Sommaire
- Annulation d’un marché spécifique d’un système d’acquisition dynamique (SAD) en raison de la méconnaissance des règles de remise en concurrence
- Marché public de travaux : La procédure de réclamation n’est pas opposable au titulaire se prévalant d’un DGD tacite.
- Accord-cadre et critères de sélection des offres pour l’attribution des marchés subséquents
- Précision sur la portée d’un projet de décompte général
- Dénaturation des stipulations du cahier des clauses et conditions générales (CCCG) Travaux de la SNCF
- La conclusion d’un marché sans l’accord du conseil municipal ne constitue pas un vice du consentement
- Absence de responsabilité délictuelle du sous-traitant ayant la qualité de fabricant (en l’absence de conclusions recherchant sa responsabilité décennale…)
- Marché public : Offre irrégulière et absence d’indemnisation du candidat évincé
- Quelques rappels utiles sur la contestation de la validité d’une mesure de résiliation d’un marché public
- Marchépublic: Un décompte « provisoire » n’est pas un décompte
- Droits à indemnisation du titulaire d’un marché public de travaux conclu à prix unitaires
- Marché public : rejet irrégulier d’une offre supposée anormalement basse en l’absence de demande préalable de précisions
- De l’importance de bien respecter la procédure d’établissement du décompte prévu au CCAG Travaux.
- Offre irrégulièrement retenue car ne respectant pas les prescriptions techniques du marché
- Annulation d’un marché passé en procédure adaptée (MAPA) en raison de l’insuffisance du délai pour remettre une offre
- La seule présence au sein de l’attributaire d’un ancien salarié de l’acheteur ne suffit pas à caractériser une distorsion de concurrence
- L’ordre des architectes n’est pas susceptible d’être lésé par la passation d’un marché de maîtrise d’œuvre
- Marché public : Irrégularité de l’offre qui n’a pas été déposée sur la plateforme de l’acheteur

Marché Public : Revue de jurisprudence de mai 2025
Retrouvez les principales décisions rendues au cours du mois de mai 2025 en matière de marché public.
Le Cabinet NOVLAW Avocats (Laurent Bidault) accompagne ses clients de façon pluridisciplinaire en droit public, en droit immobilier et en droit des affaires.
Annulation d’un marché spécifique d’un système d’acquisition dynamique (SAD) en raison de la méconnaissance des règles de remise en concurrence
Ce litige portait sur les conditions d’attribution d’un marché spécifique passé sur le fondement d’un système d’acquisition dynamique (SAD) portant sur un dispositif médical numérique de télésurveillance médicale du patient.
Voir notre article : Qu’est-ce qu’un système d’acquisition dynamique ?
L’une des spécifications techniques attendue pour l’attribution du marché spécifique conférait un avantage déterminant à la solution proposée par l’un des opérateurs.
Le juge des référés relève en effet que « le centre hospitalier de la région de Saint-Omer doit être regardé comme ayant sciemment introduit, dans sa consultation, un élément d’appréciation pondéré qui aurait nécessairement pour conséquence de conférer un avantage déterminant à la solution de la société Implicity pour l’obtention de ce marché spécifique ».
Le juge considère alors que « ce faisant, le pouvoir adjudicateur a fait obstacle à une remise en concurrence effective des candidats sélectionnés par le SAD » et « en procédant de la sorte, alors que le SAD dont l’objet était de permettre aux candidats sélectionnés d’accéder à un marché public ouvert pour des produits réputés par principe d’usage courant n’avait pas entendu mettre en avant, dans son CCAP, cette capacité du dispositif de télésurveillance à synthétiser les données de l’ensemble des PCI utilisés en tant que spécification technique du marché, le centre hospitalier de Saint-Omer a nécessairement méconnu la portée du cadre fixé par le système d’acquisition ».
Marché public de travaux : La procédure de réclamation n’est pas opposable au titulaire se prévalant d’un DGD tacite.
Afin de faire obstacle au versement du solde d’un marché résultant d’un DGD tacite, une communauté de communes opposait à la demande du titulaire requérant, l’absence de mémoire en réclamation de sa part.
Cependant, la Cour relève qu’en l’absence de contestation possible du montant inscrit au solde du projet de décompte général après que celui-ci est devenu le décompte général et définitif tacite, la procédure de réclamation prévue au CCAG ne peut être applicable au titulaire se prévalant, comme en l’espèce, d’un DGD tacite.
