Sommaire
- La notion d’intéressement personnel d’un Maire s’agissant d’un projet de construction dans sa commune
Pas de régularisation possible d’un permis de construire lorsqu’il a été obtenu par fraude
Un réseau électrique renforcé pour une antenne mobile peut constituer un équipement public exceptionnel
Après cassation, le juge du fond doit réexaminer le litige dans le respect du contradictoire et en tenant compte des pièces produites devant le Conseil d’ État
La qualité d’héritier ne suffit pas à justifier d’un intérêt à agir contre un permis de construire
La suspension d’une décision d’utilité publique reste soumise à l’urgence si le projet n’affecte pas l’environnement
Précisions sur l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme en cas de changement de nature du projet un permis distinct est toujours nécessaire
L’irrégularité d’une délibération préparatoire n’a pas d’incidence sur la légalité de la délibération d’approbation d’un PLU
Le Conseil d’État reconnaît qu’un projet de logements sociaux peut justifier une dérogation aux espèces protégées au titre d’une raison impérative d’intérêt public majeur
Location de locaux commerciaux en meublé de tourisme : les critères du régime d’autorisation doivent être clairs
Sur le mécanisme de double régularisation avec les articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l’urbanisme
L’appel contre un jugement avant-dire droit peut devenir sans objet après régularisation du vice constaté
Dans quel cas, le juge du référé-suspension peut-il retenir l’urgence à suspendre les effets d’un arrêté refusant la délivrance d’un permis de construire ?
Quels apports jurisprudentiels en matière de caducité du permis de construire ?
Incompétence du Conseil d’ État pour juger en premier ressort de la légalité d’un permis modificatif délivré en cours d’instance de cassation
Un propriétaire indivis peut contester seul une décision de préemption
La notification d’une décision de préemption peut valablement être faite au notaire du vendeur ayant signé la DIA
Un secteur déjà urbanisé peut être reconnu à partir de documents antérieurs à la loi ELAN
- Urbanisme : Revue de jurisprudence mars 2024

Urbanisme et aménagement : Revue de jurisprudence de l’hiver
Retrouvez les principales décisions rendues durant les mois décembre 2024 à mars 2025 en matière de droit de l’urbanisme et d’aménagement
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Décembre 2024
La notion d’intéressement personnel d’un Maire s’agissant d’un projet de construction dans sa commune
Dans une décision du 13 décembre 2024 (n° 470383), le Conseil d’État apporte des précisions sur l’intérêt personnel du maire dans le cadre de la délivrance d’un permis de construire, en application de l’article L. 422-1 du Code de l’urbanisme.
Il juge que, si le maire est personnellement intéressé à l’opération ou peut légitimement être regardé comme tel, il doit se dessaisir au profit d’un autre membre du conseil municipal désigné à cet effet.
En l’espèce, le maire de Balanzac avait accordé en 2018 un permis de construire valant autorisation de démolir à une SCI dont l’un des cogérants était un parent, l’autre cogérante ayant été élue sur sa liste municipale, et lui-même étant gérant d’une société voisine propriétaire de parcelles attenantes.
Malgré ces liens personnels et de voisinage, le tribunal administratif de Poitiers, puis la cour administrative d’appel de Bordeaux, ont jugé qu’il n’était pas intéressé au sens juridique du terme, et ont validé la légalité du permis après régularisation par permis modificatif (article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme).
Le Conseil d’État confirme l’analyse, estimant que la cour n’a pas inexactement qualifié les faits et a pu légitimement considérer que les liens existants n’étaient pas de nature à altérer l’impartialité de l’autorité décisionnaire, ni à impliquer un conflit d’intérêts suffisant pour écarter le maire de la procédure de délivrance.
Pas de régularisation possible d’un permis de construire lorsqu’il a été obtenu par fraude
Dans une décision du 18 décembre 2024 (n° 490711), le Conseil d’État rappelle une limite fondamentale au mécanisme de régularisation des autorisations d’urbanisme : lorsqu’un permis de construire a été obtenu par fraude, il ne peut faire l’objet d’aucune régularisation, y compris par la délivrance d’un permis modificatif.
Si la jurisprudence permet classiquement de purger les vices de légalité d’un permis initial par un permis modificatif, cette solution suppose que les irrégularités soient de nature formelle ou réglementaire et que le projet puisse être mis en conformité a posteriori.
