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Marché Public : Revue de jurisprudence de juillet et août 2024

Retrouvez les principales décisions rendues au cours des mois de juillet et août 2024 en matière de marché public.

Le Cabinet NOVLAW Avocats (Laurent Bidault) accompagne ses clients de façon transversale en droit immobilier et en droit public

Marché public de travaux : La suppression de certains travaux ne constitue pas une résiliation partielle du marché

Par un ordre de service, le maître d’ouvrage a supprimé certains travaux initialement prévus au marché.

L’entreprise titulaire de ce marché a estimé que cette suppression constituait une « modification profonde » du contrat qui revêtit selon elle une résiliation partielle lui ouvrant alors droit à réparation.

Les premiers juges, confirmés par la Cour, ont rejeté cette interprétation relevant qu’aucune stipulation du marché ne prévoyait la possibilité d’une résiliation partielle, que l’exécution du contrat avait continué en dépit de la suppression d’une partie des travaux et que celle-ci avait pour effet une diminution du montant des travaux inférieur au seuil en deçà duquel l’indemnisation est exclue en application de l’article 16.1 du CCAG-Travaux 2009 (en l’occurrence 5% du montant contractuel pour un marché à prix forfaitaire et 20% du montant contractuel pour un marché à prix unitaire).

La demande d’indemnisation est donc rejetée.

CAA Douai, 4 juillet 2024, n° 23DA01557

Conflit d’intérêts justifiant l’annulation de la procédure

L’acheteur peut exclure de la procédure de passation d’un marché public une personne qui peut être regardée comme ayant, dans le cadre de la procédure de passation en cause (ou dans le cadre d’autres procédures récentes), entrepris d’influencer la prise de décision de l’acheteur et donc de porter atteinte à l’égalité de traitement entre les candidats (Article L. 2141-8 du Code de la commande publique).

Dans cette affaire, la personne gérante de la société attributaire d’un marché de location longue durée de véhicules avait par ailleurs accompagné la société requérante dans le dépôt de son offre dans le cadre de la même procédure, notamment en rédigeant le bordereau des prix.

Elle a donc eu accès à des informations confidentielles susceptibles de lui conférer un avantage indu lors de la procédure de rompre l’égalité entre les candidats à l’attribution du marché.

L’acheteur aurait donc dû légalement l’exclure de la procédure.

Pour ce motif notamment, la procédure dans son ensemble est annulée.

TA Pau, 9 juillet 2024, n° 2401526

Irrecevabilité d’un mémoire en réclamation non adressé au maître d’œuvre

Dans le cas d’un différend concernant le décompte général d’un marché public de travaux, en application du CCAG Travaux, le titulaire doit transmettre un mémoire en réclamation au représentant du pouvoir adjudicateur dans un délai de 45 jours à compter de la date à laquelle ce dernier lui a notifié le décompte général et en adresser une copie au maître d’œuvre dans le même délai. Le respect de ce délai s’apprécie à la date de réception du mémoire tant par le pouvoir adjudicateur que par le maître d’œuvre.

Dans cette affaire, l’entreprise requérante n’avait pas adressé copie de son mémoire en réclamation au maître d’œuvre.

Dès lors, son mémoire en réclamation est réputé pas avoir été adressé, et le décompte général est alors devenu définitif.

CAA Versailles, 11 juillet 2024, n° 23VE01151

Appréciation du caractère anormalement bas d’une offre : la méthode de la double moyenne

Cette ordonnance illustre l’appréciation du caractère anormalement bas d’une offre opérée par le juge des référés.

En l’occurrence, le juge valide la méthode de la double moyenne proposée par la société requérante et validée précédemment par la Cour administrative d’appel de Nantes (CAA Nantes, 1er décembre 2015, n°13NT03408).

Après application de cette méthode, il a été constaté que le montant de l’offre financière de l’attributaire pressentie était plus basse de 75 % par rapport à celle de la requérante et d’une valeur au moins inférieure d’un même ordre de grandeur à celle de l’offre présentée par le troisième candidat.

En outre, certaines informations publiques révélaient que l’attributaire pressentie rencontrait des difficultés financières susceptibles d’impacter la bonne exécution du marché.

