Sommaire

Marché Public : Revue de jurisprudence de décembre 2024

Retrouvez les principales décisions rendues au cours du mois de décembre 2024 en matière de marché public.

Le Cabinet NOVLAW Avocats (Laurent Bidault) accompagne ses clients de façon transversale en droit immobilier et en droit public

L’offre comprenant des liens de téléchargement vers des documents externes est incomplète

Dans cette affaire, le candidat avait inclus dans son offre des liens de téléchargement vers des échantillons tests qui étaient exigés dans les documents de la consultation.

Le candidat estimait en effet qu’en raison de leurs tailles ces documents ne pouvaient pas être produits sur la plateforme PLACE.

Le juge du référé précontractuel relève notamment que l’ensemble des éléments, documents et fichiers constituant l’offre devait être transmis en une seule fois, le cas échéant en autant de fichiers et documents que nécessaires, exclusivement par la plateforme PLACE.

Dès lors, c’est en faisant une exacte application du règlement de la consultation que l’acheteur a pu considérer que les offres de la société en question, dont les mémoires techniques ne comprenaient pas, parmi ses composantes, les échantillons-tests, étaient incomplètes et donc irrégulières, sans tenir compte de l’existence des liens de téléchargement de ces fichiers d’échantillons-tests sur un serveur extérieur.

Et cela, alors même que le règlement en cause n’interdisait pas explicitement l’usage de tels moyens de dépôt de pièces externes à la plateforme PLACE ou qu’un tel usage ait été autorisé dans le cadre d’une précédente procédure de passation.

TA Rennes, 2 décembre 2024, n°2406252

La saisine du juge des référés ne suspend pas le délai de 6 mois pour saisir le juge du contrat

Pour rappel, en application de l’article 55.3.2 (anciennement 50.21) du CCAG Travaux, le titulaire d’un marché de travaux dispose d’un délai de 6 mois à compter de la décision prise par le maître d’ouvrage sur sa réclamation pour saisir le juge administratif.

La Cour relève dans ce litige et plus généralement aux termes des stipulations du CCAG qu’elles ne prévoient aucune cause d’interruption de ce délai ni d’autres cas de suspension que la saisine du comité consultatif de règlement amiable.

Par conséquent, ni la saisine du juge des référés du tribunal administratif aux fins de voir ordonner une expertise, ni le dépôt du rapport d’expertise n’ont pour effet de suspendre le délai de six mois pour saisir le juge du contrat, et ce en raison du fait que le juge des référés saisi d’une demande d’expertise n’est pas le tribunal administratif compétent pour régler le litige mentionné par le CCAG Travaux.

CAA Toulouse, 3 décembre 2024, n° 22TL21738

Responsabilité de maître d’œuvre en cas de faute dans la conception de l’ouvrage

Pour rappel, indépendamment de la décision du maître d’ouvrage de réceptionner les prestations de maîtrise d’œuvre, la réception de l’ouvrage met fin aux rapports contractuels entre le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre, lequel a la qualité de constructeur, en ce qui concerne les prestations indissociables de la réalisation de l’ouvrage, au nombre desquelles figurent, notamment, les missions de conception de cet ouvrage (Voir également en ce sens : CE, 2 décembre 2019, n°423544 ; CAA Douai, 17 octobre 2024, n°22DA01801).

Pour autant, dans cette affaire, si la réception des ouvrages était intervenue, une réserve imputable au maître d’œuvre n’avait pas été levée et l’établissement du décompte définitif du marché de maîtrise d’œuvre n’était pas intervenu.

Partant, l’acheteur en cause pouvait rechercher la responsabilité du maître d’œuvre au titre d’éventuelles fautes commises dans la conception du projet à l’origine des désordres en litige.

CAA Toulouse, 3 décembre 2024, n° 22TL21574

Absence de transmission d’une copie du mémoire en réclamation au maître d’œuvre et décompte définitif

Dans le cas d’un différend sur le décompte général d’un marché public de travaux, le titulaire doit transmettre un mémoire en réclamation au représentant du pouvoir adjudicateur dans un délai de 45 jours à compter de la date à laquelle ce dernier lui a notifié le décompte général et en adresser une copie au maître d’œuvre dans le même délai.

Le respect de ces obligations, à l’égard tant du représentant du pouvoir adjudicateur, que du maître d’œuvre, constituent des formalités substantielles.

Or, le titulaire n’avait pas transmis une copie de son mémoire en réclamation au maître d’œuvre dans un délai de 45 jours à compter de la date de réception du décompte général.

Ce dernier est devenu définitif et la demande présentée par le titulaire devant le tribunal administratif est irrecevable.