Mais cette régularisation est inapplicable en présence de manœuvres frauduleuses, c’est-à-dire lorsque le pétitionnaire a dissimulé volontairement des éléments de nature à fausser l’analyse du dossier par l’administration instructrice.
Le Conseil d’État précise que la fraude exclut toute purge rétroactive de l’illégalité : même après délivrance d’un permis modificatif, l’autorisation initiale reste entachée d’une illégalité non régularisable et peut donc être utilement contestée dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir.
Un réseau électrique renforcé pour une antenne mobile peut constituer un équipement public exceptionnel
Par une décision d’importance, le Conseil d’État précise que l’extension ou le renforcement du réseau de distribution d’électricité requis pour l’installation d’une infrastructure de téléphonie mobile peut être regardé comme ayant le caractère d’un équipement public exceptionnel au sens de l’article L. 332-8 du Code de l’urbanisme.
Cette qualification s’appuie notamment sur les travaux préparatoires de la loi ELAN (résumé et définition selon les Editions Législatives), qui ont expressément visé les installations de communications électroniques comme pouvant bénéficier de ce régime.
Le caractère exceptionnel s’apprécie ici au regard de l’intérêt public que constitue la couverture du territoire national en réseau mobile, et de l’éloignement des zones électrifiées concernées.
Ainsi, lorsqu’un pétitionnaire accepte de prendre en charge les coûts de ces travaux dans le cadre d’un accord conforme à l’article L. 332-8, l’autorisation de construire ne peut être légalement refusée sur le fondement de l’article L. 111-11 du même code, lequel encadre les règles de raccordement aux réseaux publics, sauf en cas de motif autre que financier.
Après cassation, le juge du fond doit réexaminer le litige dans le respect du contradictoire et en tenant compte des pièces produites devant le Conseil d’ État
En l’espèce, le litige portait sur la contestation d’un permis de construire délivré en vue de réaliser une résidence seniors de deux bâtiments ainsi que quarante-cinq logements.
Les juges de première instance avaient rejeté la requête introductive au motif que la preuve de notification imposée par l’article R. 600-1 du Code de l’urbanisme n’avait pas été produite par les requérants.
L’ordonnance de rejet ayant été annulée en cassation et l’affaire renvoyée devant le Tribunal administratif de Marseille, ce dernier a jugé la requête irrecevable sur le même motif.
Ici le Conseil d’État rappelle les obligations du juge du fond saisi après cassation : lorsqu’une juridiction est renvoyée à rejuger un litige après annulation, elle doit réexaminer intégralement l’affaire, en respectant le contradictoire, et prendre en compte l’ensemble des pièces produites par les parties, y compris celles versées au dossier devant le juge de cassation.
Cette obligation ne s’applique toutefois pas si le litige a été tranché au fond directement par le Conseil d’État, en application de l’article L. 821-2 du Code de justice administrative.
Mais en cas de renvoi au juge du fond, ce dernier doit permettre aux parties d’adapter leurs conclusions et leurs arguments, et examiner les pièces jointes dans les mémoires adressés au Conseil d’État, pourvu qu’elles aient été référencées dans l’inventaire prévu à l’article R. 412-2 CJA.
CE, 18 décembre 2024, Association Timone Noyau Villageois, n° 475053
La qualité d’héritier ne suffit pas à justifier d’un intérêt à agir contre un permis de construire
Par une décision du 16 octobre 2024, le Conseil d’État rappelle que l’intérêt à agir contre un permis de construire s’apprécie exclusivement au regard des articles L. 600-1-2 et L. 600-1-3 du Code de l’urbanisme, et non à la lumière des règles civiles relatives à la succession.
En l’espèce, une requérante contestait un permis de construire affectant la vue d’une maison dont sa mère, usufruitière jusqu’à son décès, avait eu la jouissance. La cour administrative d’appel avait admis que la qualité d’héritière conférait à la fille un intérêt à agir, en se fondant sur l’article 724 du Code civil, relatif à la saisine des héritiers.
Le Conseil d’État censure ce raisonnement, estimant que seules les règles d’urbanisme doivent être prises en compte pour apprécier l’intérêt à agir, lequel doit exister à la date de l’affichage du permis en mairie.
Or, à cette date, la requérante n’était ni propriétaire, ni usufruitière, ni occupante du bien, ayant cédé la nue-propriété à ses enfants et n’ayant pas encore recueilli la succession.