Il s’ensuit que la communauté de communes ne peut utilement se prévaloir de l’irrecevabilité de la demande de la société en cause faute pour elle d’avoir adressé un mémoire en réclamation.
Pour les mêmes motifs, elle ne peut pas davantage se prévaloir de l’expiration du délai de 6 mois, prévu par ce même article, pour porter les réclamations devant le tribunal administratif.
Accord-cadre et critères de sélection des offres pour l’attribution des marchés subséquents
Cette affaire porte sur les conditions d’attribution d’un marché subséquent passé sur le fondement d’un accord-cadre multi-attributaires de fourniture de matériels d’impressions bureautiques pour le compte de la SNCF.
L’offre d’une des sociétés titulaires de l’accord-cadre pour l’attribution d’un marché subséquent a été rejeté par la SNCF au motif qu’elle était irrecevable, conduisant celle-ci à contester ce marché devant le tribunal administratif.
Son action ayant été rejetée, la société en question a interjeté appel.
Tout d’abord, la Cour administrative d’appel de Paris rappelle que « l’information appropriée des candidats sur les critères d’attribution des marchés subséquents à un accord-cadre est nécessaire dès l’engagement de la procédure d’attribution de l’accord-cadre, dans l’avis d’appel public à la concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats », jugeant que cette information a bien été apportée en l’espèce.
Ensuite, la Cour observe que la SNCF avait annoncé dans les documents de la consultation que les critères affectés d’une exigence « F0 » (exigence non négociable), qui étaient repris dans les grilles de conformité et dont la définition est restée inchangée, permettaient à la SNCF de vérifier la recevabilité des offres, avant de procéder à leur analyse et leur classement sur la base des critères d’appréciation annoncés.
Dès lors, la société en cause n’est pas fondée à soutenir que ces critères de conformité des offres constitueraient en réalité des critères d’appréciation des offres, lesquels seraient disproportionnés par rapport au critère du prix.
De plus, si la société requérante soutenait que certains critères ont été ajoutés par rapport au RC de l’accord-cadre et que cet ajout constitue une modification substantielle prohibée par l’article R. 2162-7 du code de la commande publique, la Cour relève que les candidats ont été informés au stade de l’accord-cadre de ce que la SNCF pourrait être amenée à déclarer une offre irrecevable comme étant irrégulière dans l’hypothèse où les tests techniques révèleraient qu’un des critères F0 du cahier des charges n’aurait pas été respecté.
Il ne s’agit donc pas ici d’une modification substantielle – qui serait donc prohibée – des conditions initiales de l’accord-cadre.
Précision sur la portée d’un projet de décompte général
Dans cette affaire, le Conseil d’État considère que la Cour administrative d’appel de Toulouse a dénaturé les pièces du dossier en jugeant que la société Entreprise Carré avait notifié au maître d’ouvrage, le 17 mars 2020, son projet de décompte général du marché en cause, conformément aux stipulations de l’article 13.4.4 du CCAG Travaux, alors que ce courrier constituait en réalité une réponse de cette société à un document intitulé « décompte général », signé le 11 mars 2020, qui correspondait à un décompte de la seule tranche optionnelle n° 1 du marché notifié par l’INRAE le 13 mars précédent.
Dénaturation des stipulations du cahier des clauses et conditions générales (CCCG) Travaux de la SNCF
L’article 2.62 du cahier des clauses et conditions générales (CCCG) Travaux de la SNCF, opposable dans le cadre du marché en litige, prévoit que lorsque l’entrepreneur estime que les prescriptions d’un ordre de service appellent des réserves de sa part, il doit, sous peine de forclusion, les présenter par écrit au maître d’œuvre dans les 15 jours à compter de la notification de cet ordre de service.
Le CCCG prévoit en outre que le respect de ce délai de 15 jours dans lequel le titulaire peut formuler des observations, s’apprécie au regard de la date du récépissé ou de l’avis de réception postal et que, si le marché l’autorise, toute autre forme de transmission peut être utilisée à condition qu’elle permette de déterminer de manière certaine le signataire et la date de remise du document.
Partant, le Conseil d’État considère alors que la Cour administrative d’appel a dénaturé ces stipulations en considérant que la réclamation du titulaire était recevable car, bien que reçue par voie postale après ce délai, le titulaire avait procédé à un envoi anticipé, dans le délai de 15 jours suivant la date de réception de l’ordre de service, par courrier électronique.