CAA Douai, 4 décembre 2024, n° 23DA00158

Validation implicite du projet de décompte par le maître d’ouvrage

La Cour rappelle que si les stipulations du CCAG-PI prévoient qu’une fois le projet de décompte transmis par le titulaire, le montant du décompte est arrêté par la personne responsable du marché, elles n’impliquent pas que la validation du projet soit formalisée par une décision explicite lorsque le maître d’ouvrage auquel le titulaire a transmis son projet de décompte ne le modifie pas et procède au versement des sommes correspondantes (Voir en ce sens : CE, 17 mai 2017, n°396241).

Autrement dit, le versement des sommes demandées au titre du décompte au titulaire matérialise l’accord du maître d’ouvrage quant à ce décompte.

En l’occurrence, dans cette affaire, le maître d’ouvrage s’est acquitté de la somme demandée, sans préciser qu’il n’aurait pas entendu procéder au règlement du solde du marché.

Ce décompte est, par ce paiement, devenu définitif, de sorte que la responsabilité contractuelle du titulaire en cause ne peut être recherchée.

CAA Lyon, 5 décembre 2024, n° 23LY01534

L’incomplétude de la candidature du titulaire ne s’oppose pas nécessairement à la poursuite du contrat

La candidature de la société désignée titulaire d’une sous-concession de plage s’est avérée être incomplète (absence de mention des coordonnées du candidat, absence d’attestation sur l’honneur).

Pour autant, le vice entachant la procédure de passation du contrat et consistant à retenir une société dont la candidature ou l’offre aurait dû être écartée comme incomplète ne s’oppose pas nécessairement à la poursuite de l’exécution du contrat conclu avec cette société (Voir en ce sens : CE, 28 mars 2022, n°454341).

Il incombe en effet au juge saisi d’une contestation de la validité du contrat, au regard de l’importance et des conséquences du vice, d’apprécier les suites qu’il doit lui donner.

Dans cette affaire, le juge relève que les éléments incomplets n’ont pas eu d’influence sur l’appréciation des capacités du candidat ou des mérites de l’offre.

Dès lors, le contrat n’est pas affecté d’un vice d’une gravité telle qu’il ferait obstacle à la poursuite de son exécution.

CAA Marseille, 9 décembre 2024, n° 24MA00541

Le rejet d’une offre irrégulière pouvant être régularisée en phase négociation est irrégulier.

Dans le cadre d’une procédure avec négociation, le juge du référé précontractuel considère que l’offre d’un soumissionnaire considérée par l’acheteur comme irrégulière ne pouvait être légalement écartée par celui-ci de la phase de négociation au seul motif que son offre était irrégulière, la phase de négociation lui permettant de la régulariser.

Le juge considère en effet que l’acheteur devait respecter l’obligation de négocier avec tous les soumissionnaires, laquelle ne connait que la réserve des candidats ayant présenté des offres inappropriées, et s’appliquait nonobstant la faculté reconnue, de manière générale au pouvoir adjudicateur, d’autoriser les soumissionnaires ayant émis une offre irrégulière et dépourvue de tout caractère anormalement bas de régulariser leur offre dans un délai approprié.

Puis, en cours d’instance, l’acheteur avait alors entendu opérer une substitution du motif pour lequel l’offre en cause avait été écartée, soutenant que l’offre était inappropriée.

Mais, le juge du référé précontractuel ne peut substituer au motif retenu dans le document informant le candidat du rejet de son offre le motif tiré du caractère inapproprié de l’offre que si l’acheteur s’est effectivement livré à une appréciation dudit caractère inapproprié et qu’il a considéré qu’il était établi que l’offre présentée par le soumissionnaire en question était effectivement inappropriée et n’a pas ce faisant commis d’erreur manifeste d’appréciation.

Tel n’était pas le cas en l’espèce, de sorte que la demande de substitution de motifs ne pouvait pas être accueillie.

TA Besançon, 10 décembre 2024, n° 2402205

Une offre ne peut pas être considérée comme étant irrégulière lorsque le montant du DQE, simulation réaliste, mais fictive, dépasse le plafond fixé par l’acheteur

L’acheteur avait écarté une offre comme étant irrégulière au motif que le montant figurant dans le détail quantitatif estimatif (DQE) fourni à l’appui de cette offre excède le montant maximum contractuel de l’accord-cadre.

Le juge des référés rappelle que le DQE a pour seule finalité de rendre comparables les offres constituées de prix unitaires afin de rendre possible l’appréciation de leurs mérites respectifs au regard du critère du prix et qu’il constitue un simple outil de leur méthode de notation.

