Mise en concurrence des autorisations d’occupation domaniale

Mise en concurrence des autorisations d’occupation domaniale

Retour sur la distinction domaine public et domaine privé

Pour mémoire, le domaine des personnes publiques est constitué par l’ensemble des biens qui appartiennent aux personnes publiques ou qui sont mis à leur dispositions.

Le code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP), entré en vigueur le 1er juillet 2006, regroupe les dispositions relatives à la gestion du domaine public et du domaine privé de l’Etat, des collectivités territoriales, de leurs groupements, des établissements publics et des autres personnes publiques.

Toutefois, ce code préserve la distinction classique entre les biens qui relèvent du domaine public et les biens qui relèvent du domaine privé des personnes publiques.

Ainsi, rappelons que le domaine public se définit selon plusieurs critères : le critère permanent qui est que le bien doit appartenir à une personne publique puis de façon alternative le bien doit être affecté soit à l’usage du public soit à un service public.

Le domaine privé se définit lui de façon négative, par opposition à cette définition. En effet, un bien fait partie du domaine privé d’une personne publique dès lors qu’il ne relève pas du domaine public.

À la fois pour ce qui est du domaine public et du domaine privé, la nature du bien peut aussi être définie par la loi.

Une telle distinction à son importance puisque le régime d’autorisation d’occupation, en particulier si cette autorisation a pour finalité l’exercice d’une activité économique, va diverger selon que le bien en cause relève du domaine public ou du domaine privé.

Le principe de mise en concurrence des autorisations d’occupation sur le domaine public pour l’exploitation d’une activité économique

En application de l’article 12 de la Directive 200/123/CE du 12 décembre 2006, dite « Directive Services » (et de la jurisprudence de la CJUE (CJUE, 14 juillet 2016, Prominpresa, C5658/1) et de l’article L. 2122-1-1 du CGPPP), la délivrance de certains titres d’occupation du domaine public, qui ont pour objet l’exercice d’une activité économique, implique des obligations de publicité et de mise en concurrence préalables.

En effet, un titre d’occupation, autorise son titulaire à occuper ou à utiliser le domaine public en vue d’une « exploitation économique » et doit être attribué à l’issue d’une procédure de sélection préalable présentant toutes les garanties d’impartialité et de transparence et comportant des mesures de publicité qui permettent aux candidats potentiels de se manifester (Voir également notre article Mise en concurrence des autorisations d’occupation du domaine public).

C’est encore plus vrai lorsque l’autorisation d’occupation s’inscrit dans le cadre de l’exécution d’un marché public ou d’un contrat de concession.

Extension de l’obligation de mise en concurrence des autorisations sur le domaine public

La directive Services susvisée va au-delà de la stricte activité économique puisqu’aux termes de son article 12, elle prévoit que lorsque le nombre d’autorisations disponibles pour une activité donnée est limité en raison de la rareté des ressources naturelles ou des capacités techniques utilisables, il appartient à l’État membre d’applique une procédure de sélection entre les candidats potentiels qui prévoit toutes les garanties d’impartialité et de transparence, notamment la publicité adéquate de l’ouverture de la procédure, de son déroulement et de sa clôture (et ce indépendamment que le bien soit situé sur le domaine public ou le domaine privé, le droit européen ne faisant pas cette distinction).

Le Conseil d’Etat dans la décision rendue le 2 décembre 2022, apporte justement des précisions quant à cette obligation concernant les biens qui relève du domaine public.

En effet, dans la décision du Conseil d’Etat, Société Paris tennis, n° 455033 le Sénat s’est vu attribuer une convention d’occupation du domaine public pour l’occupation de six courts de tennis dans le Jardin du Luxembourg avant l’entrée en vigueur de l’article L. 2122-1-1 et des exigences de transparence en droit interne qui en découlent.

Le Conseil d’Etat décide que l’autorisation d’occupation des courts de tennis du Jardin du Luxembourg, qui appartiennent au domaine public, même si cette autorisation a été délivrée avant l’entrée en vigueur de l’article L. 2122-1-1 du CGPPP, devait faire l’objet d’une procédure de mise en concurrence impartiale et transparence.

