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Juge des loyers : irrecevabilité d’une assignation délivrée sans mémoire préalable

On sait que l’introduction d’une assignation devant le Juge des loyers, en matière de bail commercial, suppose la délivrance d’un mémoire préalable. Dans un arrêt du 8 février 2024 (Cass, Civ, 3e, 8 févr. 2024, n° 22-22.301), la Cour de cassation revient sur la sanction applicable à défaut d’avoir suivi ce processus : l’assignation est irrecevable et il n’est pas possible de régulariser la procédure postérieurement.

Les faits de l’arrêt sont classiques : les parties ne s’étant pas entendu sur le montant du loyer lors du renouvellement du bail, le bailleur décidait d’introduite une action devant le Juge des loyers commerciaux pour fixer le loyer de renouvellement. Il n’avait toutefois pas respecté les formalités prévues par les articles R. 145-23 et suivants du Code de commerce, n’ayant pas signifié de mémoire préalablement à l’assignation.

Ayant réalisé cet oubli en cours de procédure, le bailleur tenta de notifier son mémoire par lettre recommandée AR postérieurement, après l’introduction de l’instance.

Saisie de cette difficulté, la Haute Cour considère que cette régularisation après coup n’est pas possible et juge que l’action est irrecevable.

Cet arrêt est l’occasion de rappeler la procédure applicable en la matière de saisine du Juge des loyers commerciaux.

Prescription biennale pour saisir le Juge des loyers commerciaux

On sait que les parties (preneur et bailleur) disposent d’un délai de deux ans pour agir conformément à l’article L. 145-60 du Code de commerce, le point de départ variant selon le cas en cause :

– pour une action visant au réajustement du loyer principal en cas de sous-location, le point de départ du délai de deux ans est la connaissance par le bailleur du prix de la sous-location litigieuse ;

– en ce qui concerne une demande en révision du loyer, le point de départ de la prescription biennale est la date d’expédition de la demande de révision par lettre recommandée;

– et en ce qui concerne une action en fixation du loyer de renouvellement (qu’il s’agisse d’un congé avec offre de renouvellement ou d’une demande de renouvellement acceptée par le bailleur à l’intérieur du délai légal), le point de départ du délai de prescription biennale est la date d’effet du nouveau bail.

Signification d’un mémoire préalable à l’introduction de la procédure

C’est l’article R. 145-27 du Code de commerce qui prévoit cette procédure obligatoire : « le juge ne peut, à peine d’irrecevabilité, être saisi avant l’expiration d’un délai d’un mois suivant la réception par son destinataire du premier mémoire établi ».

A défaut, l’action n’est pas nulle mais l’assignation est irrecevable. C’est le sens de la décision présentement commentée. Et il n’est pas possible de régulariser le défaut de mémoire en cours de procédure, postérieurement à la délivrance de l’assignation. La Cour de cassation a d’ailleurs rappelé qu’en cas de pluralité de bailleurs, il est nécessaire de notifier autant de mémoires que de parties (Jurisprudence constante : voir Cass, Civ. 3e, 3 juill. 2013, n° 12-13.780).

En revanche, l’omission de dépôt du mémoire au greffe ne constitue qu’une simple irrégularité de forme. Il sera donc possible pour la partie à l’initiative de l’action de régulariser cet oubli, dès lors que la notification du mémoire a bien été antérieure à la signification de l’assignation (Voir par exemple : Cass, Civ. 3e, 22 janv. 1997, n° 94-21.488).

Cette exigence d’avoir à signifier un mémoire préalablement à la signification de l’assignation est le signe de la volonté du législateur de favoriser les processus de négociation préalable en matière de bail commercial. En imposant aux parties de respecter un délai d’un mois minimum avant d’introduire leur action devant le Juge, le législateur considère que ces dernières auront l’occasion de réfléchir et de voir si une transaction n’est pas envisageable plutôt que d’initier une procédure qui peut s’avérer longue et coûteuse. Rappelons pourtant que depuis le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, le mémoire préalable doit être signé par l’avocat du demandeur. En pratique, le mémoire s’apparente donc souvent à une forme de « projet d’assignation ». Il est d’ailleurs vivement recommandé en pratique (mais pas obligatoire) d’appuyer son mémoire sur la base d’un rapport d’expertise privé sur l’évaluation du loyer.

Pas de possibilité de régulariser l’assignation en cas d’oubli du mémoire

 

Cette procédure est considérée comme étant d’ordre public. En conséquence, il n’est pas possible de la régulariser à postériori, comme le rappelle l’attendu de l’arrêt de la Cour de cassation du 8 février 2024 présentement commenté et dont l’attendu est explicite : « la situation ne pouvait être régularisée par la notification d’un mémoire postérieurement à la saisine du juge des loyers commerciaux ».

Pour tenter de parer cette sanction, le bailleur avait en l’espèce invoqué l’article 121 du code de procédure civile selon lequel : « dans les cas où elle est susceptible d’être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue ».

Ce texte paraît pourtant inapplicable pour au moins deux raisons :

  • d’abord,, parce que la sanction de l’absence de mémoire n’est pas la nullité, mais l’irrecevabilité.
  • ensuite, parce que la notification d’un mémoire postérieur ne permet pas de parer l’irrégularité dès lors que, par définition, le mémoire doit être délivré antérieurement à l’acte introduction d’instance.

Ces principes expliquent la décision présentement commentée, rendue d’ailleurs au visa de l’article 126 du Code de procédure civile concernant les fins de non-recevoir : « dans les cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d’être régularisée, l’irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue ».

Or en l’espèce, la « situation n’est pas susceptible d’être régularisée par la notification d’un mémoire postérieurement à la remise au greffe d’une copie de l’assignation », comme énoncé par la Haute cour dans l’arrêt ici analysé. La procédure est donc définitivement irrecevable et ne peut être régularisée.

Baptiste

Par Baptiste Robelin, Avocat Associé Expert en Droit des affaires , Droit des sociétés et Droit immobilier du cabinet Novlaw Avocats,

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