marché public décision jurisprudence septembre 2024

Marché Public : Revue de jurisprudence de septembre 2024

Retrouvez une sélection des principales décisions rendues au cours des mois de septembre 2024 en matière de marché public.

Le Cabinet NOVLAW Avocats (Laurent Bidault) accompagne ses clients de façon transversale en droit immobilier et en droit public

Une demande de précisions n’est pas une négociation

L’article R. 2161-5 du Code de la commande publique donne la possibilité à l’acheteur de « demander aux soumissionnaires de préciser la teneur de leur offre », ce que prévoyait en outre ici le règlement de la consultation pour l’attribution d’un marché public de fournitures.

Le tribunal administratif rappelle dans cette affaire que la demande de précisions formulée par l’acheteur ne peut pas être considérée comme une négociation.

En l’espèce, les discussions qui sont intervenues entre l’acheteur et le titulaire n’ont concerné que des éléments déjà prévus dans les documents du marché, et non pas véritablement des négociations visant à faire évoluer l’offre de la société en question.

TA Versailles, 6 septembre 2024, n° 2407096

Irrégularité de l’exclusion d’un candidat en raison de sa soi-disant mauvaise exécution d’un marché en cours d’exécution

Pour mémoire, l’acheteur dispose de la possibilité d’exclure un candidat en raison du fait qu’il aurait commis des manquements lors de l’exécution d’un précédent marché.

De plus, l’acheteur peut également exiger des candidats dans les documents de la consultation qu’ils présentent des références relatives à l’exécution de marchés de même nature, et ce pour s’assurer qu’ils disposent bien des capacités pour exécuter le marché.

Cependant, la seule circonstance qu’un candidat ne dispose pas de telles références ne peut justifier son élimination (Article R. 2142-14 du Code de la commande publique).

Dans cette affaire, l’acheteur a considéré que la société candidate ne possédait pas les capacités pour exécuter le marché en cause analogue à un autre chantier qu’elle exécute dans le même temps et au cours duquel s’est produit un incendie ainsi que des retards d’exécution.

Toutefois, le juge des référés considère que l’acheteur ne pouvait pas se fonder uniquement sur ces manquements pour écarter la candidature de la société requérante au marché en cause comme ne remplissant les garanties exigées, sans même procéder à l’analyse de son offre et rechercher si d’autres éléments du dossier de sa candidature permettaient à la société de justifier des garanties techniques exigées dans le règlement de consultation du marché en litige.

Partant, en écartant la candidature de la société en cause comme étant irrégulière sans procéder à un véritable examen circonstancié du dossier de sa candidature et à l’analyse de son offre, la commission d’appel d’offres a entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation.

Le juge des référés annule la procédure à compter de l’examen des offres.

TA Rouen, 11 septembre 2024, n° 2403355

Absence d’autonomie financière de deux sociétés candidates à un même marché

Il résulte des dispositions combinées des articles L. 1220-3 et R. 2151-6 du Code de la commande publique qu’un même soumissionnaire ne peut présenter qu’une seule offre pour chaque lot.

Toutefois, si deux personnes morales différentes constituent en principe des opérateurs économiques distincts, elles doivent néanmoins être regardées comme un seul et même candidat lorsque le pouvoir adjudicateur constate leur absence d’autonomie commerciale.

Cette absence d’autonomie résulte notamment des liens étroits entre leurs actionnaires ou leurs dirigeants, qui peut se manifester par l’absence totale ou partielle de moyens distincts ou la similarité de leurs offres pour un même lot (Voir par exemple : CE, 8 décembre 2020, n°436532).

Dans cette affaire, il ressort en particulier des mémoires techniques de deux sociétés candidats, qu’elles disposent en partie des mêmes moyens humains, des mêmes moyens matériels ; de plus, la présentation des moyens logistiques et la méthodologie d’étude du besoin de l’acheteur sont similaires ; enfin elles proposent des prix identiques à la différence près que ceux de la société requérante sont 3% plus élevés.