Le Conseil d’État relève ainsi qu’ « en jugeant que la société Colas Rail était dès lors recevable à contester l’application des pénalités de retard qui ont été mises à sa charge dans le décompte général, alors qu’en l’absence de stipulation du marché autorisant une autre forme de transmission, son courrier de réserves ne pouvait être regardé comme ayant été régulièrement notifié à SNFC Réseau avant la date à laquelle la lettre recommandée avec accusé de réception a été reçue, soit au-delà du délai de quinze jours prévu par l’article 2-62 du CCCG, la cour a dénaturé les stipulations du CCCG Travaux SNCF ».
La conclusion d’un marché sans l’accord du conseil municipal ne constitue pas un vice du consentement
Dans le cadre d’un litige portant sur le règlement de prestations intellectuelles, une commune dénonçait la convention conclue avec une société coopérative d’intérêt collectif pour la réalisation de prestations intellectuelles dans le cadre du programme de coopération territoriale européenne Interreg Caraïbes.
La commune faisait notamment valoir qu’en raison de l’absence d’inscription des crédits préalable sur le budget municipal et de vote en la matière de la part du conseil municipal, le maire n’était pas compétent pour signer cette convention, de sorte que cette dernière était entachée d’un vice affectant les conditions dans lesquelles elle avait donné son consentement.
Toutefois, la Cour relève que compte tenu du principe de loyauté des relations contractuelles, alors que la commune reconnait que le maire disposait d’une délégation de compétence générale pour signer le marché concerné et que ce dernier s’inscrivait dans la continuité des relations contractuelles nouées avec la société requérante depuis l’année 2013, il ne résulte pas de l’instruction que cette irrégularité, à la supposer avérée, qui pouvait, par une délibération du conseil municipal, faire l’objet d’une régularisation par l’inscription des crédits nécessaires au budget communal, puisse être regardée, dans les circonstances particulières de l’espèce, comme un vice d’une gravité telle qu’il justifie l’annulation du marché.
De surcroit, une telle irrégularité ne relève pas du contenu illicite du contrat et ne constitue pas un vice d’une particulière gravité.
L’irrégularité invoquée ne fait donc pas obstacle à l’application du contrat justifiant que le juge du contrat ne puisse régler le litige sur le terrain contractuel.
Absence de responsabilité délictuelle du sous-traitant ayant la qualité de fabricant (en l’absence de conclusions recherchant sa responsabilité décennale…)
Dans cette affaire portant sur l’opération de réhabilitation et l’extension du stade couvert régional et du centre régional d’accueil et de formation en complexe sportif de Liévin, la Cour administrative d’appel considère que les désordres affectant les poutres et leur assemblage compromettent la solidité de l’ouvrage et sont de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs.
Se posait alors la question de l’imputabilité des désordres et des responsabilités des différents intervenants.
A cet égard, la Cour considère que la responsabilité décennale de l’entrepreneur principal, en charge de l’opération, et de plusieurs membres du groupement de maîtrise d’œuvre doit être engagée.
En revanche, la Cour rejette les demandes formulées par l’assureur du maître d’ouvrage tendant à ce que la responsabilité quasi délictuelle du sous-traitant de l’entrepreneur principal soit engagée.
La Cour rappelle alors qu’il appartient, en principe, au maître d’ouvrage qui entend obtenir la réparation des conséquences dommageables d’un vice imputable à la conception ou à l’exécution d’un ouvrage de diriger son action contre le ou les constructeurs avec lesquels il a conclu un contrat de louage d’ouvrage.
Il lui est également loisible, dans le cas où la responsabilité du ou des cocontractants ne pourrait pas être utilement recherchée, de mettre en cause, sur le terrain quasi-délictuel, la responsabilité des participants à une opération de construction avec lesquels il n’a pas conclu de contrat de louage d’ouvrage, mais qui sont intervenus sur le fondement d’un contrat conclu avec l’un des constructeurs.
Et si le maître d’ouvrage peut, à ce titre, invoquer, notamment, la violation des règles de l’art ou la méconnaissance de dispositions législatives et réglementaires, il ne peut pas en revanche se prévaloir de fautes résultant de la seule inexécution, par les personnes intéressées, de leurs propres obligations contractuelles.
