Le loyer d’un bail commercial n’est pas annulé par la covid-19

Le loyer d’un bail commercial n’est pas annulé par la covid-19

La Cour de cassation s’est enfin positionnée sur la question des loyers dus pendant la période de la covid-19. Par trois arrêts de principe rendus le 30 juin 2022, la Haute cour énonce que les défauts de paiement du loyer pendant la période de fermeture liée au coronavirus ne sont pas légitimes et constituent donc une faute au regard des obligations du locataire.

Il était temps que cette question soit enfin tranchée, tant les décisions rendues sur ce point divergeaient d’un tribunal à l’autre, d’une cour d’appel à l’autre, au gré des lignes de défense développées par les locataires (force majeure, faits du prince, manquement à l’obligation de délivrance par le bailleur, etc.).

À dire vrai, on commençait à se douter que la Cour de cassation statuerait en faveur des bailleurs : d’abord, parce que les locataires, quoi qu’on en dise, ont été sensiblement aidés pendant la crise (PGE, reports de charges, fonds de solidarité, etc.) ce qui, rappelons-le, n’était pas le cas de la plupart des bailleurs. Ensuite parce que tous les locataires n’étant pas logés à la même enseigne (certains ayant largement assez de trésoreries pour faire face) il eût été délicat de décider d’une annulation pure et simple, qui aurait constitué parfois un effet d’aubaine mal accueillie par les propriétaires victimes d’impayés.

Naturellement, il faut souligner que de très nombreux locataires ont souffert pendant la crise. Rappeler le fait que les bailleurs ne percevaient pas le fonds de solidarité ne constitue pas pour autant une remarque partiale, prenant position pour un camp plutôt qu’un autre. Simplement, dans un tel contexte, on imaginait mal la Haute juridiction statuer autrement qu’elle l’a fait dans ces arrêts du 30 juin 2022.

Dans les trois espèces, un bail commercial avait été consenti : le premier sur un local à usage de tourisme, le deuxième dans un local à usage d’agence immobilière et le troisième à usage de supermarché (hors produits alimentaires).

Ces trois locataires, qui avaient été contraints de fermer leur commerce à raison des restrictions sanitaires décidées par les pouvoirs publics pour lutter contre la propagation du virus, estimaient qu’ils n’avaient pas à s’acquitter du loyer du pendant la période de fermeture, s’étant trouvés privés de leur local.

De manière assez classique, les bailleurs avaient saisi le Juge en règlement de leur loyer (action en référé pour acquisition de la clause résolutoire).

Et voilà les Juges de la Cour suprême contraints de faire face au dilemme tant attendu et redouté : comment considérer un locataire n’ayant pas réglé ses loyers pendant la crise ? Fautif à raison du manquement à ses obligations ? Ou bien victime excusée et excusable ?

À cette question, les magistrats de la Haute Cour ont pris le parti des bailleurs. En effet, ils ont considéré que le bailleur n’a pas manqué à son obligation de délivrance, que la fermeture administrative des commerces ne constituait pas une perte de la chose louée au sens de l’article 1722 du Code civil, et finalement que la force majeure ne pouvait pas être invoquée par les locataires.

Voilà le débat tranché sur tous les fronts, fermant la porte aux différents arguments qui avaient été invoqués au fil du temps par les différents cabinets d’avocats en charge de la défense de locataires.

Le refus de considérer les bailleurs responsables d’un manquement à leur obligation de délivrance.

Concernant cet argument soulevé par les demandeurs au pourvoi, la troisième chambre civile répond sans hésitation. Les juges soulignent que : « La mesure générale de police administrative portant interdiction de recevoir du public n’est pas constitutive d’une inexécution de l’obligation de délivrance ». Dans un arrêt rendu le même jour, les juges précisent que cette situation n’est pas imputable au bailleur. En effet, le confinement étant une mesure générale (police administrative), temporaire et sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, le bailleur ne saurait être tenu responsable.

Sur un plan strictement juridique, cette solution est discutable : rappelons en effet que l’obligation de délivrance est une obligation de résultat, le bailleur ne pouvant en principe s’exonérer en arguant d’une absence de faute de sa part. Ce n’est néanmoins pas le sens de la décision des magistrats de la Haute cour, qui s’en tiennent au fait que le local n’était pas accessible du fait du bailleur. Ainsi ce dernier, victime de la situation comme le locataire, ne pouvait être privé de ses loyers.

Le deuxième argument rejeté par la Haute Cour : la perte de la chose louée.

Sur ce point, rappelons l’article 1722 du Code civil, sur lequel les juges se sont appuyés pour rendre leur décision : « Si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l’un et l’autre cas, il n’y a lieu à aucun dédommagement ».