La suspension d’une décision d’utilité publique reste soumise à l’urgence si le projet n’affecte pas l’environnement
Par une décision du Conseil d’État, la Haute juridiction vient rappeler les conditions d’application du référé-suspension sans urgence prévu par l’article L. 554-12 du Code de justice administrative, renvoyant à l’article L. 123-16 du Code de l’environnement, dans le cas des décisions prises à l’issue d’une enquête publique avec conclusions défavorables.
En l’espèce, un arrêté déclarant d’utilité publique la constitution d’une réserve foncière, pris après une enquête publique ayant conduit à des conclusions défavorables, avait été suspendu en référé par le juge de première instance.
Celui-ci s’était fondé sur l’existence d’un doute sérieux sur la légalité de l’arrêté, sans examiner l’urgence, estimant que l’affaire relevait du régime spécial des projets susceptibles d’affecter l’environnement.
Le Conseil d’État censure cette analyse : il rappelle que la dispense de la condition d’urgence ne vaut que si l’enquête publique est celle régie par le Code de l’environnement, applicable uniquement aux projets ayant une incidence environnementale.
En l’absence de tels effets – comme en l’espèce, où la constitution d’une réserve foncière n’affecte pas l’environnement – la procédure reste celle du droit commun, et l’urgence demeure une condition requise pour suspendre l’exécution de l’acte.
Janvier 2025
Précisions sur l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme en cas de changement de nature du projet un permis distinct est toujours nécessaire
Dans un arrêt du 22 février 2024, la cour administrative d’appel de Versailles précise les contours de la régularisation d’un permis de construire au regard de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme.
Les juges d’appel ont rappelé que plusieurs permis modificatifs peuvent être notifiés au cours d’une instance, même si l’un d’eux ne se borne pas à remédier au vice à régulariser, à condition toutefois qu’aucun de ces permis n’entraîne un bouleversement tel qu’il changerait la nature du projet initial (Avis du CE, 2 octobre 2020, n° 438318).
Cette ligne jurisprudentielle s’inscrit dans le sillage des précisions apportées par le Conseil d’Etat (voir en ce sens, CE, 5 février 2021, M. et Mme BOISSERY, n° 430990 et CE, 16 juillet 2022, Mme VINCLER, n° 437765).
En l’espèce, un permis de construire portant sur un immeuble de vingt-deux logements avait été annulé en première instance en raison de la méconnaissance d’une règle locale d’urbanisme relative au traitement des façades aveugles (article UGF 11.5 du PLU).
La cour a toutefois considéré que ce vice était régularisable et a sursis à statuer. Deux permis modificatifs ont ensuite été délivrés :
- le premier a modifié l’aspect de la façade litigieuse permettant de régulariser ce vice ;
- le second, en revanche, a réduit de moitié le nombre de logements et modifié les caractéristiques architecturales du projet (implantation du bâtiment, modifications de la volumétrie et des façades).
La cour annule dès lors le jugement de première instance, le vice initial ayant été régularisé, mais annule également le second permis modificatif.
En effet, les juges d’appel ont estimé que la réduction pour moitié du nombre de logements initialement prévu (allant de 22 logements à 11 logements) et surtout la modification des caractéristiques architecturales du projet (d’une architecture contemporaine à celle de maisons anciennes caractéristiques de la rue) ont entrainé un bouleversement tel que seul un nouveau permis de construire aurait pu être délivré par le Maire.
L’irrégularité d’une délibération préparatoire n’a pas d’incidence sur la légalité de la délibération d’approbation d’un PLU
Par une décision récente, le Conseil d’État confirme l’extension de la jurisprudence issue de l’arrêt Commune de Saint-Bon-Tarentaise (CE, 5 mai 2017, n° 388902), en jugeant que les irrégularités affectant la délibération arrêtant le projet de PLU avant l’enquête publique sont inopérantes à l’encontre de la légalité de la délibération approuvant le plan local d’urbanisme.
Avant cette évolution jurisprudentielle, les vices entachant la phase amont de la procédure d’élaboration d’un PLU – notamment la délibération prescrivant son élaboration ou sa révision – pouvaient entraîner l’annulation de la délibération d’approbation du plan (CE, 10 février 2010, Commune de Saint-Lunaire, n° 327149).
Le Conseil d’État a depuis opéré un revirement jurisprudentiel, en soulignant que ces actes préparatoires n’ont ni la même portée, ni le même effet juridique que la délibération finale, seule susceptible de produire des effets normatifs.