Or, il résulte de l’instruction que si le sous-traitant a eu pour mission de la fourniture et la pose de la charpente et des poutres en litige, et pour mission de faire des relevés sur site pour l’implantation des charpentes, de l’étude de dimensionnement et de la conception de la charpente, c’est pour satisfaire à des exigences précises et déterminées à l’avance par l’entrepreneur principal.
Le sous-traitant a donc la qualité de fabricant au sens de l’article 1792-4 du code civil.
Par conséquent, la Cour relève qu’aucune des conclusions dirigées contre ce sous-traitant n’est fondée sur sa responsabilité décennale qui serait seule à rendre recevables de telles conclusions.
Les conclusions de l’assureur subrogé dans les droits du maître d’ouvrage, seulement fondées sur la responsabilité délictuelle de cette société, sont donc irrecevables et ne peuvent dès lors qu’être rejetées.
Marché public : Offre irrégulière et absence d’indemnisation du candidat évincé
Une société estimant avoir été irrégulièrement évincée d’un accord-cadre à bons de commande pour la fourniture et la maintenance des matériels et infrastructures pédagogiques, a formé un recours en contestation de la validité du contrat et sollicité une indemnisation au titre du préjudice résultant de l’irrégularité de son offre.
Voir notre article : Contestation de la validité d’un contrat administratif : bien diriger son recours
Toutefois, le Cour relève que l’offre présentée par a société en cause portait notamment sur des matériels ou applications des marques Apple et Jamf, mais elle ne disposait pas d’agents certifiés par ces constructeurs et éditeurs, alors que cette certification technique des agents, distincte de l’agrément commercial, était requise par les stipulations précitées du cahier des clauses techniques particulières.
L’offre de cette société était donc irrégulière.
Par conséquent, dès lors que son offre était irrégulière, les vices de passation invoqués par la société au soutien de son action en contestation de validité du contrat sont insusceptibles d’entretenir un rapport avec l’intérêt lésé dont elle se prévaut.
Et compte tenu du caractère irrégulier de l’offre, la société était de facto privée de toute chance de remporter le marché, de sorte que c’est à bon droit que sa demande indemnitaire a été rejetée.
Quelques rappels utiles sur la contestation de la validité d’une mesure de résiliation d’un marché public
Cette affaire opposant le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) et le titulaire d’un lot d’un marché de réhabilitation d’un ensemble immobilier est l’occasion de quelques rappels utiles en matière de recours Béziers II (CE, Section, 21 mars 2011, n°304806).
La Cour rappelle que le délai de 2 mois fixé par le jurisprudence « Béziers II » n’est opposable qu’à l’encontre de conclusions visant à obtenir la reprise des relations contractuelles à la suite d’une décision de résiliation, et non pas à l’encontre comme en l’espèce de conclusions tendant à la condamnation de l’administration à indemniser le requérant des préjudices qu’il estime avoir subis du fait de la résiliation.
De plus, la Cour rappelle également que s’il incombe au juge du contrat, saisi par une partie d’un recours de plein contentieux contestant la validité d’une mesure de résiliation mais ne tendant pas à la reprise des relations contractuelles, lorsqu’il constate que cette mesure est entachée de vices relatifs à sa régularité ou à son bien-fondé, de déterminer si les vices constatés sont susceptibles d’ouvrir, au profit du requérant, un droit à indemnité, il ne lui appartient pas de requalifier une décision de résiliation prononcée au torts exclusifs du titulaire (Voir en ce sens notamment CE, 1er octobre 2013, n°349099).
Partant, les conclusions de la société requérante tendant à « résilier le marché Lot n°8 aux torts exclusifs du CNC » sont irrecevables, dans la mesure où l’irrégularité de la résiliation prononcée par le maître d’ouvrage et les éventuelles fautes de ce dernier ne sont susceptibles d’avoir d’incidence que sur ses droits à indemnité.
Marchépublic: Un décompte « provisoire » n’est pas un décompte
Toujours dans cette même affaire, le titulaire du marché résilié contestait l’application de pénalités de retard dans la levée des réserves, dans la mesure où le décompte communiqué avec la décision de résiliation ne les mentionnait pas.
Cependant, il résulte de l’instruction que ce décompte constituait un « décompte provisoire » dans l’attente de la réception du marché de substitution, conclu pour pallier la défaillance du titulaire.
Le montant des pénalités était en outre mentionné expressément dans la décision de résiliation.
