Sommaire
- Expiration de la validité d’une attestation lors de l’attribution du marché
- Absence de responsabilité du maître d’œuvre pour fraude ou dol
- L’absence de mention « ou équivalent »
- Irrégularité de la méthode de notation des offres
- Mémoire en réclamation en la forme de courriers de mise en demeure de payer
- Conditions de transmission du projet de décompte final
- Impartialité (y compris sur les réseaux sociaux) lors de l’attribution d’un contrat public
- Validité des pièces rédigées en langue étrangère
- La date de remise des offres doit être fixée et non pas prévisionnelle
- La résiliation d’un marché public pour faute n’est pas une pratique déloyale.
- Indemnisation du titulaire d’un marché en cas d’interruption des travaux par le maître d’ouvrage
- Éviction irrégulière d’un candidat en raison de manquements dans l’exécution d’un précédent marché
- Abandon de la procédure et motif d’intérêt général infondé
- Exclusion à tort d’une entreprise ayant participé à la rédaction du dossier d’appel d’offres
- Illustration du contenu du mémoire en réclamation
- Vérification du niveau de capacité en procédure avec négociation
- Prise en compte de l’expérience des candidats « en milieu tropical »

Marché Public : Revue de jurisprudence de janvier 2024
Retrouvez les principales décisions rendues durant le mois de janvier 2024 en matière de droit de la commande publique et plus particulièrement en marché public.
Le Cabinet NOVLAW Avocats accompagne ses clients de façon transversale en droit immobilier et en droit public.
Expiration de la validité d’une attestation lors de l’attribution du marché
En vertu des articles L. 2141-2 et R. 2143-7 du Code de la commande publique, les candidats et plus encore le titulaire pressenti doivent produire une attestation concernant leurs déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions sociales.
Or, dans cette affaire, l’attestation fournie par l’attributaire n’était plus valable à la date d’attribution du marché.
Le juge des référés considère que le candidat a donc été irrégulièrement retenu.
Absence de responsabilité du maître d’œuvre pour fraude ou dol
Après l’expiration du délai de garantie décennale de 10 ans, il est encore possible d’engager la responsabilité d’un constructeur en cas de faute de celui-ci assimilable à une fraude ou un dol.
Cette faute est notamment caractérisée par la violation grave, par sa nature ou ses conséquences, de ses obligations contractuelles, commises volontairement et sans qu’ils puissent en ignorer les conséquences.
Dans cette espèce, il n’a pas été établi, notamment par le maître d’ouvrage, que le maître d’œuvre aurait volontairement manqué à ses obligations contractuelles. De même, le fait que le maître d’œuvre ne pouvait pas ignorer que la rénovation d’un bâtiment allait modifier l’équilibre hydrique de celui-ci ayant pour effet d’accroitre son vieillissement ne constitue pas une faute.
L’absence de mention « ou équivalent »
Un candidat évincé a formé un recours en contestation de la validité d’un marché public de fourniture de matériel audiovisuel.
Le requérant soulevait notamment le fait que la commune n’avait pas indiqué clairement dans le CCTP que les candidats pouvaient s’affranchir des caractéristiques techniques et proposer une solution alternative ; en d’autres termes que la mention « ou équivalent » ne figurait pas dans le CCTP.
Le requérant prétendait que s’il avait pu s’affranchir de ces caractéristiques il aurait pu minorer son offre 40.000 euros HT.
En définitive, selon lui, la commune aurait alors porté atteinte à la transparence des procédures et à l’égalité entre les candidats.
La Cour rappelle alors que les caractéristiques techniques que les documents de la consultation peuvent énoncer, ne peuvent avoir pour objet ou pour effet d’interdire aux candidats de présenter des solutions équivalentes dès lors qu’elles permettent de satisfaire aux exigences de performance minimales attendues par l’acheteur.
Cependant, la Cour relève que, d’une part, la commune justifie en défense qu’aucun des autres candidats n’a estimé être lié strictement par les caractéristiques techniques énoncées.
Et d’autre part, la Cour relève que, même si le candidat avait proposé une alternative, cela n’aurait pas suffi à modifier l’appréciation de son offre par rapport au critère du prix dès lors qu’il existait une différence de plus de 100 000 euros HT avec l’offre de la société attributaire.