Dans la décision commentée, les moyens contestant la délibération arrêtant le projet de PLU avant enquête publique sont écartés comme inopérants, dès lors qu’ils sont dirigés contre la délibération d’approbation du PLU.
Deux motifs sont avancés par la Haute juridiction :
- d’une part, la délibération finale du conseil municipal engage une approbation complète du contenu du PLU, couvrant ainsi les éventuelles irrégularités précédentes ;
- d’autre part, la phase d’arrêt du projet avant enquête publique ne produit aucun effet juridique propre, malgré son encadrement procédural.
Le Conseil d’État reconnaît qu’un projet de logements sociaux peut justifier une dérogation aux espèces protégées au titre d’une raison impérative d’intérêt public majeur
Par une décision du 29 janvier 2025, le Conseil d’État a annulé l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nancy ayant refusé de reconnaître une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) justifiant la dérogation aux interdictions de destruction et de perturbation d’une espèce protégée dans le cadre d’un projet immobilier de logements sociaux.
Le projet, situé à Villers-lès-Nancy, portait sur la réalisation de soixante logements locatifs sociaux et dix-huit en accession sociale. Le site, un ancien terrain de football en friche, jouxte un espace naturel fréquenté par des salamandres tachetées, espèce protégée. Deux arrêtés préfectoraux du 16 novembre 2018 avaient accordé aux sociétés pétitionnaires la dérogation prévue à l’article L. 411-2 du code de l’environnement, avec la mise en place de mesures de réduction des impacts.
Saisi par des riverains et une association environnementale, le tribunal administratif de Nancy avait annulé les arrêtés, décision confirmée en appel. Les juges du fond avaient estimé que le projet ne répondait pas à une RIIPM suffisante, la commune respectant déjà les objectifs de la loi SRU, sans démonstration d’une pénurie ou d’un besoin local insatisfait.
Le Conseil d’État censure cette appréciation, relevant une erreur de qualification juridique en estimant :
- d’une part, que la construction de logements sociaux destinés à des publics modestes relève d’un intérêt public majeur de nature sociale, sans que le respect ponctuel des seuils SRU n’y fasse obstacle ;
- Et d’autre part, que les seuils légaux ne constituent pas des plafonds et l’appréciation de la RIIPM doit s’effectuer dans une perspective structurelle et de long terme.
Précisément, sur ces deux points, le Conseil d’ État estime que “ la construction de ces logements est destinée soit à permettre à une population modeste d’accéder à la propriété, soit à assurer le logement des populations les plus fragiles” et qu’en outre, “le taux de logements sociaux de la commune, observé sur une période significative de dix ans, était structurellement inférieur à l’objectif de 20 % fixé par le législateur et l’un des plus faibles de la métropole du Grand-Nancy “.
Enfin, le Conseil d’ État a retenu qu’en l’espèce, “les objectifs fixés par la loi en termes de logements locatifs sociaux constituaient des seuils à atteindre et non des plafonds, la cour administrative d’appel de Nancy a inexactement qualifié les faits de l’espèce”.
En tout état de cause, la Haute juridiction rappelle que l’absence d’autre solution satisfaisante et le maintien de l’état de conservation des espèces doivent être examinés séparément, et non être intégrés à l’appréciation de la RIIPM.
Février 2025
Location de locaux commerciaux en meublé de tourisme : les critères du régime d’autorisation doivent être clairs
Dans une décision du 6 février 2025, la cour administrative d’appel de Paris a partiellement annulé une délibération du Conseil de Paris soumettant à autorisation la transformation de locaux commerciaux en meublés de tourisme, conformément à l’article L. 324-1-1, IV bis, du Code du tourisme.
Si la juridiction valide en principe la possibilité pour la Ville de Paris de soumettre cette activité à un régime d’autorisation — au regard de la tension sur le commerce de proximité et de ses effets sur l’environnement urbain — elle censure cependant certaines dispositions de la délibération.
Ainsi, la cour confirme l’interdiction de louer en meublé de tourisme :
- pour les locaux commerciaux situés sur les linéaires protégés par le PLU, afin de préserver la vocation commerciale de certains quartiers,
- en cas de nuisances excessives pour l’environnement urbain.