En effet, le Conseil d’État observe que cette autorisation permet à un tiers d’exploiter une activité de service au sens de la Directive Services.

En outre, le titre d’occupation en cause, qui constitue un acte formel relatif à l’accès à une activité de service ou à son exercice, délivré à la suite d’une démarche auprès du Sénat, constitue donc une autorisation au sens de la même directive.

À cela s’ajoute que les biens, qui en font l’objet de l’autorisation, en l’occurrence les courts de tennis,compte tenu de leur localisation, de la faible disponibilité des installations comparables à Paris, en particulier au centre de cette ville, ainsi que de leur notoriété, sont faiblement substituables pour un prestataire offrant un service de location de courts de tennis et d’enseignement de ce sport dans la région parisienne.

Autrement dit, les courts de tennis constituent une ressource rare au sens de la Directive.

Par voie de conséquence, le contrat autorisant l’occupation d’une partie des dépendances domaniales du Sénat pour y exploiter six courts de tennis entrait donc dans ce cadre et aurait alors du faire l’objet d’une procédure de sélection préalable comportant toutes les garanties d’impartialité et de transparence.

 

Ce principe est-il applicable au domaine privé ?

Le Conseil d’Etat par une autre décision du même jour, Commune de Biarritz, n°460100, semble répondre par la négative.

En l’espèce, la Commune de Biarritz avait conclu un bail emphytéotique administratif (BEA) avec une société d’économie mixte afin de lui permettre d’exploiter l’Hôtel du Palais situé sur le bord de la Grande plage de la Commune.

Le Conseil d’Etat considère que ce BEA pour l’exploitation de l’Hôtel du Palais, appartenant au domaine privé de la Commune de Biarritz, n’est pas soumis aux obligations qui découlent de l’article 12 de la Directive Services.

En effet, ces obligations ne trouvent pas à s’appliquer s’agissant des biens appartenant au domaine privé des personnes publiques.

Ainsi, le Conseil d’Etat a validé le raisonnement de la Cour administrative d’appel de Bordeaux (CAA Bordeaux, 2 novembre 2021, 19BX03590).

D’une part, le Conseil d’Etat confirme que le BEA ne constitue pas en l’espèce « une autorisation pour l’accès à une activité de service ou à son exercice au sens du 6) de l’article 4 de cette même directive ».

En ce sens, la Cour administrative d’appel de Bordeaux avait considéré que l’obligation de mise en concurrence ne s’applique pas à un BEA pour l’exploitation du domaine privé qui « ne porte que sur une opération purement patrimoniale et non une activité économique ».

D’autre part, le Conseil d’Etat considère que l’article 49 du Traité Fondamental de l’UE (TFUE) ne trouve pas à s’appliquer à un BEA dès lors qu’il ne porte aucune atteinte à la liberté d’établissement sur le territoire de la commune.

En d’autres termes, la Commune se comporte comme un propriétaire privé et non pas comme une administration qui délivrerait une autorisation en vue d’exploiter une activité économique.

Conclusion

Ces deux décisions du Conseil d’Etat rappellent la frontière entre le domaine public et le domaine privé des personnes publiques et les exigences de mise en concurrence éventuelles s’appliquant aux autorisations délivrées sur le domaine, notamment au regard du droit européen.

À cet égard, bien que le droit européen ne fasse pas de distinction entre le domaine public et le domaine privé, le Conseil d’État considère qu’une autorisation domaniale qui entre dans le cadre de la directive Services doit faire l’objet d’une procédure de publicité et de mise en concurrence, certes plus légère que si l’autorisation avait pour objet l’exercice d’une activité économique ou s’inscrivait dans le cadre d’un contrat de la commande publique.

Mise en concurrence des autorisations d’occupation domaniale

Article rédigé par Laurent Bidault et Juliane Gaury

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