécution pourrait faire naître des difficultés parfois financières (Jean-Baptiste Vila, Revue SJCA, n° 22, 3 juin 2024, 2156).
Il est donc loisible d’affirmer que les caractéristiques des contrats de concessions ont vraisemblablement influencé les modalités du calcul de l’indemnité du préjudice du candidat irrégulièrement évincé.
Les modalités d’indemnisation du candidat irrégulièrement évincé en cas de résiliation anticipée du contrat en cause par la personne publique
En cas de résiliation anticipée du contrat conclu avec le titulaire par la personne publique, il est possible pour le candidat irrégulièrement évincé de prétendre à une indemnisation devant le juge administratif.
En effet, pour évaluer le montant de l’indemnisation, le juge doit tenir compte des motifs et des effets de cette résiliation, afin de déterminer quels auraient été les droits à indemnisation du concurrent évincé si le contrat avait été conclu avec lui et si sa résiliation avait été prononcée pour les mêmes motifs que celle du contrat initialement conclu.
De ce fait, « dans le cas où le contrat a été résilié par la personne publique, il y a lieu, pour apprécier l’existence d’un préjudice directement causé par l’irrégularité et en évaluer le montant, de tenir compte des motifs et des effets de cette résiliation, afin de déterminer quels auraient été les droits à indemnisation du concurrent évincé si le contrat avait été conclu avec lui et si sa résiliation avait été prononcée pour les mêmes motifs que celle du contrat irrégulièrement conclu. »
Là encore, le Conseil d’État fait preuve d’un travail de reconstitution en plaçant le candidat irrégulièrement évincé dans la situation où son offre aurait été retenue, et le contrat résilié par la personne publique, et cela, afin de déterminer le montant de l’indemnisation due au ce candidat.
La subtilité de ce contrôle réside dans l’obligation des juges du fond de tenir des mêmes motifs et des mêmes effets de cette résiliation pour pouvoir reconstituer une situation le plus proche possible de la réalité et ainsi, évaluer l’impact que cette résiliation pourrait avoir sur la situation du candidat irrégulièrement évincé afin de déterminer le montant de l’indemnisation.
Si la reconstitution révèle les motifs et les effets de la résiliation du contrat conclu ne sont pas transposables à la situation du candidat irrégulièrement évincé, alors le juge du fond devra le prendre en compte dans son calcul et ajuster l’indemnité.
En revanche, s’il s’avère que les motifs et les effets de la résiliation peuvent être transposables à la situation du candidat irrégulièrement évincé alors le calcul de l’indemnité due au candidat évincé devra être écarté.
Finalement, cette décision revêt un caractère très pragmatique en mettant œuvre des principes contentieux précédemment établis par la jurisprudence antérieure, en lui apportant des précisions de taille.
Ceci permettant de prendre en compte la réalité et les caractéristiques des contrats de concessions dans les modalités de calcul de l’indemnité due au candidat irrégulièrement évincé.

Par Laurent Bidault , Avocat Associé chez Novlaw Avocats , spécialisé en droit public , notamment en droit des contrats publics (marché public, concession) et en droit immobilier public (aménagement, urbanisme, construction). Il a également développé une expertise particulière en matière d’ innovation appliquée au secteur public (achat innovant, R&D, BIM).
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