En revanche, les juges d’appel annulent la clause interdisant la location si elle « rompt l’équilibre entre emploi, habitat, commerces et services », faute pour la Ville d’avoir défini les critères de mise en œuvre de cet objectif.
Une telle exigence de clarté découle de l’article R. 324-1-5 du Code du tourisme, mais aussi de la directive Services 2006/123/CE, qui impose des règles transparentes, objectives et prévisibles en matière de réglementation économique.
La cour relève enfin que l’absence de délai de mise en œuvre (entrée en vigueur immédiate de la mesure) porte une atteinte excessive au principe de sécurité juridique, en ce qu’elle ne permettait pas aux exploitants de se mettre en conformité (CE, ass., 24 mars 2006, n° 288460, Sté KPMG).
Que retenir de cet arrêt ? Un régime d’autorisation préalable est possible pour la transformation de locaux commerciaux en meublés de tourisme, mais ce régime doit s’appuyer sur des critères précis et publics. De plus, un délai d’adaptation est impératif pour garantir la sécurité juridique des acteurs économiques.
Sur le mécanisme de double régularisation avec les articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l’urbanisme
Par un arrêt du 6 février 2025, la cour administrative d’appel de Nancy annule le jugement du tribunal administratif de Strasbourg qui avait censuré un permis de construire modificatif visant à régulariser une implantation non conforme à la limite séparative d’un projet de transformation d’une grange en cabinet médical.
En l’espèce, le permis modificatif du 14 mai 2018 autorisait la pose d’un bardage bois sur 15 % du mur litigieux, sans remédier à l’irrégularité d’implantation.
La cour reproche au tribunal de ne pas avoir sursis à statuer afin de permettre la régularisation du vice, pourtant régularisable au regard de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme.
Elle rappelle qu’un vice d’urbanisme peut être corrigé même après achèvement des travaux, dès lors que la régularisation n’altère pas la nature du projet (voir notre revue de jurisprudence de l’automne 2024 et notre analyse de l’arrêt du Conseil d’ État du 14 octobre 2024 n° 471936).
Les juges d’appel valident ainsi le second permis modificatif régularisant certains vices dont est entaché le projet.
En clair, comme le rappelle la cour, même si le vice relevé affectait déjà le permis de construire initial délivré au pétitionnaire qui avait été pour ce motif partiellement annulé sur le fondement de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme, cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce que le tribunal administratif ordonne une mesure de régularisation sur le fondement de l’article L. 600-5-1, dès lors que le permis modificatif litigieux délivré n’avait pas permis de corriger ce vice.
Par contre, les juges rappellent deux règles importantes :
- Il faut que la nature de ce vice permette une nouvelle mesure de régularisation sans qu’y fassent obstacle les règles d’urbanisme alors en vigueur.
- Et que cette régularisation ne vienne pas bouleverser la nature du projet.
L’appel contre un jugement avant-dire droit peut devenir sans objet après régularisation du vice constaté
Dans une décision remarquable, la cour administrative d’appel de Bordeaux précise les conséquences procédurales de la régularisation d’un document d’urbanisme entaché d’illégalité dans le cadre du mécanisme prévu par l’article L. 600-9 du Code de l’urbanisme, applicable aux SCOT, PLU et cartes communales.
En effet, il faut rappeler que le législateur a prévu la possibilité de régulariser une illégalité entachant l’élaboration ou la révision d’un SCoT, d’un PLU ou d’une carte communale.
Partant, lorsque le juge de première instance sursoit à statuer pour permettre à la collectivité de régulariser le vice identifié, le recours donne lieu à deux jugements successifs :
- un premier, avant-dire droit, qui identifie l’irrégularité et fixe un délai de régularisation,
- Et un second, qui vérifie si la régularisation est intervenue et régularise ou non le document ainsi modifié.
À l’évidence, ces deux décisions peuvent être contestées en appel.
Néanmoins, les juges d’appel opèrent une distinction en fonction de la qualité de l’appelant.
Ainsi, la cour de Bordeaux juge que l’appel du requérant dirigé contre le premier jugement devient sans objet si, entre-temps, la collectivité a régularisé le document en adoptant une nouvelle délibération. Ainsi, la régularisation prive d’objet les conclusions contestant l’application de l’article L. 600-9 lorsque le vice a été purgé dans le délai imparti.
En revanche, lorsque c’est la collectivité elle-même qui interjette appel contre le premier jugement – par exemple parce que celui-ci a partiellement annulé le document d’urbanisme – cet appel conserve son intérêt, même si un second jugement est devenu définitif.
