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Marché Public : Revue de jurisprudence d’avril 2025

Retrouvez les principales décisions rendues au cours du mois d’avril 2025 en matière de marché public.

Le Cabinet NOVLAW Avocats (Laurent Bidault) accompagne ses clients de façon transversale en droit immobilier et en droit public

Absence d’indemnisation du soumissionnaire irrégulièrement évincé d’une procédure déclarée sans suite

Dans cette affaire, un syndicat intercommunal a décidé de déclarer sans suite la procédure de passation d’un marché de maîtrise d’œuvre pour un motif d’intérêt général, après avoir pourtant retenu l’attributaire.

En effet, l’acheteur a justifié sa décision par la circonstance « qu’il est apparu qu’une irrégularité avait été commise dans la procédure de mise en concurrence préalablement à sa mise en œuvre ».

Plus précisément, cette irrégularité résulte de la circonstance que la participation préalable, directe ou indirecte, à la préparation de la procédure de passation du marché d’un opérateur – en l’occurrence ici l’attributaire – a pu lui permettre d’avoir accès à des informations susceptibles de créer une distorsion de concurrence par rapport aux autres candidats.

La Cour administrative d’appel considère que cette irrégularité procédurale, commise et expressément reconnue par le syndicat intercommunal, était de nature à créer une distorsion de concurrence au sens de l’article L. 2141-8 du code la commande publique.

Dans ces conditions, le candidat évincé doit être regardé comme ayant été, sur le principe, irrégulièrement évincée de la procédure de passation du marché de maîtrise d’œuvre en cause.

Pour autant, celui-ci ne peut prétendre au versement d’une indemnisation à ce titre.

En effet, la Cour rappelle qu’un candidat à l’attribution d’un contrat public ne peut prétendre à une indemnisation de son manque à gagner si la personne publique renonce à conclure le contrat pour un motif d’intérêt général.

Or, la Cour considère que l’irrégularité résultant de la méconnaissance de l’article L. 2141-8 est de nature à entacher la procédure de passation du marché public de maîtrise d’œuvre, de sorte que le syndicat intercommunal, qui ne souhaitait pas s’exposer au risque d’un recours contentieux à l’encontre d’une procédure qui était « juridiquement contestable », a pu, pour ce motif d’intérêt général, décider de déclarer sans suite la procédure.

Partant, le syndicat intercommunal, qui a souhaité mettre fin à une procédure irrégulière, n’a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité vis-à-vis de la société appelante et le candidat évincé ne saurait donc prétendre à une indemnisation de son manque à gagner.

CAA Toulouse, 1er avril 2025, n° 23TL01536

Marché public de travaux : La procédure de réclamation n’est pas opposable au titulaire se prévalant d’un DGD tacite.

Afin de faire obstacle au versement du solde d’un marché résultant d’un DGD tacite, une communauté de communes opposait à la demande du titulaire requérant, l’absence de mémoire en réclamation de sa part.

Cependant, la Cour relève qu’en l’absence de contestation possible du montant inscrit au solde du projet de décompte général après que celui-ci est devenu le décompte général et définitif tacite, la procédure de réclamation prévue au CCAG ne peut être applicable au titulaire se prévalant, comme en l’espèce, d’un DGD tacite.

Il s’ensuit que la communauté de communes ne peut utilement se prévaloir de l’irrecevabilité de la demande de la société en cause faute pour elle d’avoir adressé un mémoire en réclamation.

Pour les mêmes motifs, elle ne peut pas davantage se prévaloir de l’expiration du délai de 6 mois, prévu par ce même article, pour porter les réclamations devant le tribunal administratif.

CAA Nancy, 1er avril 2025, n° 21NC02150

Le candidat dont l’offre est irrégulière, ne peut prétendre à une indemnisation

Rappelons que lorsqu’un candidat à l’attribution d’un contrat public sollicite la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce contrat et qu’il existe un lien direct de causalité entre la faute résultant de l’irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à cause de son éviction, il appartient au juge de vérifier si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat.

En l’absence de toute chance, le candidat n’a droit à aucune indemnité.

Ainsi, si l’offre d’un candidat évincé d’une procédure de passation d’un marché était irrégulière, ce candidat, de ce seul fait, ne peut être regardé comme ayant été privé d’une chance sérieuse d’obtenir le marché et n’est pas fondé, par suite, à demander une réparation au titre de son manque à gagner.

Dans cette affaire, le candidat n’établit pas que son offre était conforme aux prescriptions des documents de la consultation et donc qu’elle n’était pas irrégulière.

CAA Toulouse, 1er avril 2025, n° 23TL01301

La limite du contrôle des prestations du sous-traitant par le maître d’ouvrage

Dans cette affaire, la commune s’opposait à la demande de paiement direct d’un sous-traitant au motif que les prestations réalisées par celui-ci ne respectaient pas les règles de l’art.