La demande du requérant est donc rejetée.
Irrégularité de la méthode de notation des offres
Dans cette affaire, la méthode de notation mise en œuvre par l’acheteur consistait à classer les offres sur chaque critère et sous-critère de la manière suivante : la meilleure recevait le rang 1, la suivante le rang 2 et ainsi de suite en fonction du nombre d’offres proposées ; puis, à multiplier ce rang assorti d’une note correspondant à ce même rang à la pondération établie pour chacun des critères et sous-critères pour déterminer la notation de chaque critère ou sous-critère.
Selon le juge des référés, cette méthode de notation, qui n’est ainsi fondée que sur le classement des offres sur chacun des critères et sous-critères, conduit à l’attribution de notes ne présentant potentiellement aucun lien ni rapport direct avec la valeur de ces offres, tant intrinsèque que comparée à celle des autres offres.
Partant, le système de notation mis en œuvre a pour conséquence possible de créer un effet de seuil dans l’attribution des points au titre des différents critères et éléments d’appréciation, en augmentant de manière rédhibitoire l’écart de points entre des offres ne présentant en réalité qu’une très faible différence de valeur entre elles.
La méthode de notation par le classement peut ainsi avoir pour effet d’attribuer des notes très proches, sur un ou plusieurs critères, à des offres qui présentent une différence de valeur pourtant très importante.
Dans ces conditions, la méthode de notation utilisée par l’acheteur, fondée sur le seul classement des offres sur chacun des critères et sous-critères, alors même qu’elle permet d’assurer que la meilleure offre soit effectivement la mieux classée sur chaque critère et sous-critère analysé indépendamment des autres, peut en revanche avoir pour effet de fausser profondément et substantiellement les résultats issus de l’évaluation de la valeur intrinsèque d’une pluralité d’offres sur chacun des critères et globalement, en ne permettant en réalité pas de garantir que l’offre présentant le meilleur avantage économique global, au regard de l’ensemble des critères, soit nécessairement choisie.
Le juge des référés en conclut qu’une telle méthode de notation paraît par elle-même de nature à porter atteinte au principe d’égalité entre les candidats, lesquels ont nécessairement été lésés par sa mise en œuvre.
Mémoire en réclamation en la forme de courriers de mise en demeure de payer
Cette affaire illustre à nouveau les conditions dans lesquelles doit être établi un mémoire en réclamation.
Des courriers, réitérés, de mise en demeure de payer les factures de travaux non acquittées, qui reprennent chacun le détail des factures restant impayées et qui sont accompagnés des factures, d’une part, caractérisent l’existence d’un différend relatif à leur paiement, né à l’expiration du délai de règlement fixé dans chaque cas, et d’autre part constituent en l’espèce des réclamations préalables à la saisine du juge comportant le motif du différend, le montant des sommes dues et leur justification.
Conditions de transmission du projet de décompte final
d’une expertise n’est pas conforme aux stipulations du CCAG Travaux, quand bien même une copie de ce projet a été adressée au maître d’œuvre.
Pour le reste, cet arrêt illustre à nouveau le cas dans lequel le titulaire ne peut solliciter une indemnisation pour des travaux supplémentaires s’agissant desquels le maître d’ouvrage s’est expressément opposé.
Impartialité (y compris sur les réseaux sociaux) lors de l’attribution d’un contrat public
L’article L. 3 du Code de la commande publique dispose que les acheteurs respectent le principe d’égalité de traitement des candidats à l’attribution d’un contrat de la commande publique.
En raison de l’application de ce principe, l’acheteur peut être contraint d’exclure un candidat qui serait susceptible de créer une situation de conflit d’intérêts (notamment pour les marché public : Article L. 2141-10 du Code de la commande publique).
Cette ordonnance illustre la vigilance dont doivent faire preuve les acheteurs en la matière.
Ainsi, un élu de la commune en cause – a fortiori président de la commission d’appel d’offres –avait critiqué sur les réseaux sociaux (Facebook) la gestion du contrat par le titulaire actuel.
Ce dernier évincé de l’attribution du nouveau contrat avait dénoncé le manque d’impartialité de la CAO, entachant donc d’irrégularité la procédure.