Dans ces conditions, outre la circonstance que les deux sociétés sont présidées par la même société, le juge des référés considère que les offres des deux sociétés ne peuvent être regardées comme formulées de manière indépendante et révèlent une absence d’autonomie commerciale.

TA Rouen, 13 septembre 2024, n° 2403392

Droit à indemnisation du titulaire en cas de résiliation d’un accord-cadre sans minimum

Dans cette affaire, la Cour administrative d’appel de Versailles se prononçait principalement sur l’indemnisation du titulaire d’un accord-cadre irrégulièrement résilié, en particulier au titre de son manque à gagner.

La Cour rappelle que si le titulaire d’un marché résilié irrégulièrement peut prétendre à être indemnisé de la perte du bénéfice net dont il a été privé, il lui appartient d’établir la réalité de ce préjudice.

Dans le cas d’un accord-cadre à bons de commande dont les documents contractuels prévoient un minimum en valeur ou en quantité, le manque à gagner ne revêt un caractère certain qu’en ce qu’il porte sur ce minimum garanti.

Or, en l’espèce l’accord-cadre ne comportait aucun montant minimum de sorte que le préjudice tenant au manque à gagner n’est pas certain et ne peut donner lieu à réparation.

CAA Versailles, 17 septembre 2024, n° 21VE02263

Intérêt moratoire : obligation d’établir la date de réception des factures

La Cour administrative d’appel de Versailles rappelle que la charge de la preuve de la date de réception de ces factures incombe à la société demanderesse.

En l’espèce, la société en cause ne produisait aucun élément établissant la date de réception de ces factures ou la date de leur paiement effectif avec retard, ce que contestait d’ailleurs l’acheteur, de sorte qu’elle n’établissait pas que des intérêts moratoires lui étaient dus.

CAA Versailles, 17 septembre 2024, n° 21VE02269

Marché public de travaux :Décompte général définitif tacite constituant une créance non sérieusement contestable

Dans cette affaire, à la suite de la réception des travaux, le titulaire du marché a adressé son projet de décompte final au maître d’ouvrage et au maître d’œuvre, par l’intermédiaire de la plateforme Chorus.

Par la suite, le titulaire n’a pas été destinataire, dans le délai de 30 jours à compter de la réception par le maître d’œuvre du projet de décompte final, du décompte général en application de l’article 12.4.2 du CCAG Travaux.

Le titulaire a alors notifié au maître d’ouvrage, avec copie au maître d’œuvre, un projet de décompte général signé comme le prévoit dans ce cas de figure l’article 12.4.4 du CCAG.

Cette notification, qui a également été faite sur la plate-forme Chorus, a eu pour effet de faire déclencher le délai de 10 jours, prévu au même article 12.4.4 du CCAG Travaux, imparti au maître d’ouvrage pour notifier au titulaire le décompte général.

Le titulaire peut donc se prévaloir d’un décompte général et définitif.

Dès lors, la Cour relève que c’est à tort que le premier juge a estimé qu’il existait un différend entre le titulaire et le maître d’ouvrage sur le décompte du marché alors que le maître d’ouvrage n’a pas établi de décompte.

C’est également à tort que le premier juge a rejeté la demande du titulaire au motif que l’existence de ce différend ne permettait pas de faire regarder la créance invoquée comme non sérieusement contestable.

CAA Toulouse, juge des référés, 18 septembre 2024, n° 24TL01116

Marché public de travaux : Indemnisation des travaux supplémentaires exécutés par le sous-traitant

Le sous-traitant bénéficiant du paiement direct des prestations sous-traitées a également droit à ce paiement direct pour les travaux supplémentaires qu’il a exécutés et qui ont été indispensables à la réalisation de l’ouvrage, notamment (Voir en ce sens : CE, 3 mars 2010, n°304604).

