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Marché Public : Revue de jurisprudence de février 2025

Retrouvez les principales décisions rendues au cours du mois de février 2025 en matière de marché public.

Le Cabinet NOVLAW Avocats (Laurent Bidault) accompagne ses clients de façon transversale en droit immobilier et en droit public

Rappel (toujours utiles) de la responsabilité décennale des constructeurs

Dans cette affaire, se posait la question de la responsabilité décennale des intervenants à une opération de construction d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.

Alors que plus précisément la question de la responsabilité décennale du maître d’œuvre était posée, la Cour rappelle que les constructeurs, dont fait partie le maître d’œuvre, auxquels un désordre décennal est imputable sont tenus, in solidum, à la réparation de ce désordre dans sa totalité.

Partant, chaque constructeur peut dès lors être condamné pour la totalité du préjudice, seul ou in solidum avec les autres constructeurs.

Le maître d’œuvre ne peut donc utilement, pour contester le montant de sa propre condamnation, invoquer les fautes commises par les autres participants à l’opération de construction.

Concernant les sous-traitants, la Cour rappelle classiquement que le titulaire demeure personnellement responsable de l’exécution de toutes les obligations résultant du marché, y compris au titre de la garantie décennale.

Pour le reste, la Cour confirme pour l’essentiel le jugement du tribunal administratif tant s’agissant de la nature et de l’imputabilité des désordres (infiltrations d’eau, désordres relatifs à la pompe de relevage du sous-sol) que s’agissant du montant de l’indemnisation associée.

CAA Marseille, 3 février 2025, n° 24MA00804

Irrégularité des conditions d’analyse de l’offre de base et des variantes

Un candidat évincé contestait la procédure de passation de deux lots d’un marché de prestation d’assurances.

Le juge du référé précontractuel écarte les moyens formulés par le requérant concernant le lot n°1 (notamment celui tenant à la méconnaissance du principe d’impartialité en raison du fait que le directeur du CHU était également président de la société attributaire mais qu’il n’était pas intervenu dans la procédure).

En revanche, le juge annule la procédure de passation du lot n°2 en ce que le CHU a procédé à une analyse différenciée des offres de base et des variantes alors que le règlement de la consultation mentionnait qu’elles seraient jugées selon les mêmes modalités.

Le tribunal relève alors que si les offres avaient été notées selon les mêmes modalités, l’offre variante de la société requérante aurait dû être classée première.

Par conséquent, le juge des référés a annulé la procédure de passation du lot n°2 et a enjoint au CHU de reprendre la procédure au stade de l’analyse des offres.

TA Lyon, 6 février 2025, n° 2413284

Marché public de travaux : Solliciter trois devis ne constitue pas une procédure adaptée

Dans cette affaire, le maire d’une commune a sollicité des devis de la part de trois entreprises, pour effectuer les travaux de voirie.

Le maire a ensuite soumis au conseil municipal ces trois devis afin qu’il en retienne un.

Une telle circonstance n’implique pas que la commune ait entendu se placer dans le cadre d’une procédure adaptée impliquant une mise en concurrence, contrairement à ce que soutiennent les requérants.

En l’occurrence, la consultation de différents devis avait uniquement pour but de respecter le principe selon lequel l’acheteur doit choisir une offre pertinente, en faisant une bonne utilisation des deniers publics.

CAA Nantes, 7 février 2025, n° 24NT00896

Marché de prestations intellectuelles : Formalisme du mémoire en réclamation

Pour rappel, le CCAG PI (à l’instar des autres CCAG) prévoit que tout différend entre le titulaire et le pouvoir adjudicateur doit faire l’objet, de la part du titulaire, d’une lettre de réclamation exposant les motifs de son désaccord et indiquant, le cas échéant, le montant des sommes réclamées.

Comme le rappelle la Cour, la lettre du titulaire d’un marché peut être regardée comme une réclamation à la condition qu’elle comporte l’énoncé d’un différend et expose de façon précise et détaillée les chefs de la contestation en indiquant, d’une part, les montants des sommes dont le paiement est demandé et, d’autre part, les motifs de ces demandes, notamment les bases de calcul des sommes réclamées.

Et si ces éléments ainsi que les justifications nécessaires peuvent figurer dans un document joint au mémoire, celui-ci ne peut pas être regardé comme une réclamation lorsque le titulaire se borne à se référer à un document antérieurement transmis sans le joindre à son mémoire.

Mais dans cette affaire, la Cour confirme que la lettre adressée par le titulaire ne constitue pas une lettre de réclamation dans la mesure où si elle fait bien état de la méconnaissance de certaines stipulations du marché, elle ne fait état d’aucun montant global et d’aucune base de calcul.

CAA Versailles, 12 février 2025, n° 22VE02826

Irrégularité du sous-critère « politique de développement durable de l’entreprise »  dépourvu de lien suffisamment direct avec l’objet du marché

Aux termes de l’article R. 2152-7 du Code de la commande publique, pour attribuer le marché au soumissionnaire qui a présenté l’offre économiquement la plus avantageuse, l’acheteur peut se fonder sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution, parmi lesquels figure le critère du prix ou du coût et un ou plusieurs autres critères comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux ou sociaux.