En défense, la commune soutenait l’absence de conflit d’intérêts, mais le juge rappelle que « l’existence d’une atteinte au principe d’impartialité n’implique pas la démonstration de l’existence d’un conflit d’intérêts ».
TA Montreuil, 12 janvier 2024, n°2315368
Validité des pièces rédigées en langue étrangère
La circonstance que des certificats, labels, certifications, présentés par un candidat ne soient pas rédigées en français et ne soient pas traduits, s’avère être sans incidence sur l’examen du dossier de candidature, le juge des référés relevant que « la norme ou le label sont exprimés dans un langage international ».
La date de remise des offres doit être fixée et non pas prévisionnelle
Le juge des référés annule la phase d’analyse des offres d’un marché en ce que la date de remise des offres était incertaine.
En l’espèce, les documents de la consultation prévoyaient que la date prévisionnelle de réception des offres était de 120 jours à compter de la notification des candidats admis à présenter une offre. Une date fixe était également précisée aux termes de ces documents.
Puis, le juge des référés relève que le dossier de consultation a fait l’objet quelques jours seulement avant la date fixée « d’un complément très substantiel par l’apport du projet de traité de concession, lequel conditionne les conditions de l’équilibre financier de la concession, sans toutefois qu’il soit fait mention d’une nouvelle date de remise des offres ».
Le juge en conclut que ces ambiguïtés sont constitutives d’un manquement aux règles de mise en concurrence.
La résiliation d’un marché public pour faute n’est pas une pratique déloyale.
Les circonstances qu’un OPH ait prononcé la résiliation unilatérale du marché pour méconnaissance des obligations du marché par son titulaire constitue non une pratique déloyale mais la mise en œuvre des sanctions du contrat dont la requérante a accepté l’application en contractant.
Indemnisation du titulaire d’un marché en cas d’interruption des travaux par le maître d’ouvrage
Pour rappel, le titulaire d’un marché public a droit à l’indemnisation intégrale du préjudice qu’il a subi du fait de retards dans l’exécution du marché imputables au maître de l’ouvrage et distincts de l’allongement de la durée du chantier due à la réalisation des travaux supplémentaires, dès lors que ce préjudice apparaît certain et présente avec ces retards un lien de causalité directe.
En l’espèce, il est établi que les retards en cause résultent de l’interruption des travaux par le maître d’ouvrage en raison de manquements du maître de l’ouvrage aux règles de sécurité sur le chantier (Articles L. 4521-1 et L. 4521-2 du Code du travail).
Dans la mesure où la région ne démontrait pas que l’arrêt serait uniquement consécutif à des fautes commises par les différentes entreprises de travaux, le titulaire du marché est fondé à soutenir que la région a commis une faute de nature à lui ouvrir droit à réparation du préjudice suivi du fait de cette interruption.
Éviction irrégulière d’un candidat en raison de manquements dans l’exécution d’un précédent marché
Pour mémoire, au titre des motifs d’exclusion facultative, l’acheteur a la possibilité d’exclure de la procédure de passation d’un marché public, un candidat qui lors d’un précédent marché aurait commis des manquements à ses obligations contractuelles (Article L. 2141-7 du Code de la commande publique).
Voir notre article : Marché public : Les cas d’exclusion des candidats
Procéduralement, cette exclusion ne peut en outre intervenir qu’à l’issue d’une procédure contradictoire.
Dans cette affaire, la Cour considère que la société requérante a été irrégulièrement évincée par l’acheteur qui lui reproche des manquements dans l’exécution du marché de travaux précédent.
En effet, l’acheteur n’établit pas que la société requérante, d’une part, aurait dû verser des dommages et intérêts, a été sanctionnée par une résiliation ou aurait fait l’objet d’une sanction comparable du fait d’un manquement grave ou persistant à ses obligations contractuelles lors de l’exécution de ce contrat.
Et d’autre part, l’acheteur n’établit pas qu’il aurait mise à même cette société d’établir, dans un délai raisonnable et par tout moyen, que son professionnalisme et sa fiabilité ne pouvaient plus être remis en cause et, le cas échéant, que sa participation à la procédure de passation du marché public en cause n’était pas susceptible de porter atteinte à l’égalité de traitement.