Il ajoute que « cette simulation de commande, certes réaliste, mais par essence fictive, étant dépourvue de valeur contractuelle », l’offre en question ne saurait être regardée comme excédant le montant maximum contractuel du seul fait que le montant qui y figure est supérieur à ce plafond.

En outre, le juge relève que le règlement de la consultation n’imposait pas expressément que le montant du DQE n’excède pas le montant maximum contractuel fixé.

De surcroit, le RC invitait expressément les candidats, qui ont préparé leurs offres sur la base de ses indications, à ne pas lier les deux montants.

La procédure est annulée à compter de l’analyse des offres.

TA Strasbourg, 12 décembre 2024, n° 2408877

Marché de travaux : la garantie de parfait achèvement court à compter de la date de réception effective

Sauf stipulation contraire au contrat, la réception des travaux, même lorsqu’elle est prononcée avec réserves en application des stipulations du CCAG Travaux ou sous réserve de l’exécution concluante d’épreuves ou de l’exécution d’autres prestations, fait courir le délai de garantie de parfait achèvement à compter de la date d’effet de cette réception.

La Cour administrative d’appel de Marseille n’a donc pas commis d’erreur de droit en jugeant que le délai de garantie de parfait achèvement avait commencé à courir à compter de la date d’effet de la réception, alors même que celle-ci avait été, d’une part, assortie de réserves et, d’autre part, prononcée sous réserve de l’exécution concluante d’épreuves et de l’exécution d’autres prestations.

CE, 13 décembre 2024, n° 489720

Modification des spécifications techniques du marché en cours de négociation

Dans cette ordonnance, le juge des référés rappelle que s’il est loisible au pouvoir adjudicateur, dans le cadre d’une procédure adaptée, de négocier avec les candidats ayant présenté une offre sur tous les éléments de leur offre, notamment sur le prix, cette négociation ne peut en revanche conduire le pouvoir adjudicateur à modifier les spécifications techniques du marché en cours de procédure.

Or, à l’issue de la négociation, la société attributaire a proposé la fourniture de matériels méconnaissant les exigences techniques mentionnées dans les documents de la consultation.

TA Nantes, 16 décembre 2024, n° 2417717

Minimum non atteint et indemnisation du titulaire de l’accord-cadre

Dans cette affaire, la Cour a considéré que le montant minimum n’ayant pas été respecté au terme de l’exécution du marché à bons de commande en litige, le titulaire est susceptible d’être indemnisé de la part des frais et investissements, éventuellement engagés pour le marché, sous réserve que ces dépenses soient strictement nécessaires à son exécution et que cette part de frais et investissements n’ait pas été prise en compte dans le montant des prestations payées.

Les dépenses d’achat de matériels de transport et d’équipement ne peuvent être regardées comme des frais et investissements exclusivement liés à l’exécution du marché, dès lors que le titulaire n’établit pas que ces acquisitions n’auraient pas été amorties au cours de l’exécution du contrat ni que l’ensemble de ces biens ne pouvaient être vendus ou loués à d’autres entreprises.

CAA Toulouse, 17 décembre 2024, n° 23TL00302

Rejet de la réclamation présentée par un groupement, car dépourvu de personnalité morale

À la suite du rejet de leur offre, la société mandataire du groupement candidat a demandé réparation du préjudice subi par l’ensemble des membres du groupement.

Toutefois, la Cour rappelle que le groupement candidat au marché en cause n’est pas doté de la personnalité morale et aucun marché n’a été conclu entre ce groupement et le pouvoir adjudicateur.

Partant, la qualité de mandataire du groupement candidat ne donne pas qualité à cette société pour représenter les autres membres du groupement pour la réparation du préjudice subi du fait de l’éviction du groupement lors de l’attribution du marché.

Les demandes indemnitaires présentées à ce titre sont donc irrecevables.

CAA Versailles, 17 décembre 2024, n° 22VE01964

Marché public : Formalisme de la réclamation (CCAG FCS)

Chaque mois est l’occasion pour le juge administratif l’importance à attacher l’établissement du mémoire en réclamation.

Ici, la Cour rappelle qu’en application des stipulations du CCAG-FCS, la saisine du juge est subordonnée à la présentation d’un mémoire en réclamation répondant aux exigences prescrites dans un délai de 2 mois à compter de la naissance d’un différend.

Ainsi, le mémoire en réclamation ne peut être regardé comme tel que s’il comporte l’énoncé d’un différend et expose, de façon précise et détaillée, les chefs de la contestation en indiquant, d’une part, les montants des sommes dont le paiement est demandé et, d’autre part, les motifs de ces demandes, notamment les bases de calcul des sommes réclamées.