Enfin, il résulte toujours de l’instruction que le titulaire était informé du caractère provisoire du décompte.
Dans ces conditions, le décompte provisoire ne constituait pas (encore) un décompte de liquidation tel que prévu par les dispositions du CCAG Travaux.
Droits à indemnisation du titulaire d’un marché public de travaux conclu à prix unitaires
Pour rappel, dans le cas où le titulaire d’un marché public de travaux conclu à prix unitaires réalise des études, démolitions, terrassements ou constructions qui ne correspondent à aucune des prestations pour lesquelles des prix unitaires ont été stipulés, ces travaux modificatifs ou supplémentaires doivent donner lieu à une rémunération supplémentaire, à la condition que ces prestations supplémentaires ou modificatives aient été réalisées à la demande, y compris verbale, du maître d’ouvrage ou du maître d’œuvre, ou, à défaut, qu’il soit établi que ces prestations étaient indispensables à la réalisation de l’ouvrage dans les règles de l’art.
A l’inverse, les difficultés rencontrées dans l’exécution d’un marché à prix unitaires ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l’entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévisibles, exceptionnelles et extérieures aux parties, soit qu’elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l’exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l’estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.
Ces principes s’appliquent généralement en matière de marché à prix forfaitaire (Voir en ce sens : CE, 5 juin 2013, Région Haute-Normandie, n° 352917).
Toutefois, le maître d’ouvrage public n’est pas tenu d’indemniser un intervenant du préjudice résultant de fautes commises par les fautes d’autres intervenants.
En l’état, les demandes présentées par la société Eiffage sont en majorité rejetées par le juge.
Néanmoins, il retient certaines d’entre-elles notamment la demande d’indemnisation concernant la mise place d’un dispositif de protection des usagers de la route située à proximité des travaux. Si ce dispositif a été mis en place à l’initiative de l’entreprise sans aucune demande de sa part, il apparaît cependant indispensable à la réalisation de l’ouvrage dans les règles de l’art.
De même, elle a droit à une indemnisation pour faute du maître d’ouvrage en raison de ses atermoiements dans la réalisation de certains travaux modificatifs.
Marché public : rejet irrégulier d’une offre supposée anormalement basse en l’absence de demande préalable de précisions
Pour rappel, en application de l’article L. 2152-6 du Code de la commande publique, lorsque l’acheteur détecte une offre qui semble être une offre anormalement basse, il doit exiger de l’opérateur économique qu’il fournisse des précisions et justifications sur le montant de son offre.
C’est après seulement ce processus de détection du caractère anormalement bas de l’offre que l’acheteur peut éventuellement ensuite rejeter une offre.
Or, dans cette affaire, l’offre de la société requérante a été rejetée au motif qu’elle présentait un caractère anormalement bas, mais sans que cette décision ait été précédée d’une demande adressée par écrit afin que celle-ci fournisse les précisions utiles justifiant le prix proposé.
Le juge du référé précontractuel en conclut que cette société a été privée du débat contradictoire auquel elle avait droit.
Elle est donc fondée à soutenir que la commune a méconnu les principes d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures qui constituent les conditions d’une mise en concurrence régulière.
De l’importance de bien respecter la procédure d’établissement du décompte prévu au CCAG Travaux.
Cette affaire porte sur l’existence ou non d’un décompte général et définitif tacite au profit du titulaire du marché ; elle illustre parfaitement l’attention que doivent avoir les parties dans le cadre de la procédure d’établissement du décompte.
A la suite de la levée des réserves, le titulaire a adressé à la maîtrise d’ouvrage son projet de décompte final.
Le maître d’œuvre a rectifié ce projet de décompte final et l’a transmis au maître d’ouvrage.
Puis, la société requérante a été informée du rejet de ce décompte à travers le logiciel Chorus Pro.
Elle a alors sollicité, par différents courriels transmis à l’architecte du groupement de maîtrise d’œuvre et à la commune, des explications sur les motifs de ce rejet.
Par la suite, par un nouveau courrier, intitulé « recours gracieux », le conseil du titulaire a mis la commune en demeure de s’acquitter du versement du solde du marché dans un délai de 15 jours à compter de la notification dudit courrier.