Or, comme le rappelle la Cour administrative d’appel de Douai, si, dans le cadre de la demande de paiement direct du sous-traitant, le maître d’ouvrage peut s’assurer de ce que la consistance des travaux exécutés corresponde à ce qui était prévu par le marché, il ne peut pas en revanche exercer un contrôle sur leur qualité de ces prestations, au titre duquel figure le respect des règles de l’art.

Et cela quand bien même cette référence aux règles de l’art figurait dans le marché et même si un manquement à ces règles par le sous-traitant a donné lieu à sa condamnation à garantir le titulaire du marché à indemniser la commune au titre des désordres ayant résulté de la réalisation des travaux.

CAA Douai, 3 avril 2025, n° 24DA00007

Irrégularité de la procédure de passation d’un marché global de performance attribué au candidat arrivé deuxième…

Le juge du référé précontractuel juge qu’en attribuant un marché global de performance à la société arrivée en deuxième position alors que la société requérante avait présenté l’offre économiquement la plus avantageuse au regard des critères énoncés au règlement de la consultation, la commune a commis un manquement, susceptible de la léser, aux obligations de publicité et de mise en concurrence qui lui incombaient.

Et si la commune se prévalait de ce que la société attributaire proposait des solutions techniques plus solides et un prix adapté aux exigences définies dans le cahier des charges, le juge des référés relève que la société requérante a produit des compléments techniques, qui justifient de manière précise et détaillée les prestations auxquelles elle s’est engagée.

La procédure d’attribution du marché global de performance est donc irrégulière.

TA Cergy-Pontoise, 7 avril 2025, n° 2504953

Marché de prestations intellectuelles : Attention au formalisme du mémoire en réclamation (CCAG PI)

Chaque mois est l’occasion de rappeler l’importance de respecter le formalisme du mémoire en réclamation.

Un courrier comportant l’énoncé d’un différend, sans exposer de façon précise et détaillée les chefs de la contestation en indiquant, d’une part, les montants des sommes dont le paiement est demandé et, d’autre part, les motifs de ces demandes, ne peut être regardé comme une réclamation au sens des stipulations du CCAG – PI.

CAA Bordeaux, 10 avril 2025, n° 23BX00864

Une offre n’est pas (forcément) irrégulière en raison des modifications apportées par le candidat à la DPGF

Cette affaire illustre l’offre de la société SPIE Building Solutions avait été écartée comme étant irrégulière au motif qu’elle comporte « plusieurs modifications de quantitatifs sur de multiples positions de la décomposition du prix global et forfaitaire (DPGF) ».

L’acheteur soutenait notamment que l’offre était irrégulière aux motifs que plusieurs des quantités indiquées dans la DPGF de la requérante étaient erronées et que les modifications apportées à ce document rendaient l’offre non conforme aux prescriptions du marché.

Cependant, le juge des référés relève que les quantités en cause étaient mentionnées à titre indicatif et qu’il appartenait aux candidats de détailler eux-mêmes leur offre, de sorte que les quantités pouvaient varier.

C’est donc à tort que l’offre de la société SPIE Building Solutions a été rejetée comme étant irrégulière.

TA Strasbourg, 10 avril 2025, n° 2501674

Marché public de travaux : Pas d’application des pénalités de retard en l’absence de calendrier d’exécution

Dans cette affaire, les documents du marché prévoyaient que les pénalités pour retard dans l’exécution des travaux étaient infligées par référence au calendrier détaillé d’exécution des travaux.

Dès lors en l’absence de notification de ce calendrier par le maître d’ouvrage au titulaire du marché, aucune pénalité pour retard dans l’exécution des travaux ne pouvait être infligée à celui-ci.

De la même façon, en l’absence de réception des travaux et de date prévisible d’achèvement des travaux, le délai de remise du dossier des ouvrages exécutés n’a pas pu commencer à courir. Le maître d’ouvrage ne pouvait donc pas non plus appliquer de pénalités de retard dans la remise du DOE.

CAA Paris, 11 avril 2025, n° 23PA00913

Nature décennale des défauts d’étanchéité d’une toiture

Dès lors qu’ils affectent des éléments structurels de l’ouvrage et eu égard à la destination des locaux en litige, en l’occurrence un déchetterie, les défauts d’étanchéité de la toiture en bac acier sont dans les circonstances de cette affaire et au regard de leur caractère évolutif dans le temps, de nature, à terme, à porter atteinte à la solidité de l’ouvrage et à le rendre impropre à sa destination.

CAA Toulouse, 15 avril 2025, n° 23TL00934

Information insuffisant des candidats quant aux modalités d’appréciation des offres

Dans cette affaire, le pouvoir adjudicateur avait prévu deux critères, en l’occurrence le prix des prestations et la valeur technique, sans d’autre indication que ces deux critères et la liste des pièces et informations à fournir au titre de leur candidature et de leur offre.

Or, le juge des référés relève que « si ces précisions détaillent les éléments constitutifs des offres, elles demeurent insuffisantes pour permettre aux entreprises candidates de connaître la manière dont le pouvoir adjudicateur entendait, au vu des pièces ainsi désignées, apprécier la valeur technique des offres ».