Certains tribunaux s’étaient, en première instance, reportés à ces dispositions pour accueillir la demande de locataires sollicitant une exonération des loyers covid.  Certaines juridictions du fond retenaient non seulement la perte de la chose louée, mais également la perte temporaire. La perte, en ce que la chose est détruite au sens de la destination contractuelle du bail, car le locataire se voyait privé de son fonds de commerce puisque le local ne pouvait plus être exploité. Perte « temporaire », en ce que l’article ne précisait pas expressément si la destruction devait être définitive ou non.

La Cour de cassation a quant à elle choisi une lecture littérale de l’article 1722, estimant que la chose louée n’était matériellement pas détruite, le local étant toujours intègre et exploitable théoriquement.

La solution est évidemment discutable, mais elle a le mérite d’être claire désormais : exit l’invocation de l’article 1722 du Code civil pour échapper au règlement des loyers covid. Exit encore l’argument tiré de la force majeure, comme on va le voir.

La force majeure

Notion juridique à première vue applicable à une pandémie, la force majeure qui se caractérise par l’imprévisibilité, l’irrésistibilité et l’extériorité a été rejetée par la troisième chambre civile de la Cour de cassation dans l’arrêt au numéro de pourvoi 21-20.190.

Sans revenir sur les trois critères précédemment énoncés, les juges de la Haute cour se sont contentés de rappeler la solution qui avait été retenue dans l’arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 16 septembre 2014. Cet arrêt venait consacrer le principe selon lequel, le débiteur d’une somme d’argent ne peut s’exonérer de cette obligation en invoquant un cas de force majeure.

En effet, l’épidémie n’empêchait pas le bailleur de satisfaire à son obligation, c’est-à-dire de payer la somme due même s’il ne pouvait jouir du local. Dès lors, les commerçants n’étaient pas fondés à former un pourvoi sur le fondement de la force majeure.

Que faut-il retenir ?

Ces décisions constitueront à n’en pas douter un coup de tonnerre pour les locataires parties à des procédures en cours avec leurs bailleurs. Toutefois, la reprise d’activité depuis la réouverture a peut-être permis pour un certain nombre d’entre eux de reconstituer la trésorerie nécessaire en vue d’un règlement, fut-il échelonné, des dettes accumulées. Il faut en ce cas conseiller aux plaideurs d’initier désormais des négociations en vue de mettre un terme aux procédures en cours, avec un échéancier acceptable. Sur ce point, un avocat expert en bail commercial s’avèrera un atout précieux !

Sur ce dernier point en effet, les décisions de la Cour de cassation ne remettent pas en cause (et heureusement) les dispositions de l’article 1343-5 du Code civil, permettant au juge d’échelonner la dette d’un débiteur sur une période allant jusqu’à deux ans, à condition de justifier de difficultés financières. Et pour les débiteurs les plus impactés, rappelons que le droit des procédures collectives peut toujours s’avérer un levier utile que ce soit par la procédure de sortie de crise (étalement des dettes jusqu’à 10 ans), éventuellement la sauvegarde voire le redressement judiciaire si la trésorerie le permet.

Le loyer d’un bail commercial n’est pas annulé par la covid-19

Cet article vous a plu ?

Vous pouvez également lire notre page « Avocat Cession de Fonds de Commerce».

 

Le loyer d’un bail commercial n’est pas annulé par la covid-19

Besoin d'un avocat ?

Cet article vous a plus ? Partagez-le !

Contact

Laissez-nous votre message

Vous souhaitez avoir plus d’informations concernant nos services, ou bien prendre un rendez-vous ? Contactez-nous via les coordonnées ou le formulaire ci-dessous.

Formmulaire de Contact

(*) champ obligatoire requis

Novlaw Avocats - Bureau de Paris

53 Boulevard de Magenta - 75010 PARIS

Tél. : 01 44 01 46 36

Email : contact@novlaw.fr

Novlaw Avocats - Bureau de Lyon

123 Rue Tête d’Or - 69003 Lyon

Tél. : 04 88 76 82 29

Email : contact@novlaw.fr

Contact

Laissez-nous votre message

Vous souhaitez avoir plus d’informations concernant nos services, ou bien prendre un rendez-vous ? Contactez-nous via les coordonnées ou le formulaire ci-dessous.

Novlaw Avocats Bureau de Paris

53 Boulevard de Magenta – 75010 PARIS

Tél. : 01 44 01 46 36

Email : contact@novlaw.fr

Novlaw Avocats Bureau de Lyon

123 Rue Tête d’Or – 69003 Lyon

Tél. : 04 88 76 82 29

Email : contact@novlaw.fr

Formulaire de contact

(*) champ obligatoire requis