Néanmoins, ne peuvent pas être considérés comme des travaux supplémentaires que les travaux qui excèdent ceux confiés à l’entrepreneur principal par le pouvoir adjudicateur.

À cet égard, la circonstance que les travaux excéderaient ceux dont la réalisation avait été contractuellement confiée au sous-traitant par l’entrepreneur principal n’est pas de nature à leur conférer ce caractère dans l’hypothèse où le sous-traitant ne fait que se substituer à l’entrepreneur principal dans la réalisation des travaux confiés à ce dernier.

Il faut enfin que le sous-traitant démontre qu’il a effectivement réalisé les travaux s’agissant desquels il sollicite une indemnisation.

Dans cette affaire, la société requérante ne démontrait pas que les travaux en cause excédaient ceux dont la réalisation a été confiée au titulaire et présentaient le caractère de travaux supplémentaires.

CAA Douai, 19 septembre 2024, n° 23DA00758

Désordres apparents lors de la réception

Pour rappel, les constructeurs engagent leur responsabilité décennale s’agissant des désordres apparus dans le délai d’épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l’ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, et cela même s’ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l’expiration du délai de dix ans.

Dans cette affaire, le juge relève que le maître d’ouvrage n’a réalisé aucun test par fumigène afin de vérifier visuellement l’étanchéité du dispositif d’isolation du bâtiment (possibilité prévue contractuellement en outre).

De plus, il résulte de l’instruction, et notamment de l’expertise, que compte tenu de la nature et de l’importance des désordres, lesquels induisent des entrées d’air d’un volume trois fois supérieur à celui toléré, la réalisation de ces tests, aurait nécessairement mis en évidence les défauts d’isolation du dispositif, lesquels étaient aisément décelables, mais ne pouvaient l’être que par le biais de tests.

Le juge relève alors que le maître d’ouvrage, qui était averti, pour les avoir imposées, des contraintes liées à la perméabilité à l’air ainsi que des aléas qui pesaient sur la réalisation technique de l’isolation des façades et des ouvertures, et de la vigilance à apporter à son isolation en vue du respect de la limitation de la consommation énergétique, n’a pas pris, en s’abstenant de procéder à une quelconque mesure de l’étanchéité à l’air de l’ouvrage avant sa réception, les mesures s’imposant à un maître de l’ouvrage normalement précautionneux.

Dès lors, les désordres en cause peuvent être regardés comme apparents dans toute leur ampleur à la date de réception de l’ouvrage.

CAA Lyon, 19 septembre 2024, n° 22LY02261

Irrégularité de la procédure de passation en raison de l’imprécision du critère principal de sélection des candidats

L’arrêté du 22 mars 2019 annexé au Code de la commande publique fixe la liste des renseignements et des documents pouvant être demandés aux candidats aux marchés publics.

Saisi d’un référé précontractuel, le juge relève que pour apprécier les capacités techniques et professionnelles des candidats, l’acheteur a notamment exigé des soumissionnaires la production d’une « note d’intention » constituant aussi le principal critère, pondéré à 45 %, de sélection des candidats autorisés à présenter une offre.

Or, le juge relève qu’une telle note d’intention n’est pas au nombre des renseignements que l’acheteur, en application de l’arrêté du 22 mars 2019, est susceptible de demander aux soumissionnaires en phase d’analyse des candidatures.

Le juge relève en outre que ce critère s’avérait imprécis et insuffisamment défini, raison pour laquelle l’acheteur a exigé la production d’un document et de renseignements qui, à supposer même qu’ils ne relèvent pas de la phase d’analyse des offres, excédaient en tout état de cause, ce qu’il pouvait exiger en application de l’arrêté du 22 mars 2019.

L’acheteur a donc méconnu ses obligations de publicité et de mise en concurrence.

