Baptiste Robelin, avocat spécialisé en bail commercial et cession de fonds de commerce, revient sur le sujet parfois flou de l’autorisation du bailleur en cas de location-gérance du fonds de commerce.

L’article L144-1 du Code de commerce définit la location-gérance comme étant un « contrat ou convention par lequel le propriétaire ou l’exploitant d’un fonds de commerce ou d’un établissement artisanal en concède totalement ou partiellement la location à un gérant qui l’exploite à ses risques et périls ».

Même si elles peuvent paraître similaires, la location-gérance ne doit pas être confondue avec la sous-location du bail commercial. Alors que la première porte sur la location du fonds de commerce dans son intégralité, la seconde porte uniquement sur le droit d’utiliser les locaux, et donc le droit au bail (Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 19 mars 2008, 07-11.805, Publié au bulletin).

Sur un plan juridique, la sous-location est prohibée par l’article L145-31 du Code de commerce, sauf mentions contraires au bail. En revanche il n’existe pas de dispositions analogues concernant la location-gérance, l’interdiction doit donc être expressément prévue dans le bail.

C’est pourquoi, pour tenter de contourner cette interdiction, il n’est pas rare que le locataire tente de déguiser une sous-location en location gérance. Le bailleur pourra néanmoins demander la requalification de la location-gérance en sous-location, s’il prouve l’existence d’une fraude visant à contourner l’interdiction posée par L145-31 (Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 7 juillet 2016, 15-16.101, Inédit).

Par conséquent, en cas de silence du bail commercial la location-gérance est réputée autorisée. Ceci étant, il existe également des décisions jurisprudentielles qui tendent à considérer que certaines clauses insérées au bail commercial peuvent être assimilées à une interdiction de location-gérance, dès lors que le bail prévoit une occupation personnelle par le preneur (Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 30 septembre 2008, 07-11.459, Inédit).

En ce sens, deux arrêts rendus par la Cour d’appel de Paris : CA Paris, ch. 16, sect. A, 14 déc. 2005, n° 03/08817 et CA Paris, ch. 16, sect. B, 5 avr. 2007, n° 06/10620,  retiennent respectivement que :

« Le preneur devra occuper personnellement les lieux loués. Il s’interdit de sous-louer ou de prêter à des tiers tout ou partie desdits lieux, sous quelque prétexte que ce soit et sous quelque forme que ce soit, même temporairement et à titre gratuit et précaire, ainsi que d’y domicilier toute personne physique ou morale (…) oblige le preneur à ne pas mettre les locaux donnés à bail à la disposition d’une tierce personne, et partant, interdit nécessairement de donner le fonds de commerce en location-gérance ; que la mise en location-gérance d’un fonds de commerce emporte en effet celle des locaux dans lesquels est exploité le fonds »

« Si la location-gérance ne constitue pas une sous-location, elle implique du fait même de sa définition prévue à l’article L. 144-1 du Code de commerce de mettre un fonds de commerce à la disposition du gérant et se trouve donc incompatible avec l’obligation contractuelle d’exploiter personnellement dans les lieux loués son fonds de commerce, ainsi que de prêter ces lieux en tout ou en partie, même occasionnellement »

Dans la même optique, une clause d’un contrat de bail stipulant que « le preneur devra occuper personnellement les lieux loués, il lui est interdit de les prêter ou d’en concéder la jouissance même temporairement ou gratuitement à un tiers ainsi que d’y domicilier toute personne physique ou morale » est de nature à faire obstacle à la mise en place d’une location gérance (CA Versailles, 26 mai 2011, 10/02477).

En revanche, une clause « interdisant de concéder la jouissance des lieux ne peut être assimilée à une clause prohibant la location-gérance ». (Cour de Cassation, Chambre civile 3, du 23 janvier 2007, 06-10.191, Inédit).

Ainsi, eu égard à la rédaction du bail commercial interdisant la sous-location, il serait possible de déduire par analogie que la location-gérance n’est pas non plus autorisée, car elle contreviendrait à l’obligation pour le preneur d’occuper personnellement les lieux.

Toutefois précisons que cette question fait toujours débat, et que les juges opèrent une appréciation au cas par cas de ces clauses potentiellement litigieuses.

Location-gérance : Faut-il demander l’autorisation du bailleur

Location-gérance : Faut-il demander l’autorisation du bailleur