A cela s’ajoute qu’il ressort du rapport d’analyse des offres que l’acheteur a utilisé des sous-critères affectés d’une pondération.

Partant, ainsi que le soutient la société requérante, à défaut d’avoir porté à la connaissance des candidats les sous-critères utilisés et leur pondération, le pouvoir adjudicateur a commis un manquement au principe de la transparence des procédures, susceptible de les léser.

La procédure est donc irrégulière.

TA Rennes, 24 avril 2025, n° 2200925

La procédure de négociation ne peut pas servir à encourager un candidat ou à modifier les caractéristiques substantielles de l’offre

Toujours dans cette affaire, le juge des référés constate qu’il résulte des termes des questions adressées aux sociétés soumissionnaires que le pouvoir adjudicateur a poursuivi les négociations uniquement pour encourager la société attributaire à modifier son offre pour lui permettre de répondre aux exigences du cahier des clauses techniques particulières du marché (CCTP) puis a formulé des attentes distinctes à l’égard des deux sociétés.

Dès lors, pour le juge, par la formulation des questions posées, la commission d’analyse des offres a manifestement favorisé la société attributaire et a, ainsi, méconnu le principe d’égalité de traitement entre les candidats.

En outre, la société requérante soutenait, sans être utilement contestée, qu’il se déduit des mentions précédemment exposées du rapport d’analyse des offres que l’offre initialement présentée par la société attributaire n’était pas conforme aux exigences fixées par le dossier de consultation des entreprises, et particulièrement par le CCTP.

Notamment, au cours de la phase de négociation, le coût de l’offre présentée par la société attributaire a été diminué de 48 %.

Dans ces conditions, eu égard à l’ampleur des corrections apportées à l’offre initiale de cette société et à leur nature, la société requérante est fondée à soutenir que celles-ci ont excédé la simple régularisation et ont eu pour effet d’en modifier les caractéristiques substantielles.

TA Rennes, 24 avril 2025, n° 2200925

Marché public de travaux : Attention au délai de 6 mois pour contester devant le juge le rejet d’un mémoire en réclamation

Pour rappel, le titulaire d’un marché de travaux dispose d’un délai de 6 mois pour saisir le juge du contrat à compter de la notification de la décision prise sur la réclamation à laquelle a donné lieu le décompte général.

Il est loisible pour les parties d’aménager cette clause en prévoyant notamment des causes d’interruption ou de suspension de ce délai autres que celles prévues au CCAG Travaux.

Dans cette affaire, le titulaire du marché a présenté son mémoire en réclamation par un courrier daté du 6 février 2018 et reçu par la commune le 9 février 2018.

La commune n’a pas donné de suite expresse à cette réclamation, de sorte qu’une décision implicite de rejet est née 45 jours plus tard le 24 mars 2018.

Le délai de recours contentieux de 6 mois a commencé à courir à compter de cette date.

Et contrairement à ce que soutient la société requérante, l’invitation à transiger ou le paiement partiel effectué par la commune n’ont pas pu interrompre ou suspendre ce délai.

Il en va de même s’agissant de l’absence d’indication des délais et voies de recours dès lors que seules trouvent à s’appliquer les règles particulières de saisine du juge du contrat figurant dans le CCAG, qui ne prévoient aucune obligation pour le maître de l’ouvrage d’informer le titulaire du marché de ces voies et délais de recours.

Dès lors, la demande de la société, enregistrée le 17 octobre 2018 au greffe du tribunal administratif de Lille, postérieurement à l’expiration du délai de recours de six mois, était tardive.

CAA Douai, 29 avril 2025, n° 23DA01393

Un contrat de fourniture en électricité d’un équipement public est un marché public

Le contrat conclu entre une commune et la société Engie Énergie Services pour l’alimentation électrique du gymnase communal, vise à satisfaire les besoins en fourniture électrique d’un pouvoir adjudicateur, en l’occurrence la commune.

Ce contrat présente, en conséquence, le caractère d’un marché public et les litiges auxquels son exécution est susceptible de donner lieu relèvent de la compétence du juge administratif.

Et cela sans que puissent être utilement invoquées comme faisant obstacle à une telle qualification, l’absence de clause exorbitante de droit commun et de participation directe du fournisseur à l’exécution du service public, ou la clause attributive de compétence à la juridiction commerciale laquelle ne saurait avoir pour effet de méconnaître la répartition d’ordre public des compétences entre ordres juridictionnels.

CAA Lyon, 30 avril 2025, n° 24LY03044

Laurent Bidault Avocat - Novlaw Avocats

Par Laurent Bidault , Avocat Associé chez Novlaw Avocats , spécialisé en droit public , notamment en droit des contrats publics (marché public, concession) et en droit immobilier public (aménagement, urbanisme, construction). Il a également développé une expertise particulière en matière d’ innovation appliquée au secteur public (achat innovant, R&D, BIM).

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