Toutefois, la Cour constate que jamais, pour pallier l’inertie du maître d’ouvrage, la société en cause a transmis, dans les conditions prévues au CCAG-Travaux, un projet de décompte général susceptible de devenir le décompte général et définitif du marché dans le silence du représentant du pouvoir adjudicateur dans le délai de 30 jours suivant la transmission du projet de décompte général.
La société ne peut donc pas soutenir que son projet de décompte final constitue le décompte général et définitif du marché.
À l’inverse, la Cour relève que la commune a elle régulièrement notifié le décompte général du marché au titulaire, faisant ainsi courir un délai de 30 jours au cours duquel le titulaire du marché pouvait l’accepter, l’accepter avec réserves ou faire connaître les raisons pour lesquelles il refuse de le signer, accompagné d’un mémoire en réclamation.
Cependant, en l’absence d’un tel mémoire, le décompte général adressé par la commune est devenu le décompte général et définitif, insusceptible en vertu du principe d’intangibilité du décompte, de toute contestation ultérieure.
L’action entreprise par la société est donc irrecevable.
Offre irrégulièrement retenue car ne respectant pas les prescriptions techniques du marché
La procédure en litige portait sur l’attribution d’un marché ayant pour objet l’acquisition d’un microscope confocal à balayage laser.
Dans ce cadre, l’INRAE des Pays de la Loire exigeait notamment aux termes des spécifications techniques du marché que le microscope comporte a minima « un ensemble de détection spectrale composé d’au moins 32 détecteurs Hautes sensibilité GaAsp (ou équivalent) et permettant la séparation spectrale simultanée (un seul scan) de plusieurs fluorophores entre 400 et 700 nm ».
Or, le juge des référés constate que la société attributaire « a proposé une solution qui d’une part, ne comporte pas 32 détecteurs de type GaAsp ou équivalent, et d’autre part, ne permettant pas la séparation spectrale simultanée en un seul scan qui permettrait la libre sélection des bandes passantes pour l’équivalent d’au moins 6 détecteurs indépendants ».
En outre, il constate que les éléments techniques versés par l’INRAE et l’attributaire ne permettent pas de regarder la solution proposée comme permettant d’atteindre les exigences minimales du CCTP par des solutions techniques alternatives.
L’offre présentée par l’attributaire était donc irrégulière et n’aurait donc pas du être retenue.
Annulation d’un marché passé en procédure adaptée (MAPA) en raison de l’insuffisance du délai pour remettre une offre
Dans cette affaire, la société requérante estimait qu’elle n’avait pas disposé d’un délai suffisant pour remettre son offre dans le cadre de la phase de négociation d’une procédure adaptée.
En effet, suite à problème de réception par voie postale de l’invitation à présenter une offre négociée, la société requérante s’était vu adresser une nouvelle invitation par voie postale à remettre une offre sous 5 jours.
Cependant, cette invitation n’a été reçu que postérieurement à ce délai.
Tout d’abord, la Cour rappelle qu’il résulte des dispositions du code de la commande publique que, dans le cadre d’une procédure adaptée, l’acheteur fixe les délais de réception des candidatures et des offres, y compris le cas échéant après négociation, en tenant compte de la complexité du marché et du temps nécessaire aux opérateurs économiques pour préparer leur offre, dans le respect du principe d’égalité de traitement des candidats (Voir en ce sens : CE, 31 octobre 2023, n°470264).
S’agissant du caractère suffisant de ce délai de réception des offres, dans le cadre d’une procédure adaptée, la Cour précise qu’il convient de se placer à la date de notification des plis contenant la date limite de présentation des offres en application des principes tenant à la réception des courriers avec avis de réception.
Partant, la Cour a considéré que, compte tenu de la relative technicité du marché en cause, mais au regard de la période estivale et du délai dont disposaient les soumissionnaires pour retirer le nouveau pli, adressé avec demande d’avis de réception, la société requérante n’a pas disposé d’un délai suffisant pour déposer son offre modifiée.
Dès lors, au regard de la nature du manquement relevé, en l’occurrence le non-respect par le pouvoir adjudicateur de ses obligations en matière de mise en concurrence qui est à l’origine d’une inégalité de traitement entre candidats dans l’attribution du marché litigieux, la commune n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal a prononcé l’annulation du marché public.