Dès lors, en s’abstenant de mettre en œuvre la procédure de vérification des OAB, l’acheteur a méconnu ses obligations en matière de publicité et de mise en concurrence.

TA Montreuil, 11 juillet 2024, n° 2407500

Modification illégale du classement des offres pour un motif « politique »

Dans cette affaire, l’offre de la société requérante était arrivée en première position.

Cependant, la commission d’appel d’offres a entendu modifier sans aucune raison objective si ce n’est un motif « politique », le classement des offres et écarter l’offre de cette société.

L’acheteur a donc manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence.

TA Saint-Martin, 17 juillet 2024, n° 2400077

Marché public de travaux : Indemnisation du retard pris dans le démarrage des travaux

Pour mémoire, les difficultés rencontrées dans l’exécution d’un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l’entreprise titulaire que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l’économie du contrat, soit qu’elles sont imputables à une faute de la personne publique.

Dans cette affaire, la Cour constate que le maître d’ouvrage a mis tardivement à la disposition des entreprises les emprises des travaux et des modifications multiples des plannings, ce qui traduit une faute dans l’organisation du chantier.

Le maître d’ouvrage justifiait ce retard par la réalisation de travaux de désamiantage imprévus, mais la Cour relève qu’une telle circonstance lui est imputable.

Dès lors, l’entreprise requérante a droit à être indemnisée du préjudice qu’elle a subi en raison de ce retard : pertes de productivité des moyens affectés aux fonctions support et au chantier notamment, travaux supplémentaires.

CAA Lyon, 18 juillet 2024, n° 22LY03301

L’avis du jury ne lie pas l’acheteur

Dans cette affaire, le Conseil d’Etat rappelle que l’avis du jury de concours ne lie pas l’acheteur.

Dès lors, l’acheteur peut choisir sur un autre attributaire que celui qui a été classé premier par le jury.

Partant, le groupement désigné par le jury ne peut prétendre à obtenir une indemnisation au motif qu’il n’a pas été retenu in fine par l’acheteur.

CE, 30 juillet 2024, n°470756

Incomplétude de la candidature d’une société ne disposant pas de tous les certificats de qualification

La candidature d’une société ne disposant pas de tous les certificats de qualification exigés par l’acheteur est incomplète et doit donc être par conséquent rejetée.

Et si la société candidate entend se prévaloir des certificats de qualification dont disposent ses sous-traitants, ces derniers doivent être présentés au moment de la candidature, et non pas postérieurement à l’attribution du marché.

Le juge de référé précontractuel annule la procédure de passation à compter de l’analyse des candidatures.

TA Lille, 9 août 2024, n° 2406765

Rejet injustifié d’une offre inacceptable car supérieure à l’estimation de l’acheteur

Une offre ne peut être déclarée inacceptable sur le fondement de l’article L. 2152-3 du Code de la commande publique que s’il résulte de l’instruction qu’elle ne peut être financée par l’acheteur.

À ce titre, la seule circonstance que le montant d’une offre soit supérieur à l’estimation des services du pouvoir adjudicateur est sans incidence.

Et ce d’autant plus, si l’acheteur ne produit aucune pièce relative aux crédits budgétaires alloués au marché avant la procédure, ni même n’allègue avoir procédé à la fixation du montant de ces crédits indépendamment de l’estimation de la valeur du marché.

C’est donc à tort que l’offre en question a été rejetée car inacceptable.

TA Rennes, 9 août 2024, n° 2404137

Voir notre article sur les offres irrégulières, inacceptables ou inappropriées.

Abandon de critère valeur technique en cours de procédure

Dans cette affaire, l’acheteur a fait fi du critère valeur technique prévu dans les documents de la consultation pour attribuer les lots d’un marché à une même entreprise au motif notamment que ses offres, prises dans leur ensemble, présentaient un prix inférieur à celui proposé par la société requérante.

Le juge du référé précontractuel relève alors qu’il résulte ainsi de l’instruction que la commune a fait du prix son seul critère de choix et a abandonné, en cours de procédure, le critère de la valeur technique des offres et que compte tenu de l’importance de ce critère, ce manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence a été susceptible de léser les intérêts de la société requérante.