La cour admet donc une différenciation selon la qualité de l’appelant, confirmant ainsi la portée distincte du mécanisme selon les parties concernées.
Cette position s’aligne sur les enseignements du Conseil d’État en matière d’autorisations d’urbanisme (CE, 23 nov. 2022, Société Les Jardins de Flore et Mont-Blanc, n° 449443).
Dans quel cas, le juge du référé-suspension peut-il retenir l’urgence à suspendre les effets d’un arrêté refusant la délivrance d’un permis de construire ?
C’est la question qui se pose devant le Conseil d’ État, dans cette affaire, qui s’inscrit dans le sillon d’une jurisprudence rare sur le sujet.
Ainsi, la Haute juridiction a pu estimer qu’une promesse de vente conclue avec condition suspensive d’obtention du permis de construire sollicité et surtout, la caducité de cette promesse de vente, pouvait justifier une telle urgence à suspendre les effets d’un refus de permis (CE, 14 octobre 2009, Sté Eurovia Lorraine, n° 327930).
Il en va de même lorsque le pétitionnaire se heurte à plusieurs refus de délivrance de permis de construire, lesquels ont été annulés par des jugements devenus définitifs (CE, 9 mai 2001, Commune de Scy-Chazelles, n° 230705).
En l’espèce, le Conseil d’État a estimé que dans la mesure où la construction en cause a été construite illégalement, le requérant ne pouvait justifier une telle urgence.
De même, ni la situation financière du requérant, ni son projet de vente de leur terrain sur le fondement d’un permis de construire provisoire délivré sur la demande faite au juge des référés ne seraient de nature à justifier une urgence à suspendre ce refus de permis de construire.
Finalement, ça n’est que dans de très rares cas que le Conseil d’État admet que l’urgence justifie de suspendre les effets d’un refus de permis de construire.
Quels apports jurisprudentiels en matière de caducité du permis de construire ?
Dans un arrêt récent, le Conseil d’État revient sur la question de la caducité d’un permis de construire délivré en zone tendue sur le fondement de l’article R. 811-1-1 du code de justice administrative.
Il y a lieu de rappeler que pour réduire les délais de traitement des recours dirigés, notamment, contre des permis de construire autorisant des projets de construction de plus de deux logements, le législateur a supprimé la voie d’appel dans les zones tendues (visées par l’article 232 du code général des impôts).
Dans sa décision, le Conseil d’Etat estime que dans ces zones tendues, comme la Ville de Marseille, il peut statuer en cassation sur une ordonnance rendue en premier et dernier ressort, à la suite d’un recours formé en tierce opposition devant le juge de première instance.
Plus précisément, ce recours en tierce opposition avait été formé par des voisins immédiats du projet qui contestaient l’annulation par le Tribunal administratif, annulant la constatation de la caducité du permis de construire délivré.
En clair, “si la qualité de voisin du projet de construction autorisé ne confère pas qualité pour former tierce-opposition contre un jugement annulant la décision constatant la caducité du permis de construire, il en va autrement lorsque ce constat a été prononcé à sa demande” nous dit le Conseil d’Etat.
Mars 2025
Incompétence du Conseil d’ État pour juger en premier ressort de la légalité d’un permis modificatif délivré en cours d’instance de cassation
Dans une décision du 7 mars 2025 (n° 489519), le Conseil d’État confirme que le juge de cassation n’est pas compétent pour connaître en premier et dernier ressort d’un recours dirigé contre un permis modificatif délivré en cours d’instance, même lorsque celui-ci a été notifié dans le cadre d’une procédure de régularisation sur le fondement de l’article L. 600-5 du Code de l’urbanisme.
En l’espèce, un permis de construire modificatif avait été délivré par le maire de Talloires-Montmin en février 2024 afin de régulariser un vice identifié par le tribunal administratif de Grenoble dans une décision du 20 novembre 2023, ayant partiellement annulé le permis initial.
Bien que cette décision ait fait l’objet d’un pourvoi en cassation, le Conseil d’État juge que la contestation du permis modificatif relève toujours du tribunal administratif compétent.
Cette décision revient sur l’exception admise par le Conseil d’État dans un précédent arrêt (CE, 10 octobre 2022, n° 452955), où il avait accepté de statuer lui-même, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, sur un permis modificatif délivré après une seconde cassation.
