Baptiste Robelin, avocat spécialisé en bail commercial et en cession de fonds de commerce, commente l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Grenoble, ch. com., 9 janv. 2020, n°17/04963

Pour la Cour d’appel, il existe un droit direct entre le sous-locataire et le bailleur pour l’application du statut de baux commerciaux, malgré le fait que le locataire principal ait perdu cette qualité.

Dans son arrêt du 19 janvier 2020, la Cour d’appel de Grenoble affirme que même si le locataire principal perd son bail commercial, son sous-locataire dispose d’un droit direct à l’application du statut des baux commerciaux dès lors la sous-location est régulière.

D’après les faits, une société titulaire d’un bail commercial, a sous-loué un partie de ses locaux à travers un bail dérogatoire du 1er décembre 2010 au 30 septembre 2011, puis plusieurs autres, dont le dernier débutait le 1er décembre 2013 et prenait fin le 30 Novembre 2014. Le 20 Novembre 2014, le sous-locataire a assigné le locataire principal en sollicitant la requalification des baux dérogatoires en bail commercial. Au cours de l’instance, le locataire principal est déclaré en liquidation judiciaire le 24 novembre 2017. Le bailleur demande alors l’expulsion du sous-locataire.

Le 1er septembre 2017, le tribunal a rejeté la demande d’expulsion du locataire aux motifs que ce dernier bénéficiait depuis le 1er décembre 2014 d’un bail commercial et que les dispositions des articles L145-1 et suivants du Code de commerce doivent lui être appliquées.

Le bailleur fait alors appel de cette décision en estimant que le sous-locataire ne pouvait pas revendiquer des droits, à partir du moment où le locataire principal ne l’est plus et que par conséquent; il occupait les locaux sans droit ni titre.

Saisie du litige, la Cour d’appel de Grenoble rappelle tout d’abord que l’ouverture d’une procédure collective à l’endroit du locataire principal n’affecte pas l’exécution des contrats en cours de sorte que ni le bail principal, ni la sous-location ne soient affectés par la liquidation judiciaire entreprise à l’égard du locataire principale. La Cour d’appel accueille alors la demande du sous-locataire sur la requalification des baux dérogatoires en bail commercial, et rejette celle du bailleur aux motifs que le sous-locataire bénéficie d’un droit direct à l’application du statut des baux commerciaux et que par conséquent, il ne peut être expulsé.

  • A retenir : le sous-locataire dispose d’un droit direct à l’application des dispositions du statut des baux commerciaux à l’égard du bailleur, malgré le fait que la société, dont il tire ses droits, ne soit plus locataire principal.

Pour rendre son verdict, la cour d’appel a estimé qu’il fallait tout d’abord rechercher si le locataire pouvait valablement prétendre au bénéfice de la propriété commerciale. Pour répondre à cette question, elle relève que le contrat de sous-location signé entre le sous-locataire et le locataire principal était régulier, car ce dernier a été expressément autorisé par le propriétaire du bail. La régularité de la sous-location étant acquise, le sous-locataire pouvait donc disposer d’un droit direct envers le propriétaire à l’expiration du bail principal ou en cas d’insuffisance des droits que le locataire principal tient lui-même du bailleur.

En l’espèce, le locataire principal a connu une liquidation judiciaire dont le jugement a ordonné une cession des éléments du fonds de commerce à l’exclusion du bail commercial. Le locataire principal étant désormais dans l’incapacité de recevoir les demandes du sous-locataire sur le bénéfice du statut des baux commerciaux, le sous-locataire ne peut que se tourner vers le bailleur pour faire valoir ses droits.

Pour cette raison, la Cour d’appel confirme la décision du tribunal en reconnaissant également qu’il existe un bail commercial et qu’en vertu de cela, le bailleur ne pourra pas exclure le sous-locataire, car son contrat de bail est en cours d’exécution. Pour y mettre fin, le bailleur est dans l’obligation de respecter toutes les conditions de résiliation des baux commerciaux notamment celles relatives à la période triennale et au congé, dont la signification doit être faite au locataire 6 mois avant la fin du bail.

En définitive, dans son arrêt du 9 janvier 2020, la Cour d’appel de Grenoble a eu le mérite de reconnaître au sous-locataire un droit direct à l’application du statut des baux commerciaux à l’égard du bailleur, afin de lui éviter de se retrouver dans une situation de précarité dès lors que le locataire principal perd cette qualité. En effet, le contrat de sous-location aurait pu être rompu dès la liquidation du locataire principal puisqu’il était le cocontractant du sous-locataire. Mais une telle pratique aurait  eu pour effet de faire perdre au sous-locataire son bail commercial, ce qui pourrait mettre en péril son activité commerciale.

Pour éviter cela, il était logique d’accorder au locataire un droit direct à l’application du statut des baux commerciaux à l’égard du bailleur puisque c’est de ce dernier que le locataire principal détient les droits qu’il cède au sous-locataire. Toutefois, la Cour d’appel rappelle que la reconnaissance de ce droit est conditionnée à la régularité du contrat de sous-location qui nécessite un accord préalable du bailleur.

Actu bail commercial : droit direct sous-locataire/bailleur