La procédure de passation est donc annulée au stade de l’analyse des offres.

TA Besançon, 21 août 2024, n° 2401501

Irrecevabilité de l’offre dépassant le budget prévisionnel du marché

Pour mémoire, l’article L. 2152-1 du code de la commande publique prévoit que l’acheteur écarte les offres irrégulières, inacceptables ou inappropriées et aux termes de l’article L. 2152-2 du même code, une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu’elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale.

Tel est le cas lorsque l’offre d’un candidat dépasse le budget fixé par l’acheteur.

Dans cette affaire, le règlement de la consultation et le CCAP prévoyaient que le marché portait sur une période de douze mois reconductible trois fois, avec un budget de 250 000 euros hors taxe pour chacune de ces quatre périodes, soit un total de 1 000 000 euros.

L’offre du candidat s’élevant à 425 565,84 euros pour la première période de 12 mois était donc hors budget et donc irrecevable.

TA Melun, 21 août 2024, n° 2409335

Voir notre article sur les offres irrégulières, inacceptables ou inappropriées.

La correction du DQE par l’acheteur n’est pas une modification des caractéristiques substantielles de l’offre

Dans cette affaire, le DQE de la société attributaire comportait quelques erreurs concernant les quantités présentées.

L’acheteur avait alors corrigé ces erreurs ce qui était contesté par un concurrent évincé.

Cependant, le juge des référés relève que l’erreur commise tenait uniquement aux quantités présentées, les prix unitaires, conformes à ceux renseignés au BPU, demeurant inchangés, partant l’acheteur a pu valablement en déduire que la mention des prix calculés par multiplication des quantités résultait elle-même d’une erreur purement matérielle d’une nature telle, que nul ne pourrait s’en prévaloir de bonne foi dans l’hypothèse où le candidat aurait vu son offre retenue.

En conséquence, la correction du DQE, prévue par le règlement de la consultation en cas d’erreur purement matérielle, par le pouvoir adjudicateur n’a pas eu pour effet de modifier les caractéristiques substantielles de l’offre de la société attributaire, qui était elle-même régulière, et a pu ainsi intervenir sans méconnaître le principe interdisant de modifier une offre.

TA Orléans, 27 août 2024, n° 2403196c

Désordres évolutifs et responsabilité décennale

Si dans cette affaire les désordres concernant les carrelages d’un EHPAD ne compromettent pas la solidité de l’ouvrage, l’importance de ceux-ci, leur caractère évolutif et leur potentielle généralisation à l’ensemble de l’ouvrage en question, fait qu’ils sont de nature à rendre ce dernier impropre à sa destination.

CAA Bordeaux, 28 août 2024, n°23BX02502

Éléments d’appréciation constituant des sous-critères

Pour rappel, l’information appropriée des candidats sur les critères d’attribution d’un marché public est nécessaire, dès l’engagement de la procédure d’attribution du marché, dans l’avis d’appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats.

L’acheteur doit alors porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation de ces critères.

Il en va de même pour les sous-critères dès lors que, eu égard à leur nature et à l’importance de cette pondération ou hiérarchisation, ils sont susceptibles d’exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats ainsi que sur leur sélection et doivent, en conséquence, être eux-mêmes regardés comme des critères de sélection.

Dans cette affaire, ce qui était présenté comme « de simples éléments d’appréciation lui permettant d’affiner la notation de chaque critère » par l’acheteur , révélait en réalité des sous-critères.

Partant, eu égard leur importance, l’acheteur a manqué à ses obligations en ne les portant pas à la connaissance des candidats.

TA Guadeloupe, 29 août 2024, n° 2401075

Laurent Bidault Avocat - Novlaw Avocats

Coécrit avec Nicolas Machet & Laurent Bidault, Avocat Associé chez Novlaw Avocats, spécialisé en droit public, notamment en droit des contrats publics (marché public, concession) et en droit immobilier public (aménagement, urbanisme, construction). Il a également développé une expertise particulière en matière d’innovation appliquée au secteur public (achat innovant, R&D, BIM).

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