L’une des nouveautés importantes des nouveaux cahiers des clauses administratives générales est assurément la prise en compte des enjeux liés au numérique (RGPD, sécurité des données) et à la dématérialisation (dématérialisation des échanges, des ordres de service, facturation électronique), dans le droit des marchés publics.

Tel est en particulier le cas du processus de Building Information Modeling (« BIM »), désormais intégré, pour la première fois, dans le droit des marchés publics, via les CCAG applicables aux marchés publics de travaux et aux marchés publics de maîtrise d’œuvre.

BIM – Définition

Le BIM – dénué de définition juridique « officielle » – peut se définir comme l’utilisation d’une représentation numérique partagée d’un actif bâti pour faciliter les processus de conception, de construction et d’exploitation et former une base fiable permettant les prises de décision.

Ce n’est pas un outil numérique ou une application spécifique, mais avant tout un processus collaboratif dans le cadre duquel les intervenants à une opération de réalisation d’un ouvrage (MOA, AMO, MOE, entreprises de travaux, bureaux de contrôle) de concevoir et réaliser, voire ensuite gérer et exploiter, ledit ouvrage, autour d’une maquette numérique.

On rappellera succinctement les avantages du recours à un tel processus : représentation de l’opération via une maquette numérique, collaboration accrue entre les intervenants, meilleure gestion du chantier (visualisation et identification des intervenants et des interventions de chacun, dématérialisation des échanges), accessibilité immédiate des données relatives à l’ouvrage, in fine optimisation des coûts…

Le BIM dans le CCAG-Travaux 2021 et CCAG-Maîtrise d’œuvre

Depuis l’entrée en vigueur des CCAG, le processus BIM, à défaut d’avoir une définition expresse dans le droit de la commande publique, est désormais expressément intégré dans celui-ci.

Ainsi, le CCAG-Travaux et le CCAG-Maîtrise d’œuvre définissent le BIM comme une « méthode de travail basée sur la collaboration autour d’une maquette numérique ».

Bien que cette définition figure en commentaires, il s’agit ici de la première définition du BIM apportée en matière de droit de la commande publique, le code se contentant de faire mention « d’outils de modélisation électroniques des données du bâtiment » (Article R. 2132-10 du Code de la commande publique), c’est-à-dire à la maquette numérique elle-même.

Le CCAG – toujours en commentaires – complète cette définition en précisant que, dans le cadre d’un processus BIM, « chaque acteur de la construction crée, renseigne et utilise cette maquette, et en tire les informations dont il a besoin pour son métier » et, « en retour, il alimente la maquette de nouvelles informations pour aboutir au final à un objet virtuel renseigné, représentatif de la construction, de ses caractéristiques géométriques et des propriétés de comportement ».

Tant la dimension collaborative que la dimension collaborative du processus BIM transparaissent donc clairement de cette définition.

Cahier des charges BIM et convention BIM

Le cahier des charges BIM et la convention BIM sont eux expressément définis aux termes des CCAG Travaux et Maîtrise d’œuvre et surtout sont, le cas échéant, des pièces contractuelles à part entière du marché.

Selon les CCAG Travaux et Maîtrise d’œuvre, le cahier des charges BIM précise les exigences et les objectifs des intervenants successifs à un projet.

Le cahier des charges BIM constitue le volet BIM du programme du maître d’ouvrage. En effet, concomitamment à l’élaboration du programme de son opération, le maître d’ouvrage définira les exigences et les objectifs des intervenants successifs du projet, les contraintes liées au projet, la structuration des données, le niveau de BIM utilisé dans le cadre de l’opération.

La convention BIM (ou protocole BIM) se définit comme étant le document qui décrit « les méthodes organisationnelles, de représentation graphique, la gestion et le transfert des données du projet, ainsi que les processus, les modèles, les utilisations, le rôle de chaque intervenant et l’environnement collaboratif du BIM ».

Ainsi, la convention précisera le rôle de chacun des intervenants et les conditions et modalités techniques notamment, de leur collaboration.

Tenant compte de la dimension collaborative du processus BIM, l’article 2 des CCAG précise qu’«  à chaque étape du cycle de vie du projet, la convention évolue et s’adapte aux nouveaux acteurs, à des usages nouveaux ou à des nécessités du projet ».

Hiérarchie contractuelle : Quelles places pour le cahier des charges BIM et la convention BIM ?

Dans l’ordre de priorité des pièces contractuelles, le cahier des charges BIM et la convention BIM viennent s’insérer aux dernières positions, après l’offre technique et financière du titulaire du marché (Article 4 du CCAG Travaux), étant précisé que les parties demeurent libres de fixer l’ordre de priorité des pièces du marché.

En revanche, s’agissant du CCAG MOE, le cahier des charges BIM (sauf dérogation expresse des parties) a une importance supérieure, particulièrement aux stipulations du CCAG Travaux régissant le rôle du maître d’œuvre dans le cadre de l’exécution des marchés de travaux, à l’offre technique du maître d’œuvre voire encore à la convention BIM.

Au contraire, dans le CCAG Travaux, le cahier des charges BIM est situé après l’offre technique du titulaire du marché, en bas de la hiérarchie des pièces contractuelles.

Cette différence s’explique alors par l’importance évidente de la démarche BIM en phase de conception de l’ouvrage. En effet, l’utilisation du processus BIM, lors de la construction, induit nécessairement que l’opération a été conçue, ou a minima, ait été modélisée numériquement.

C’est donc sur la base de la maquette numérique développée en phase de conception que s’effectuera la collaboration entre les intervenants en phase construction (MOE, constructeurs, contrôleur technique…).

Les autres stipulations des CCAG en faveur de la démarche BIM

de façon non-exhaustive, on peut mettre en avant plusieurs stipulations des CCAG qui vont dans le sens de la démarche/processus BIM.

Ainsi, la prise en compte du processus BIM se traduit également en phase d’exécution/de construction puisque le CCAG Travaux prévoit, notamment, que le registre de chantier peut prendre la forme d’une plateforme numérique commune, administrée par le maître d’ouvrage ou le maître d’œuvre, sur laquelle chaque acteur du chantier dépose les documents qu’il émet (Article 29.5 du CCAG Travaux).

Dans ce cadre, les documents particuliers du marché devront préciser les modalités de mise en œuvre et d’utilisation de cette plateforme.

De même, en fin d’exécution, le CCAG Travaux prévoit que les éléments du dossier des ouvrages exécutés (DOE) et les documents nécessaires à l’établissement du dossier d’intervention ultérieure sur l’ouvrage (DIUO) sont remis sous un format numérique conforme au format et aux caractéristiques définis par les documents particuliers du marché, c’est-à-dire le cas échéant dans le cadre de la maquette numérique BIM (Article 41 du CCAG Travaux).

Ces stipulations sont parfaitement utiles dans un contexte où la démarche BIM en phase de gestion – exploitation – maintenance (GEM) des ouvrages se généralise.

Laurent Bidault Avocat - Novlaw Avocats

Par Laurent Bidault, Avocat Associé chez Novlaw Avocats, spécialisé en droit public, notamment en droit des contrats publics (marché public, concession) et en droit immobilier public (aménagement, urbanisme, construction). Il a également développé une expertise particulière en matière d’innovation appliquée au secteur public (achat innovant, R&D, BIM).

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