censure loi immigration

Censure du Conseil constitutionnel : la loi sur l’immigration amputée de ses mesures les plus restrictives

En décembre 2023, la France avait adopté une nouvelle loi ayant pour objectif de contrôle l’immigration et d’améliorer l’intégration. Par une décision n° 2023-853 DC du 25 janvier 2024, le Conseil constitutionnel a très largement censuré cette loi, issue d’une commission mixte paritaire, très éloignée de la première version de la loi. Le cabinet NOVLAW Avocats et son associé Bruno GUILLIER, en charge des questions d’immigration, font le point sur ce qu’il faut retenir de cette décision du Conseil constitutionnel.

1. La censure totale ou partielle de 40 % de la loi soumise au Conseil constitutionnel

Initialement constitué de 86 articles, le projet de loi issu de la commission mixte paritaire a fait l’objet d’une évaluation minutieuse par le Conseil constitutionnel, qui a finalement
censuré 32 articles en les qualifiant de cavaliers législatifs.

Le Conseil a fait ici une application rigoureuse et assez classique de l’article 45 de la Constitution, qui stipule que tout amendement doit avoir un lien, même indirect, avec le texte
original. Les 32 articles censurés ont été jugés contraires à cette règle de procédure.

Parmi les articles censurés figurent notamment ceux modifiant les conditions du regroupement familial, les conditions de séjour pour motifs familiaux, de santé, ou d’études, ainsi que les règles relatives aux frais d’inscription des étudiants étrangers et l’exclusion des étrangers en situation irrégulière de certaines aides. D’autres modifications concernent les
droits au logement et les conditions d’hébergement d’urgence ont aussi été censurées.

Ainsi toutes ces dispositions sont retirées de la loi immigration et n’auront pas vocation à s’appliquer. N’entrerons donc pas en application les mesures suivantes :

  • les articles 6 et 8 modifiant les conditions de remise d’un titre de séjour pour motiffamilial à l’étranger ayant un lien avec un français ou le titulaire de la carte derésident ;
  • les articles 9 et 10 modifiant les conditions de délivrance d’un titre de séjour aux étrangers malades ;
  • les articles 11, 12 et 13 qui modifiaient les conditios de délivrances des titres étudiants et qui imposaient des frais supplémentaires aux étudiants étrangers ;
  • l’article 15 excluant les étrangers en situation irrégulière du bénéfice de la réduction tarifaire accordée en ÎledeFrance sur les pass NAVIGO ;
  • l’article 16 créant un nouveau visa de long séjour délivré de plein droit aux ressortissants britanniques propriétaires d’une résidence secondaire en France ;
  • l’article 17 sanctionnant notamment d’une peine d’amende délictuelle le séjour irrégulier d’un étranger majeur ;
  • l’article 19 soumettant le bénéfice de droits et prestations sociales à une présence régulière en France d’une durée d’au moins cinq ans ou d’affiliation au titre d’une activité professionnelle depuis au moins trente mois ;
  • les articles 24, 25, 26 et 81 réformant les règles du Code civil concernant le droit de la nationalité et l’acquisition de la nationalité française ;
  • les paragraphes III et IV de l’article 47 prévoyant que l’aide internationale au développement doit prendre en compte le degré de coopération des États en matière de lutte contre l’immigration irrégulière ;
  • l’article 67 modifiant les conditions d’hébergement d’urgence de certaines catégories de personnes sans abri ou en détresse.

L’autre aspect notable de cette décision du Conseil constitutionnel sur la loi immigration de 2023, c’est la censure partielle de l’article 1er, qui prévoyait un débat annuel au Parlement
sur la politique d’immigration française, ainsi que la détermination par le Parlement, sur les trois années à venir, du nombre d’étrangers admis à s’installer en France. Le Conseil a jugé
que cette disposition ne respectait pas les exigences constitutionnelles, notamment en ce qui concerne l’organisation des débats au Parlement prévue par l’article 48 de la Constitution qui prévoir que le législateur ne peut pas imposer au Parlement l’organisation d’un débat en séance publique notamment. Cela contrevient aux prérogatives que le Gouvernement ou l’Assemblée nationale ou le Sénat ont en ce qui concerne la fixation de l’ordre du jour.

