résiliation de marché public pour faute aux torts exclusifs

Marché public : Résiliation pour faute aux torts exclusifs du titulaire et rémunération des prestations réalisées

La résiliation du contrat ne fait pas perdre à son titulaire son droit contractuel au paiement des prestations qu’il a exécutées avant cette résiliation, et cela même si cette résiliation a été prononcée à ses torts exclusifs.

CE, 25 février 2025, n° 490616, Société ERGC

Contexte de l’affaire

La Commune de La Croix-Valmer a attribué, le 20 mars 2018, un marché à un groupement d’entreprises solidaire, dont la société Entreprise Rénovation et Génie Civil (ERGC) était mandataire.

Ce marché portait sur la conception et la réalisation d’un parc de stationnement aérien.

Cependant, des problèmes sont rapidement apparus. ERGC, chargée d’établir un calendrier prévisionnel pour l’achèvement des travaux en septembre 2019, a tardé à fournir ce calendrier. Lorsqu’elle l’a finalement fait, le calendrier proposé ne respectait pas les stipulations contractuelles, car il manquait des dates précises pour les différentes étapes des travaux.

Face à cette situation, la Commune a mis en demeure ERGC de respecter ses obligations. Cependant, ERGC a conditionné la validation du calendrier à l’approbation par la Commune d’une nouvelle décomposition du prix global et forfaitaire du marché, augmentée de 64,1 % pour tenir compte de problématiques non anticipables. Cette tentative de pression a conduit la Commune à résilier le marché public pour faute aux torts exclusifs d’ERGC le 21 mars 2019.

Procédures devant les juges du fond

Suite à la résiliation, ERGC a saisi le Tribunal administratif de Toulon pour obtenir le paiement de 82 494 euros, correspondant aux prestations réalisées avant la résiliation.

Le Tribunal a validé la décision de résiliation mais a accordé à ERGC le paiement demandé.

La Commune de La Croix-Valmer a contesté cette décision, invoquant des préjudices liés aux retards et manquements d’ERGC.

La Cour administrative de Marseille a ensuite annulé le jugement du Tribunal administratif de Toulon.

Elle a estimé que les prestations exécutées par ERGC étaient devenues inutiles en raison de la résiliation pour faute, et qu’ERGC ne devait donc pas être rémunérée pour ces prestations. De plus, la Cour a reconnu la responsabilité contractuelle d’ERGC et l’a condamnée à indemniser la Commune pour les préjudices subis.

Décision du Conseil d’État

ERGC a porté l’affaire devant le Conseil d’État en cassation.

Le 5 juin 2024, le Conseil d’État a partiellement admis le pourvoi, se concentrant sur la question du droit à rémunération pour les prestations réalisées avant la résiliation.

Le Conseil d’État a jugé que la résiliation du contrat ne faisait pas perdre à ERGC son droit contractuel au paiement des prestations exécutées avant cette résiliation, même si celles-ci étaient rendues inutiles par sa faute.

Le Conseil d’État a rejeté le critère d’utilité des prestations, utilisé par la Cour administrative de Marseille pour refuser la rémunération. Selon le Conseil d’État, le titulaire du contrat a droit au paiement des prestations réalisées avant la résiliation, indépendamment de leur utilité. La responsabilité contractuelle du titulaire peut toujours être recherchée pour obtenir réparation des préjudices causés par sa faute, mais cela ne doit pas affecter son droit à rémunération pour les prestations déjà exécutées.

Implications de la décision

La décision du Conseil d’État a des implications importantes pour les contrats publics.

Elle clarifie que la résiliation pour faute aux torts exclusifs ne prive pas automatiquement le titulaire du contrat de son droit à rémunération pour les prestations réalisées avant la résiliation.

Cette position renforce la sécurité juridique des cocontractants de l’administration, en leur garantissant le paiement des prestations exécutées, même en cas de résiliation pour faute.

En outre, le Conseil d’État a souligné que l’administration peut toujours rechercher la responsabilité contractuelle du titulaire pour obtenir réparation des préjudices causés par sa faute. Cela inclut la possibilité de réclamer des indemnités pour les retards et les manquements, ainsi que pour les dépenses supplémentaires engagées en raison de la faute du titulaire.

Conclusion

La décision du Conseil d’État dans cette affaire réaffirme le principe selon lequel la résiliation d’un contrat pour faute aux torts exclusifs ne doit pas priver le titulaire de son droit à rémunération pour les prestations exécutées avant la résiliation.

Ce principe est essentiel pour maintenir l’équilibre contractuel et garantir que les cocontractants de l’administration puissent obtenir le paiement des prestations réalisées, même en cas de résiliation pour faute.

En conclusion, cette affaire illustre l’importance de la clarté et de la précision dans les stipulations contractuelles, ainsi que la nécessité pour les parties de respecter leurs obligations contractuelles.

Elle rappelle également que, même en cas de résiliation pour faute, le droit à rémunération des prestations exécutées avant la résiliation doit être respecté, tout en permettant à l’administration de rechercher la responsabilité contractuelle du titulaire pour obtenir réparation des préjudices subis.

Laurent Bidault Avocat - Novlaw Avocats

Coécrit avec Nicolas Machet & Laurent Bidault, Avocat Associé chez Novlaw Avocats, spécialisé en droit public, notamment en droit des contrats publics (marché public, concession) et en droit immobilier public (aménagement, urbanisme, construction). Il a également développé une expertise particulière en matière d’innovation appliquée au secteur public (achat innovant, R&D, BIM).

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