Dans cette affaire, le critère valeur technique était décomposé en plusieurs sous-critères, dont celui de la « démarche environnementale ».

Ce sous-critère était lui-même décomposé en cinq sous-sous-critères : la « recyclabilité des produits », la « politique de développement durable de l’entreprise », les « moyens de contrôle, suivi, traçabilité des déchets pendant le chantier », la « méthode de gestion et de tri des déchets (pour éviter les mélanges) » et les « centres de stockage ou de tri vers lesquels seront acheminés les déchets ».

Partant, le juge des référés constate que la « recyclabilité des produits », les « moyens de contrôle, suivi, traçabilité des déchets pendant le chantier », la « méthode de gestion et de tri des déchets (pour éviter les mélanges) » et les « centres de stockage ou de tri vers lesquels seront acheminés les déchets » recouvrent tous les aspects de la démarche environnementale que le titulaire pourra mettre en œuvre dans le cadre du marché, de sorte que le sous-sous-critère de la « politique de développement durable de l’entreprise », au demeurant très large dans son intitulé, apparaît se rapporter à la politique générale de cette dernière.

En d’autres termes, ce sous-sous-critère comprenait tous les autres.

Partant, la société requérante est donc fondée à soutenir qu’il ne présente pas un lien suffisamment direct avec l’objet du marché ou ses conditions d’exécution, et qu’il est ainsi irrégulier.

Néanmoins, celle-ci ayant obtenue les meilleures notes pour ce sous-critère, elle ne saurait être lésée par cette irrégularité.

TA Strasbourg, 14 février 2025, n° 2500382

Irrégularité de la méthode de notation consistant à apprécier des taux de remise indépendamment du prix

Dans la même affaire que celle commentée ci-dessus, était également contestée la méthode de notation du critère prix.

Tout d’abord, le juge des référés précise qu’aucun texte ni principe n’interdit d’apprécier la valeur financière d’une offre à l’aune du taux de remise consenti par le candidat sur le prix de ses prestations.

L’utilisation de ce taux de remise comme critère de jugement des offres n’est donc pas, en soi, irrégulière.

Toutefois, ce critère doit être mis en œuvre selon une méthode de notation régulière.

À cet égard, un taux de remise ne peut être apprécié indépendamment du prix auquel il s’applique, faute de quoi il n’est pas possible de déterminer le prix auquel il aboutit, ni par suite d’identifier la meilleure offre de prix.

Or, pour noter les offres, l’acheteur s’est fondé uniquement sur le taux de remise proposé par les candidats, sans tenir compte du niveau des prix des articles contenus dans leurs catalogues, sur lesquels doit s’appliquer la remise

En recourant à cette méthode de notation, qui ne permet pas d’attribuer la meilleure note au candidat ayant proposé le prix le plus bas, l’acheteur a donc manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence.

TA Strasbourg, 14 février 2025, n° 2500382

Diminution du montant des travaux et indemnisation du titulaire

En vertu du CCAG Travaux, si la diminution du montant des travaux, par rapport au montant contractuel, est supérieure pour un marché à prix forfaitaires, à 5 % du montant contractuel et pour un marché sur prix unitaires, à 20 % du montant contractuel, le titulaire a droit à être indemnisé en fin de compte du préjudice qu’il a éventuellement subi du fait de cette diminution au-delà de cette diminution limite.

Le titulaire a droit, en outre, à être indemnisé de la part des frais et investissements éventuellement engagés pour le marché et strictement nécessaires à son exécution qui n’aurait pas été prise en compte dans le montant des prestations payées.

À cette fin, il lui incombe, dans sa demande d’indemnisation, de produire toutes les justifications nécessaires à la détermination du montant des indemnités.

Dans cette affaire, la diminution du marché décidée par le maître d’ouvrage était de 27,39 % du montant contractuel.

Partant, le titulaire est fondé à solliciter l’indemnisation de la marge attendue sur un montant de travaux correspondant à 7,39 % (27,39 % – 20 %) de la masse initiale, ainsi que de la sous-couverture des frais généraux.

CAA Marseille, 17 février 2025, n° 24MA01086

Manquement du maître d’œuvre à son devoir de conseil

Rappelons que la responsabilité des maîtres d’œuvre pour manquement à leur devoir de conseil peut être engagée, dès lors qu’ils se sont abstenus d’appeler l’attention du maître d’ouvrage sur des désordres affectant l’ouvrage et dont ils pouvaient avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l’ouvrage ou d’assortir la réception de réserves.

Ce devoir de conseil implique que le maître d’œuvre signale au maître d’ouvrage toute non-conformité de l’ouvrage aux stipulations contractuelles, aux règles de l’art et aux normes qui lui sont applicables, afin que celui-ci puisse éventuellement ne pas prononcer la réception et décider des travaux nécessaires à la mise en conformité de l’ouvrage.