Cette souplesse reste possible, mais cela suppose des circonstances exceptionnelles (jugement au fond après une seconde cassation sur la légalité du permis de construire initial), absentes en l’espèce.
Reste, néanmoins, l’hypothèse d’une bonne administration de la justice pouvant justifier que le Conseil d’ État se prononce, au fond, sur la légalité d’un permis de construire modificatif délivré en cours d’instance de cassation.
Un propriétaire indivis peut contester seul une décision de préemption
Dans une décision de principe, le Conseil d’État vient de réaffirmer que le propriétaire indivis d’un bien immobilier est recevable à agir seul contre une décision de préemption affectant ce bien, sans avoir à obtenir l’accord préalable des autres indivisaires.
Reprenant la motivation d’une jurisprudence bien établie (CE, 21 mai 2008, n° 296156), la Haute juridiction souligne qu’une décision de préemption porte atteinte, par nature, au droit de propriété du vendeur, ce qui suffit à caractériser un intérêt donnant qualité à agir.
Peu importe que le requérant ne détienne qu’une quote-part indivise du bien : la préemption constitue une limitation directe des droits de tous les indivisaires, pris ensemble ou isolément.
Le Conseil d’État censure ainsi la position du juge d’appel, qui avait estimé que l’action intentée par un seul indivisaire constituait un acte de disposition nécessitant l’accord de tous les coïndivisaires.
Or, souligne la Haute juridiction, l’atteinte au droit de propriété résulte de la décision de préemption elle-même, et non de l’initiative contentieuse du requérant.
La notification d’une décision de préemption peut valablement être faite au notaire du vendeur ayant signé la DIA
En l’espèce, le Conseil d’État précise les modalités de la notification de la décision de préemption prévue à l’article L. 213-2 du Code de l’urbanisme, en jugeant que lorsque le notaire a signé la déclaration d’intention d’aliéner (DIA), la notification peut valablement lui être adressée, sauf si le vendeur a expressément manifesté une volonté contraire.
Ceci est important puisqu’il convient de rappeler que c’est précisément la notification au vendeur ainsi qu’à l’acquéreur qui fait partir le délai de recours contentieux.
Le juge administratif confirme que le notaire signataire de la DIA est présumé avoir reçu mandat du vendeur pour l’ensemble de la procédure de préemption, y compris la réception de la décision de préempter, à deux conditions : que la DIA ait été signée par le notaire, et qu’il n’existe pas de volonté contraire exprimée par le vendeur.
Cette solution s’inscrit dans la continuité d’une jurisprudence antérieure (CE, 30 juin 2006, n° 274062), selon laquelle le notaire pouvait déjà être présumé mandataire, sous réserve que la déclaration n’identifie pas un autre destinataire pour la notification.
Ici encore, la formalisation du mandat découle d’un acte unilatéral, et l’absence de précision contraire du vendeur suffit à valider la notification entre les mains du notaire.
Un secteur déjà urbanisé peut être reconnu à partir de documents antérieurs à la loi ELAN
Dans cette décision, le Conseil d’ État précise les conditions de légalité de constructions en zone littorale, en rappelant que la notion de “secteur déjà urbanisé”, introduite par la loi ELAN du 23 novembre 2018, requiert une double condition pour être mobilisée :
- Identification par un SCOT
- Délimitation par un PLU, conformément à l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme
Dans l’affaire commentée, le juge d’appel avait considéré la seule mention d’un secteur dans un SCOT était suffisante, sans vérifier si ce secteur avait bien été délimité par le PLU, comme l’exige pourtant le texte précité. Le Conseil d’État censure donc cette erreur, en réaffirmant le caractère cumulatif des deux conditions.
Surtout, la décision innove en admettant que l’identification et la délimitation d’un secteur déjà urbanisé peuvent résulter de documents d’urbanisme antérieurs à la loi ELAN, pourvu qu’ils présentent un niveau de précision suffisant.
Ainsi, l’antériorité des documents n’est pas un obstacle, à condition que ceux-ci permettent clairement d’identifier et de circonscrire un secteur présentant les caractéristiques exigées par la jurisprudence : densité, continuité, structuration par voiries et équipements (CE, 22 avril 2022, n° 450229).

Cet article a été écrit par Célie Mendez Avocate Associée chez Novlaw Avocats qui intervient principalement en droit de l’urbanisme
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