Les conséquences d’une demande illégale de pièces complémentaires
Au-delà de l’interruption, ou non, du délai d’instruction, le caractère illégal d’une demande de pièces complémentaires a donné lieu à une certaine valse jurisprudentielle ces dernières années quant à la question de savoir si une autorisation tacite pouvait naître ou non.
En effet, le Conseil d’État considérait initialement qu’une demande illégale de pièces complémentaires ne rendait pas le pétitionnaire titulaire d’une autorisation tacite à l’issue du délai d’instruction (CE, 9 décembre 2015, n° 390273).
Dans certains cas, il pouvait s’avérer long et difficile pour le pétitionnaire de surmonter une telle demande puisque, s’il ne produisait pas les pièces sollicitées, il se retrouvait avec un refus tacite qu’il lui fallait contester devant le Tribunal administratif.
Sinon, il pouvait contester le courrier de demande de pièces complémentaires, dont l’annulation ne le rendait toutefois pas titulaire d’une autorisation… (CE, 8 avril 2015, n° 365804).
Las que des projets puissent illégalement se retrouver paralysés, le Conseil d’État a décidé en décembre 2022 (CE, 9 décembre 2022, n° 454521, Commune de Saint-Herblain) de revenir sur la jurisprudence de décembre 2015 en posant que, désormais :
« Le délai d’instruction n’est ni interrompu, ni modifié par une demande, illégale, tendant à compléter le dossier par une pièce qui n’est pas exigée en application du livre IV de la partie réglementaire du code de l’urbanisme. Dans ce cas, une décision de non-opposition à déclaration préalable ou un permis tacite naît à l’expiration du délai d’instruction, sans qu’une telle demande puisse y faire obstacle. »
Ainsi, non seulement une demande illégale de pièces complémentaires n’interrompt pas le délai d’instruction, mais elle ne fait désormais plus obstacle à ce que le pétitionnaire soit titulaire d’une autorisation tacite au terme de ce délai, et en l’absence de décision expresse de l’autorité instructrice !
Dans la décision ici commentée, le Conseil d’État est venu affiner, et par la même occasion restreindre, la portée de sa décision Commune de Saint-Herblain.
Dans cette affaire, le maire de la Commune de Contes avait sollicité du pétitionnaire qu’il produise, d’une part, la superficie exacte de ses parcelles situées en zone UD et, d’autre part, la copie de la lettre du préfet relative au défrichement de ses parcelles.
Pour la Haute Juridiction, « si la demande relative à la superficie exacte située en zone UD des parcelles ne porte pas sur une des pièces mentionnées au livre IV de la partie réglementaire du code de l’urbanisme, la lettre du préfet relative au défrichement des parcelles du pétitionnaire est mentionnée à l’article R. 431-19 du code de l’urbanisme et fait ainsi partie des pièces qui peuvent être exigées en application du livre IV de la partie réglementaire de ce code ».
Il en déduit que « la demande relative à cette lettre faisait donc obstacle en l’espèce à la naissance d’un permis tacite à l’expiration du délai d’instruction et à ce que la décision de refus de permis de construire en litige soit regardée comme procédant illégalement au retrait d’un tel permis tacite. ».
Autrement dit, lorsque la demande de pièces complémentaires porte sur au moins une pièce prévue par le code de l’urbanisme, le délai d’instruction est valablement interrompu et aucune autorisation tacite ne peut naître en application de la jurisprudence Commune de Saint-Herblain.
La jurisprudence Commune de Saint-Herblain se trouve donc désormais réduite à la seule hypothèse où la demande de pièces complémentaires porte intégralement sur des pièces qui ne figurent pas parmi celles susceptibles d’être exigées en application du code de l’urbanisme.
Tout pétitionnaire confronté à une demande de pièces complémentaires devra donc se livrer à une analyse précise des pièces qui lui sont demandées pour déterminer dans quelle configuration il se situe et quels sont ses droits.