Dans l’affaire en cause, le maître d’œuvre n’avait pas vérifié que l’entreprise en charge de l’installation d’un ascenseur avait obtenu la certification « CE », sans laquelle la mise en service de l’ascenseur ne pouvait avoir légalement lieu.

Faute d’avoir attiré l’attention du maître d’œuvre sur l’absence de justification, par l’entreprise, de la certification de l’ascenseur, il a méconnu son devoir de conseil au moment des opérations de réception de l’ouvrage et sa responsabilité doit donc être engagée à ce titre.

Notons que la circonstance que l’entreprise a elle-même informé le maître d’ouvrage de la situation n’est pas de nature à exonérer le maître d’œuvre de sa responsabilité, dès lors que cette information est intervenue postérieurement à la réception des travaux.

CAA Marseille, 17 février 2025, n° 23MA02274

Conséquences de la notification d’un marché de substitution après son exécution

Pour mémoire, le cocontractant de l’administration dont le marché a été résilié à ses frais et risques ne peut obtenir le décompte général de ce marché, en vue du règlement des sommes dues au titre des prestations exécutées, qu’après règlement définitif du nouveau marché passé pour l’achèvement des prestations.

Les conclusions présentées au juge du contrat en vue d’obtenir le règlement des sommes contractuellement dues avant le règlement définitif du nouveau marché sont ainsi irrecevables.

Ces principes, applicables lorsque le marché a été régulièrement résilié, ne font cependant pas obstacle à ce que, sous réserve que le contentieux soit lié, le cocontractant dont le marché a été résilié à ses frais et risques saisisse le juge du contrat afin de faire constater l’irrégularité ou le caractère infondé de cette résiliation, ou encore la méconnaissance de son droit de suivi du marché de substitution, et de demander, de ce fait, le règlement des sommes qui lui sont dues sans attendre le règlement définitif du nouveau marché après, le cas échéant, que le juge du contrat a obtenu des parties les éléments permettant d’établir le décompte général du marché résilié.

Dans cette affaire, il apparait que le maître d’ouvrage a notifié à l’ancien titulaire quatre marchés de substitution, mais après leur exécution.

Le maître d’ouvrage a donc méconnu le droit du titulaire résilié de suivre les prestations exécutées par les titulaires des marchés de substitution et ne l’a pas mise à même de veiller à la sauvegarde de ses intérêts.

Le maître d’ouvrage n’est alors pas fondé à se plaindre que c’est à tort que le tribunal administratif a accueilli la demande du titulaire résilié tendant à l’établissement du décompte de liquidation et au règlement des sommes qu’elle estime lui être contractuellement dues sans attendre le règlement définitif des marchés de substitution.

CAA Bordeaux, 18 février 2025, n° 23BX00657

Complexité de la mise en place d’un logiciel de Dossier Patient Informatisé justifiant le recours à la procédure négociée

Le juge valide le recours à la procédure négociée pour la passation d’un marché public portant sur la fourniture, la mise en œuvre et la maintenance d’un logiciel de Dossier Patient Informatisé (DPI) en mode SaaS pour certains établissements hospitaliers, en raison notamment de la complexité du marché.

La société requérante soutenait que le marché portait uniquement sur la fourniture d’un logiciel standard avec certaines adaptations, et non pas d’un « logiciel spécifique », spécialement développé par le titulaire du marché.

Aux termes d’une analyse très précise des caractéristiques du marché, le juge des référés relève que le marché ne porte pas sur un logiciel standard, soulignant que le risque lors du déploiement du logiciel sur l’ensemble des sites est important.

Dès lors, ces éléments constituent des circonstances particulières liées à la nature du marché et à sa complexité en vertu du 4°de l’article R. 2124-3 du code de la commande publique.

Le juge relève en outre que le pouvoir adjudicateur n’était pas en mesure de définir les spécifications techniques avec une précision suffisante.

TA Grenoble, 20 févr. 2025, n° 2500412

La résiliation du marché ne fait pas obstacle au règlement des prestations exécutées

Le Conseil d’État rappelle que la résiliation du marché ne fait pas obstacle au droit du titulaire de règlement des prestations qu’il a exécutées avant la résiliation.

Et ce y compris dans le cas où la résiliation aurait été prononcée à ses torts exclusifs.

Le cas échéant, il appartient au maître d’ouvrage de rechercher par ailleurs la responsabilité contractuelle du titulaire s’il estime que ces prestations se sont révélées inutiles par sa faute.

CE, 25 février 2025, n° 490616

Laurent Bidault Avocat - Novlaw Avocats

Par Laurent Bidault , Avocat Associé chez Novlaw Avocats , spécialisé en droit public , notamment en droit des contrats publics (marché public, concession) et en droit immobilier public (aménagement, urbanisme, construction). Il a également développé une expertise particulière en matière d’ innovation appliquée au secteur public (achat innovant, R&D, BIM).

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