Abandon de la procédure et motif d’intérêt général infondé
Dans la même affaire, à la suite de l’annulation partielle de la procédure par le juge des référés, l’acheteur avait décidé de déclarer la procédure sans suite pour un motif d’intérêt général.
Tous les motifs invoqués par l’acheteur sont censurés par le juge.
Tout d’abord, le motif selon lequel les candidats n’auraient pas maintenu leurs offres manque en fait et ne pouvait justifier un tel renoncement dans l’intérêt général.
Ensuite, le motif – soulevé a posteriori – selon lequel l’acheteur a refusé de conclure le contrat au motif d’une concurrence insuffisante entre entreprises est également censuré par le juge. Celui-ci relève en effet que deux sociétés avaient confirmé leur candidature.
Enfin, l’acheteur soulevait toujours a posteriori « pour les besoins de la cause » l’abandon du projet objet du marché. Là encore, le juge considère que ce motif est injustifié car sans lien véritable avec le marché en cause.
Exclusion à tort d’une entreprise ayant participé à la rédaction du dossier d’appel d’offres
Pour mémoire, aux termes de l’article L. 2141-8 du Code de la commande publique, l’acheteur peut exclure de la procédure de passation d’un marché les personnes qui par leur participation préalable directe ou indirecte à la préparation de la procédure de passation du marché, ont eu accès à des informations susceptibles de créer une distorsion de la concurrence par rapport aux autres candidats, lorsqu’il ne peut être remédié à cette situation par d’autres moyens.
Dans cette affaire, l’acheteur avait écarté un candidat au motif qu’il avait participé à l’élaboration du dossier d’appel d’offres.
Cependant, le juge du référé précontractuel relève que ce candidat avait uniquement rédigé une étude de diagnostic mais pas le cahier des charges de la consultation en cause, soulignant que cette étude de diagnostic a été jointe au dossier de la consultation et par suite à la disposition de tous les candidats.
C’est donc à tort que ce candidat a été exclu de la procédure.
Illustration du contenu du mémoire en réclamation
Constitue un mémoire en réclamation au sens des stipulations du CCAG Travaux, un mémoire reprenant les demandes de règlement complémentaire adressées au maître d’ouvrage et comportant notamment une contestation de l’application des pénalités de retard et réfactions infligées.
En outre, ce mémoire « expose de manière détaillée les sommes demandées et est assorti de très nombreuses explications et pièces jointes, en particulier des comptes rendus de réunions hebdomadaires, les ordres de services assortis des réserves émises par la société et des tableaux récapitulatifs des sommes demandées ».
Vérification du niveau de capacité en procédure avec négociation
Dans le cadre d’une procédure avec négociation, la vérification des capacités des opérateurs économiques sur lesquels un candidat entend s’appuyer doit être réalisée avant l’envoi de l’invitation à la négociation.
Dans ce cadre, le candidat doit produire dans son dossier de candidature notamment des attestations formalisées de mise à disposition des capacités des entreprises tierces dont il entend se prévaloir.
Les seules indications en ce sens dans le mémoire technique ou les forts liens capitalistiques ou le partage des dirigeants ne constituent pas une preuve suffisante.
Prise en compte de l’expérience des candidats « en milieu tropical »
Dans le cadre de la passation d’un marché de conception réalisation, le règlement de la consultation exigeait que les candidats justifient de compétences dans les domaines des travaux « tous corps d’état » et de la qualité environnementale du bâti en milieu tropical, en particulier d’expériences de construction scolaire en milieu tropical.
Compte tenu de l’objet du marché, le juge des référés considère que la commune pouvait valablement se fonder sur un motif tiré de l’insuffisance des capacités professionnelles du groupement en matière de construction scolaire en milieu tropical pour rejeter sa candidature.
TA Mayotte, 26 janvier 2024, n°2304704

Par Laurent Bidault , Avocat Associé chez Novlaw Avocats , spécialisé en droit public , notamment en droit des contrats publics (marché public, concession) et en droit immobilier public (aménagement, urbanisme, construction). Il a également développé une expertise particulière en matière d’ innovation appliquée au secteur public (achat innovant, R&D, BIM).
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