L’article 38 de la loi immigration, autorisant le relevé des empreintes digitales et la prise de photographie d’un étranger sans son consentement, a également été censuré. Le Conseil a estimé que ces mesures, bien qu’ayant pour objectif de faciliter l’identification des étrangers en situation irrégulière, manquaient de garanties légales suffisantes, notamment en
l’absence de la présence d’un avocat lors de ces opérations.

2. Le Conseil constitutionnel assorti de réserves d’interprétation deux articles importants de la loi immigration

Par ailleurs, le Conseil a émis des réserves d’interprétation sur la conformité à la Constitution de certains articles, dont l’article 14, concernant l’examen des motifs de séjour et l’article 42, sur l’assignation à résidence des étrangers soumis à une mesure d’éloignement.

L’article 14 introduit un cadre expérimental qui affecte significativement le processus d’obtention ou de renouvellement d’un titre de séjour en France.

Cet article prévoyait dans sa version initiale que lorsque l’autorité administrative envisage de refuser ou de ne pas renouveler un titre de séjour pour un ressortissant étranger, elle doit explorer tous les motifs possibles qui pourraient justifier la délivrance de titres de séjour alternatifs. Et, en cas de refus de titre, le ressortissant étranger n’est plus en droit de
présenter une nouvelle demande d’admission au séjour pour un délai d’un an.

Si cette disposition garantit que les ressortissants étrangers bénéficient d’une évaluation complète de leur situation, en considérant les divers titres de séjour pour lesquels ils
pourraient se qualifier, elle n’assure pas pour le Conseil constitutionnel le respect des droits fondamentaux des ressortissants étrangers qui seraient empêchés pendant un an de toute possibilité de régularisation de leur situation.

Afin d’éviter une telle méconnaissance des droits fondamentaux des ressortissants étrangers, le Conseil constitutionnel ajoute que pour que l’article 14 trouve pleinement à
s’appliquer, les administrations devront nécessairement informer l’étranger, lors du dépôt de sa demande, qu’il doit transmettre tous les éléments justificatifs leur permettant d’apprécier sa situation au regard de tous les motifs susceptibles de fonder la délivrance d’un titre de séjour.

Concernant l’article 42 de la loi, qui étend jusqu’à trois ans (un an renouvelable deux fois) la durée de l’assignation à résidence pour certains étrangers faisant l’objet d’une mesure
d’éloignement, le Conseil constitutionnel a fait une observation importante. Il note que le prolongement de l’assignation à résidence au-delà d’un an augmente la sévérité de cette
mesure. Par conséquent, il incombe à l’administration, à chaque renouvellement, de prendre en compte la durée déjà passée sous ce régime ainsi que les liens familiaux et personnels établis par l’étranger, pour définir les conditions et le lieu de l’assignation à résidence.

3. La conformité à la Constitution de 10 articles
contestés

Enfin, le Conseil a déclaré conforme à la Constitution dix autres articles de la loi déférée dont notamment l’article 46 de la loi qui impose aux ressortissants étrangers de souscrire un
contrat respectant les principes de la République.

Bruno

Par Bruno GUILLIER, Avocat Associé Expert en droit administratif général et en droit de la fonction publique, en particulière en matière de droit de l’immigration, des étrangers et de la nationalité chez Novlaw Avocats,

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Bruno GUILLIER est spécialisé en droit public, notamment en droit de la fonction publique (fonction publique d’Etat, territoriale et hospitalière) et en droit administratif général ainsi qu’en matière de pouvoir de police et plus généralement en ce qui concerne réglementation des activités par la puissance publique.

Dans ce cadre, il a développé un expertise particulière en ce qui concerne les professions réglementées, notamment en ce qui concerne la réglementation des taxis.

A ce titre, il intervient aussi en droit routier tant en ce qui concerne le retrait de points ou le retrait de permis qu’en ce qui concerne le versant pénal des infractions routières.

Il exerce également en droit des étrangers et de la nationalité et, à ce titre, traite toute problématique liée aux demandes de régularisation et au recours contre les mesures d’obligation de quitter le territoire ainsi que de naturalisation.

Maitre Bruno Guillier

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