En l’espèce, le courrier adressé par le titulaire ne précisait pas les bases de calcul de la demande, de sorte qu’elle ne peut être qualifiée de réclamation.

La Cour ajoute qu’en tout état de cause, à supposer même que ce courrier puisse être considéré comme une réclamation, le refus qu’a opposé la collectivité à celle-ci n’a eu pour but que de faire naître un différend au sens des stipulations précitées, lequel a fait courir un délai de deux mois durant lequel le titulaire devait faire une réclamation.

CAA Nancy, 17 décembre 2024, n° 24NC00117

Plusieurs illustrations du droit à indemnisation de candidats irrégulièrement évincés

Plusieurs décisions rendues ce mois-ci illustrent l’exercice du droit dont dispose un candidat irrégulièrement évincé de la procédure d’attribution d’un marché d’être indemnisé du préjudice en résultant, dès lors qu’en particulier ce candidat disposait d’une chance sérieuse d’obtenir ce marché (voir en ce sens : CE, 25 novembre 2011, n°454466).

CAA Versailles, 18 décembre 2024, n° 22VE02630

CAA Bordeaux, 23 décembre 2024, n° 23BX01085

Marché de travaux : la garantie décennale court à compter de la date de réception effective

Dans le prolongement de sa décision du 13 décembre 2024, le Conseil d’État précise que l’action du maître d’ouvrage tendant à la mise en jeu de la responsabilité des constructeurs se prescrit par 10 ans à compter de la date d’effet de la réception.

Et cela que les travaux aient été réceptionnés sans réserve, avec réserves en application des stipulations du CCAG Travaux ou sous réserve de l’exécution concluante d’épreuves ou de l’exécution de certaines prestations.

CE, 20 décembre 2024, n° 475416

Prescription de l’action fondée sur l’article 2224 du Code civil faute d’action contre le constructeur « principal »

L’article 2224 du code civil prévoit que « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».

Le Conseil d’État rappelle ici qu’il résulte des dispositions de l’article 2224 du code civil, applicable en l’absence de réception des travaux, que la prescription qu’elles instituent court à compter de la manifestation du dommage, c’est-à-dire de la date à laquelle la victime a une connaissance suffisamment certaine de l’étendue du dommage, et cela quand bien même le responsable de celui-ci ne serait à cette date pas encore déterminé.

Dans cette affaire, c’est par l’établissement d’un constat d’huissier, notamment la réalisation de certaines mesures, que le maître d’ouvrage a eu une connaissance suffisamment certaine de l’étendue du dommage.

Pour autant, faute pour le maître d’ouvrage d’avoir porté à la connaissance l’existence de ce dommage au constructeur dans le délai de 5 ans susvisé, il ne pouvait plus rechercher la responsabilité quasi délictuelle du sous-traitant de ce constructeur.

CE, 30 décembre 2024, n° 491818

Laurent Bidault Avocat - Novlaw Avocats

Par Laurent Bidault , Avocat Associé chez Novlaw Avocats , spécialisé en droit public , notamment en droit des contrats publics (marché public, concession) et en droit immobilier public (aménagement, urbanisme, construction). Il a également développé une expertise particulière en matière d’ innovation appliquée au secteur public (achat innovant, R&D, BIM).

Cet article vous a plu ?

Besoin d'un avocat ?

Cet article vous a plus ? Partagez-le !

Contact

Laissez-nous votre message

Vous souhaitez avoir plus d’informations concernant nos services, ou bien prendre un rendez-vous ? Contactez-nous via les coordonnées ou le formulaire ci-dessous.

Formmulaire de Contact

(*) champ obligatoire requis

Novlaw Avocats - Bureau de Paris

53 Boulevard de Magenta - 75010 PARIS

Tél. : 01 44 01 46 36

Email : contact@novlaw.fr

Novlaw Avocats - Bureau de Lyon

123 Rue Tête d’Or - 69003 Lyon

Tél. : 04 88 76 82 29

Email : contact@novlaw.fr

Contact

Laissez-nous votre message

Vous souhaitez avoir plus d’informations concernant nos services, ou bien prendre un rendez-vous ? Contactez-nous via les coordonnées ou le formulaire ci-dessous.

Novlaw Avocats Bureau de Paris

53 Boulevard de Magenta – 75010 PARIS

Tél. : 01 44 01 46 36

Email : contact@novlaw.fr

Novlaw Avocats Bureau de Lyon

123 Rue Tête d’Or – 69003 Lyon

Tél. : 04 88 76 82 29

Email : contact@novlaw.fr

Formulaire de contact

(*) champ obligatoire requis