Marche travaux Responsabilité contractuelle et quasi delictuelle

Marché travaux : Responsabilité contractuelle et quasi délictuelle

Dans une décision rendue le 30 décembre 2024, le Conseil d’État apporte des précisions sur le point de départ et la mise en œuvre de la prescription en matière de responsabilité contractuelle et quasi délictuelle des constructeurs.

CE, 30 décembre 2024, Chambre d’agriculture de l’Orne, n°491818

Rappel sur les responsabilités contractuelle et quasi délictuelle

Dans le cadre de l’exécution d’un contrat, la partie qui manque à ses obligations engage sa responsabilité contractuelle.

La partie qui subit un dommage né d’une mauvaise exécution du contrat dispose de 5 ans à compter du jour où elle a connu ou aurait dû connaître les faits à l’origine de ce dommage pour engager la responsabilité contractuelle de son cocontractant. Il s’agit du délai de prescription de l’article 2224 du code civil, applicable aux contrats administratifs.

En matière de marché public de travaux, cette responsabilité court jusqu’à la réception des travaux par le maître d’ouvrage. Les dommages apparus postérieurement à la réception relèvent de la garantie de parfait achèvement ou de la garantie décennale.

Toujours en matière de marchés travaux, il peut arriver que des tiers interviennent directement ou indirectement aux opérations de travaux sans être liés contractuellement au maître d’ouvrage.

C’est notamment le cas des sous-traitants et des fabricants de matériaux, qui sont uniquement liés par un contrat avec le ou les constructeurs. Si leur intervention est à l’origine d’un dommage, leur responsabilité peut être recherchée par le maître d’ouvrage sur un fondement quasi délictuel.

La décision ici commentée du Conseil d’État nous donne un exemple d’application de ces régimes de responsabilité et de leur articulation.

Les dommages à l’origine de l’action

Dans l’affaire en question, la Chambre d’agriculture de l’Orne avait conclu en 2009 un marché public de travaux portant sur le remplacement de fenêtres d’un immeuble de bureaux. Toutefois, en raison de nuisances sonores liées au vent imputées aux fenêtres nouvellement posées, les travaux n’ont jamais été réceptionnés par le maître d’ouvrage. Une expertise avait été ordonnée en 2010 par le juge des référés du Tribunal de grande instance d’Alençon, à la demande du titulaire du marché.

Afin d’obtenir réparation des préjudices subis, la Chambre d’agriculture de l’Orne a demandé en 2020 au Tribunal administratif de Caen de condamner solidairement le titulaire du marché, sur un fondement contractuel, et son fabricant, sur un fondement quasi délictuel.

Cette demande a été rejetée par le Tribunal administratif de Caen, rejet confirmé en appel par un arrêt contre lequel la Chambre d’agriculture de l’Orne s’est pourvue en cassation devant le Conseil d’État.

Le point de départ du délai de prescription de l’action contractuelle

Dans un premier temps, le Conseil d’État rappelle le délai de prescription de 5 ans applicable à l’action contractuelle, en vertu de l’article 2224 du Code civil.

Il précise surtout qu’en l’absence de réception des travaux, ce délai court à compter de la manifestation du dommage, c’est-à-dire « de la date à laquelle la victime a une connaissance suffisamment certaine de l’étendue du dommage, quand bien même le responsable de celui-ci ne serait à cette date pas encore déterminé ».

Or, en l’espèce, la Chambre d’agriculture de l’Orne avait fait dresser, dès 2010, un constat d’huissier de justice qui établissait l’existence de nuisances sonores dans les pièces de l’immeuble équipées des nouvelles fenêtres, caractérisées par « de fortes incursions dans les aigus donnant l’impression d’un vent violent ».

Pour la Haute Juridiction, ce constat établissait la connaissance suffisamment certaine par le maître d’ouvrage de l’étendue du dommage, alors même qu’il ne savait pas encore que les nuisances sonores relevées dépassaient l’émergence globale réglementaire (article R. 1336-7 du code de la santé publique).

Par conséquent, le délai de prescription avait commencé à courir dès 2010.

Le Conseil d’État valide l’analyse de la Cour administrative d’appel qui avait conclu à la prescription de la demande de la Chambre d’agriculture de l’Orne enregistrée en 2020.

La possibilité d’engager une action quasi délictuelle

Ensuite, la Haute Juridiction admet que dans le cas où la responsabilité du ou des cocontractants ne pourrait pas être recherchée, le maître d’ouvrage peut mettre en cause, sur un terrain quasi délictuel, la responsabilité des participants à une opération de construction avec lesquels il n’a pas conclu de contrat de louage d’ouvrage mais qui sont intervenus en vertu d’un contrat conclu avec l’un des constructeurs.

Néanmoins, cette action ne peut pas être engagée lorsque le maître d’ouvrage a laissé prescrire l’action en responsabilité contractuelle qu’il pouvait exercer contre son ou ses cocontractants.

Puisque l’action contre le titulaire du marché était prescrite, la Chambre d’agriculture ne pouvait donc pas rechercher la responsabilité du fabricant des fenêtres.

Autrement dit, il n’est pas possible de surmonter la prescription de l’action contractuelle par l’engagement d’une action quasi délictuelle.

En effet, le Conseil d’État considère que, pour des mêmes désordres, ces deux actions sont soumises au même délai de prescription.

Par conséquent, il importe d’être particulièrement vigilant sur le point de départ du délai de prescription et ne pas tarder à engager la responsabilité des constructeurs et/ou des intervenants aux opérations de travaux, au risque de perdre tout droit à réparation du préjudice.

Laurent Bidault Avocat - Novlaw Avocats

Coécrit avec Nicolas Machet & Laurent Bidault, Avocat Associé chez Novlaw Avocats, spécialisé en droit public, notamment en droit des contrats publics (marché public, concession) et en droit immobilier public (aménagement, urbanisme, construction). Il a également développé une expertise particulière en matière d’innovation appliquée au secteur public (achat innovant, R&D, BIM).

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