Recours du tiers contre le refus de résilier un contrat administratif

Recours du tiers contre le refus de résilier un contrat administratif

Pendant un temps, il n’était pas possible pour un tiers de contester directement un contrat administratif au stade de son exécution. Il pouvait seulement contester les actes détachables par la voie de l’excès de pouvoir.

Jusqu’aux décisions Société Tropic Travaux Signalisation (CE, 16 juillet 2007, n° 291545) et Département du Tarn-et-Garonne (CE, 4 avril 2014, n° 358994), il ne leur était même pas possible de contester directement la validité d’un contrat administratif.

Dans une logique d’ouverture du contentieux des contrats administratifs, le Conseil d’État a ouvert en 2017 la possibilité pour un tiers de contester un contrat administratif au stade de son exécution, par la voie d’un recours de plein contentieux contre le refus de résilier ce contrat (CE, 30 juin 2017, n° 398445, Syndicat mixte de promotion de l’activité transmanche).

Cette nouvelle voie de recours offre au juge administratif le pouvoir d’ordonner à l’administration de résilier le contrat.

Le présent article est l’occasion de revenir sur les conditions d’exercice de ce recours.

Comment exercer l’action ?

Tout d’abord, il faut rappeler qu’un recours en contestation de validité d’un contrat administratif (marché public, concession) ne peut être exercé que dans un délai de 2 mois à compter de l’accomplissement des mesures de publicité appropriées par la personne publique cocontractante.

Passé ce délai, l’action est irrecevable.

Toutefois, le tiers qui a tardé à agir ne se trouve pas complètement dépourvu de moyen d’action puisqu’il peut demander à la personne publique la résiliation de ce contrat administratif.

Cette demande peut être adressée à tout moment, tant que le contrat est en cours d’exécution.

En cas de refus, tacite ou exprès, ce même tiers dispose alors de la possibilité de contester ce refus devant le Tribunal administratif compétent dans les 2 mois qui suivent la notification de ce refus.

Comme il sera vu après, les moyens susceptibles d’être invoquées à cette occasion sont en revanche strictement circonscrits.

De ce point de vue, les chances de succès d’un recours en contestation de validité du contrat s’avèrent plus importantes.

Il est donc préférable, lorsque cela est possible, de privilégier cette voie.

Voir notre article sur le sujet : Recours Tarn-et-Garonne en contestation de la validité du contrat

Qui peut agir ?

Comme en matière de contestation de la validité d’un contrat, il existe des requérants privilégiés et des non-privilégiés.

Les tiers non-privilégiés qui sollicitent l’annulation du refus de résilier ce contrat doivent démontrer être lésés dans leurs intérêts de façon suffisamment directe et certaine par ce refus.

Il pourra s’agir d’un concurrent du cocontractant ou d’un contribuable local par exemple, à condition qu’il justifie d’un intérêt suffisamment et directement lésé.

À cet égard, le Conseil d’État est assez strict puisqu’il considère que ni la qualité d’ancien attributaire, ni la qualité de candidat en vue d’une future attribution du contrat ne suffisent à établir un intérêt suffisamment lésé (CE, 24 octobre 2023, n° 470101).

Le recours est également ouvert, s’agissant d’un contrat conclu par une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales, aux membres de l’organe délibérant de cette collectivité ou de ce groupement ainsi qu’au représentant de l’État dans le département (préfet).

Ces requérants sont des tiers privilégiés, qui n’ont pas à effectuer la démonstration d’un intérêt lésé de façon suffisamment directe et certaine pour exercer ce recours.

Quels arguments peuvent être invoqués ?

À la différence du recours en contestation de validité d’un contrat administratif, où tout moyen peut être soulevé à condition qu’il soit en rapport avec l’intérêt lésé invoqué par le requérant, le Conseil d’État a très strictement défini la liste des moyens (arguments) invocables dans le cadre d’un recours contre le refus de résilier un contrat administratif.

Plus précisément, trois types d’arguments peuvent être développés dans le cadre de ce recours :

  • L’existence de dispositions législatives applicables aux contrats au cours qui oblige l’administration cocontractante à mettre fin à l’exécution du contrat (assez rare compte tenu du principe selon lequel la loi nouvelle ne s’applique pas aux contrats en cours) ;
  • L’existence d’irrégularités qui entachent le contrat, qui sont de nature à faire obstacle à la poursuite de son exécution et que le juge devrait relever d’office ;
  • Le fait que la poursuite de l’exécution du contrat est manifestement contraire à l’intérêt général (ce qui peut inclure l’inexécution d’obligations contractuelles qui, par leur gravité, compromettent manifestement l’intérêt général).

Par ailleurs, lorsqu’ils sont invoqués, ces arguments doivent être en rapport direct avec l’intérêt lésé dont se prévaut le requérant.

Quels sont les pouvoirs du juge ?

Si les arguments invoqués sont fondés, le juge peut ordonner à l’administration cocontractante qu’elle mette fin à l’exécution du contrat, le cas échéant avec un effet différé notamment lorsqu’une résiliation immédiate mettrait en péril la continuité du service public.

Toutefois, avant de prononcer une telle mesure, le juge a l’obligation de vérifier qu’une résiliation ne porterait pas une atteinte excessive à l’intérêt général au regard des moyens soulevés par les requérants.

Ce n’est donc que dans l’hypothèse où l’atteinte à l’intérêt général ne serait pas excessive que le juge peut ordonner à l’administration cocontractante de résilier le contrat.

Laurent Bidault Avocat - Novlaw Avocats

Par Laurent Bidault, Avocat Associé chez Novlaw Avocats, spécialisé en droit public, notamment en droit des contrats publics (marché public, concession) et en droit immobilier public (aménagement, urbanisme, construction). Il a également développé une expertise particulière en matière d’innovation appliquée au secteur public (achat innovant, R&D, BIM).

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