La seule présence au sein de l’attributaire d’un ancien salarié de l’acheteur ne suffit pas à caractériser une distorsion de concurrence
Le Conseil d’État avait à connaître de la régularité de l’annulation de la procédure de passation d’un accord-cadre par le tribunal administratif de Montreuil, au motif que l’acheteur – l’Economat des armées – aurait manqué à son obligation d’impartialité et méconnu le principe d’égalité, notamment en retenant une société au sein de laquelle figurait un ancien employé de l’Economat.
Étant rappelé que l’acheteur peut exclure de la procédure de passation d’un marché les personnes qui par leur participation préalable directe ou indirecte à la préparation de la procédure de passation du marché, ont eu accès à des informations susceptibles de créer une distorsion de concurrence par rapport aux autres candidats, lorsqu’il ne peut être remédié à cette situation par d’autres moyens (Article L. 2141-8 du Code de la commande publique).
Le Conseil d’État annule cette ordonnance considérant que le juge des référés a commis une erreur de droit en déduisant de cette seule circonstance l’existence d’une atteinte aux principes d’égalité de traitement des candidats et d’impartialité.
Sur le fond, le Conseil d’État observe que ce salarié n’a participé à aucune réunion préparatoire du marché en litige, ni pris part d’une quelconque manière dans leur organisation après, de sorte que les fonctions exercées ne sauraient par elles-mêmes être regardées comme lui ayant donné accès à des informations sur l’élaboration du projet de marché susceptibles de créer une distorsion de concurrence.
De plus, si ce salarié alors au sein de l’acheteur a pu suivre l’exécution de l’ancien marché, le Conseil d’État observe qu’il a quitté ses fonctions deux ans avant le lancement du marché.
L’ordre des architectes n’est pas susceptible d’être lésé par la passation d’un marché de maîtrise d’œuvre
Dans cette affaire, le conseil régional de l’ordre des architectes des Pays de la Loire avait été alerté par un candidat évincé de la procédure de passation d’un marché de maîtrise d’œuvre, de ce que la société attributaire n’avait pas la qualité d’architecte.
Le conseil régional de l’ordre avait alors saisi le tribunal administratif d’une demande d’annulation du marché.
Cependant, la Cour rappelle qu’un tiers à un contrat administratif n’est recevable à contester la validité d’un contrat que s’il est susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou par ses clauses.
Or, si les conseils régionaux de l’ordre des architectes ont qualité pour agir en justice en vue notamment d’assurer le respect de l’obligation de recourir à un architecte, la seule passation, par une collectivité territoriale, d’un marché public de maîtrise d’œuvre confiant à un opérateur économique déterminé une mission portant à la fois sur l’établissement d’études préalables et la direction de travaux ne saurait être regardée comme susceptible de léser de façon suffisamment directe et certaine les intérêts collectifs professionnels dont ils ont la charge.
Marché public : Irrégularité de l’offre qui n’a pas été déposée sur la plateforme de l’acheteur
Il résulte de la combinaison des articles R. 2132-3 et R. 2132-7 du Code de la commande publique que les outils de réception électronique des offres doivent permettre de garantir que l’accès aux offres n’est plus possible après la date de remise des offres et que seul le pouvoir adjudicateur ou ses mandants peuvent avoir accès à l’offre après cette date.
À ce titre, le candidat ne peut donc pas inclure de lien hypertexte pour accéder aux documents de son offre.
Or, dans cette affaire, la société requérante a déposé sa candidature sur la plateforme dématérialisée, cependant les documents exigés par le règlement de la consultation (mémoire technique, bordereau des prix, notamment) n’ont pas été déposés sur cette plateforme, son offre renvoyait en effet via un lien pour ces documents à une application de stockage et de partage de fichiers sur des serveurs à distance.
L’offre de la société requérante ne peut donc pas être considérée comme respectant le règlement de consultation concernant les modalités de dépôt des offres.
Par ailleurs, ce renvoi par un lien ne permettait pas un horodatage précis de la réception de ces documents, ni ne garantissait l’intégrité des données et en particulier que ces documents ne pouvaient pas être modifiés après la date de remise des offres.
La société requérante n’a donc pas non plus respecté la législation applicable au sens de l’article L. 2152-2 du code de la commande publique.

Par Laurent Bidault , Avocat Associé chez Novlaw Avocats , spécialisé en droit public , notamment en droit des contrats publics (marché public, concession) et en droit immobilier public (aménagement, urbanisme, construction). Il a également développé une expertise particulière en matière d’ innovation appliquée au secteur public (achat innovant, R&D, BIM).
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