TA Paris, 24 septembre 2024, n° 2423321

Absence de négociation pourtant prévue dans les documents de la consultation

Lorsque l’acheteur prévoit que le marché sera attribué à l’issue d’une phase de négociation, il peut néanmoins attribuer le marché public sur la base des offres initiales sans négociation, mais à la condition d’avoir expressément indiqué qu’il se réserve cette possibilité dans les documents de la consultation.

Or, dans ce litige, l’acheteur a choisi de renoncer à la négociation alors que le règlement de la consultation prévoyait une phase de négociation, sans réserver la possibilité pour l’acheteur de ne pas y recourir.

Par ailleurs, dans cette procédure de passation, l’acheteur n’avait en outre pas respecté la pondération des sous-critères prévue par le règlement de la consultation.

TA Strasbourg, 26 septembre 2024, n° 2105389

Le délai écoulé entre la décision d’attribution du marché et l’information d’un candidat évincé ne constitue pas à lui seul un manquement de l’acheteur

Pour rappel, l’acheteur doit notifier sans délai à chaque soumissionnaire concerné sa décision de rejeter son offre, tout en lui communiquant les motifs de rejet de son offre (Articles L. 2181-1 et R. 2181-1 et suivants du Code de la commande publique).

De plus, l’acheteur doit répondre à la demande des soumissionnaires de précisions quant aux motifs de rejet de leurs offres, et ce dans un délai de 15 jours (Article R. 2181-4 du Code de la commande publique).

Le Conseil d’État rappelle à ce titre que l’information sur les motifs du rejet de son offre dont est destinataire le soumissionnaire a, notamment, pour objet de lui permettre de contester utilement le rejet qui lui est opposé devant le juge du référé précontractuel.

L’absence de communication de ces motifs constitue un manquement aux obligations de transparence et de mise en concurrence, mais celui-ci n’est pas constitué :

  • si l’ensemble des informations a été communiqué au candidat évincé à la date à laquelle le juge des référés statue ;
  • et si le délai qui s’est écoulé entre cette communication et la date à laquelle le juge des référés statue a été suffisant pour permettre à ce candidat de contester utilement son éviction (CE, 6 mars 2009, Syndicat mixte de la région d’Auray Belz Quiberon, n°321217).

En revanche, le délai écoulé entre la décision d’attribution du marché et l’information d’un candidat évincé du rejet de son offre n’est pas susceptible, à lui seul, de constituer un manquement de l’acheteur à ses obligations de transparence et de mise en concurrence.

CE, 27 septembre 2024, Région Guadeloupe, n° 490697

Marché public de travaux : Un projet de décompte général incomplet ne peut pas faire naître un décompte général et définitif tacite

Dans cette affaire, la société requérante se prévalait à tort du bénéfice d’un décompte général et définitif tacite.

Le titulaire du marché public avait envoyé un projet de décompte final incomplet au maître d’ouvrage, dans la mesure où celui-ci n’était pas accompagné des calculs des quantités prises en compte et des calculs des coefficients de variation des prix.

À défaut de retour de la part du maître d’ouvrage, le titulaire a mis en demeure sous 10 jours le maître d’ouvrage d’établir le projet de décompte général, ce qu’il n’a pas fait.

Dès lors, le titulaire se prévalait d’un décompte général et définitif tacite.

Cependant, la Cour relève que le projet de décompte général de la société en cause comportait un décompte final incomplet ne pouvant alors pas fait naître un décompte général et définitif tacite qui serait devenu intangible.

CAA Nantes, 27 septembre 2024, n° 23NT01338

Laurent Bidault Avocat - Novlaw Avocats

Coécrit avec Nicolas Machet & Laurent Bidault, Avocat Associé chez Novlaw Avocats, spécialisé en droit public, notamment en droit des contrats publics (marché public, concession) et en droit immobilier public (aménagement, urbanisme, construction). Il a également développé une expertise particulière en matière d’innovation appliquée au secteur public (achat innovant, R&D, BIM).

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