Face à la crise de l’énergie, les petites et moyennes entreprises ont de plus en plus de difficultés à faire face à la hausse des prix du gaz et de l’électricité. Restauration, service à la personne, hôtellerie, etc., aucun secteur n’est épargné.

Pour tenter de remédier à ces problématiques, le Gouvernement a mis en place des aides de différente nature, la mesure phare étant le bouclier tarifaire, initialement issu de de la loi du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

Le bouclier tarifaire est une aide accordée par l’État à certaines entreprises, dès lors qu’elles ont moins de dix salariés, des recettes ou un bilan égal ou inférieur à deux millions d’euros, et ont souscrit un contrat d’électricité avec puissance inférieure ou égale à 36 kVA. Cette aide permet alors une limitation des hausses des prix du gaz naturel et de l’électricité.

Toutefois le bouclier tarifaire ne s’applique qu’aux contrats de gaz et d’électricité bénéficiant d’un tarif réglementé, ou indexé. Or la plupart des opérateurs proposent essentiellement des contrats à la tarification libre, en fonction des variations du marché.

D’où cette question : une entreprise peut-elle changer d’opérateur ou de contrat afin de bénéficier du bouclier tarifaire, avec application du tarif réglementé ou indexé ?

Pour les consommateurs, la réponse est oui. La procédure est même extrêmement simple (le changement se fera automatiquement sur simple souscription d’un nouveau contrat auprès d’un autre fournisseur).

Les professionnels en revanche (TPE, PME, etc.) sont soumis au respect des clauses des contrats qu’ils ont souscrits, qui prévoient bien souvent une durée minimale, un préavis de résiliation, et surtout des pénalités élevées en cas de résiliation anticipée du contrat.

Cette situation engendre des difficultés très importantes pour les entreprises bloquées avec des contrats au tarif libre, qui ne bénéficient de pratiquement aucune aide alors qu’elles ont besoin d’énergie pour produire leurs services (un restaurateur pour chauffer sa salle, alimenter ses cuisines, un hôtel pour chauffer ses chambres, etc.).

La situation est d’autant plus préoccupante qu’elle s’accompagne d’une inflation sans précédent et que les entreprises ont déjà été particulièrement fragilisées par la crise de la covid-19.

Nous proposons ici un certain nombre de solutions et suggestions pour aider les professionnels à résilier des contrats d’énergie trop onéreux ou contraindre les fournisseurs à les modifier, afin d’offrir aux entreprises un tarif plus avantageux dans la mesure du possible (par exemple pour passer d’un tarif libre à un tarif indexé).

Première solution : La révision ou la résiliation anticipée du contrat souscrit par des professionnels à des tarifs non réglementés

En principe, toute personne qui souscrit à un contrat est tenue de l’exécuter. Un professionnel est ainsi contraint de payer l’énergie qu’il consomme selon la formule de calcul du prix prévu dans le contrat conclu avec son fournisseur d’énergie, jusqu’à l’expiration dudit contrat.

Or il est possible que depuis la conclusion du contrat, le contexte ait changé, et que certains évènements imprévisibles soient venus bouleverser l’équilibre économique du contrat. C’est exactement ce que l’on remarque depuis le début de la crise énergétique avec l’envolée des cours. Les entreprises ayant opté pour des contrats à la tarification non règlementée font face à un prix de l’énergie qu’elles n’avaient pu anticiper à la conclusion du contrat.

Dans ce contexte inédit, il est intéressant de revenir à la théorie de l’imprévision introduite en droit privé par l’article 1195 du Code civil (ordonnance du 10 février 2016). La théorie de l’imprévision née de la jurisprudence du Conseil d’État « Compagnie générale d’éclairage de Bordeaux » du 30 mars 1916 (donc sur les coûts du gaz précisément), n’avait jamais été acceptée par le juge judiciaire. L’arrêt « Canal de Craponne » du 18 mars 1876 avait rejeté ce principe en matière civile.

Or depuis sa codification via l’ordonnance du 10 février 2016, la théorie de l’imprévision s’applique désormais également aux contrats privés.

La théorie de l’imprévision semble particulièrement pertinente dans le contexte actuel. Rappelons qu’elle désigne une situation dans laquelle un contrat a été déséquilibré par des évènements extérieurs rendant « l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque ». L’alinéa 1 de l’article 1195 du Code civil précité précise que dans ce cas, une partie « peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant ».

Si cette renégociation a été refusée ou se révèle être un échec, dans ce cas, en vertu de l’alinéa 2 du même article 1195 du Code civil les parties peuvent « convenir de la résolution du contrat à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation ». Si cela n’aboutit toujours pas, alors le juge peut à la demande d’une partie « réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe ».

Ce mécanisme semble pouvoir être invoqué par les professionnels bloqués dans des contrats d’énergie excessivement onéreux. L’article 1195 du Code civil pourrait servir de base légale afin d’initier des négociations pour modifier ou résilier ces contrats sans pénalité, ou bien demander au Juge judiciaire d’y mettre fin.

Si cette adaptation du contrat par le biais de négociation s’avérait impossible à court terme, et que l’entreprise était poursuivie judiciairement au paiement de factures auxquelles elle ne pouvait faire face, reste encore l’article 1343-5 du Code civil, permettant aux entreprises de solliciter jusqu’à deux ans de délais pour régler leur dette en cas de difficulté.

Deuxième solution : Les procédures collectives au secours des entreprises en difficultés pour payer les contrats de fourniture d’énergie (gaz, électricité)

Dans l’hypothèse où le fournisseur refuserait une renégociation du contrat et que l’entreprise se trouverait dans une situation financière fragile, le recours au droit des procédures collectives paraît là encore une solution pertinente.

Pour les entreprises qui ne seraient pas en état de cessation des paiements, il est possible d’envisager une procédure de conciliation judiciaire ou de mandat ad hoc pour forcer le fournisseur de gaz ou d’électricité à négocier, soit en modifiant la tarification, soit en accordant des délais de paiement voire un abandon partiel de créance.

Une procédure de sauvegarde judiciaire peut également être considérée si les conditions sont réunies (pour rappel, il faut que l’entreprise soit confrontée à des difficultés que le débiteur « n’est pas en mesure de surmonter » et ce, sans être en état de cessation des paiements).

L’intérêt d’ouvrir une procédure collective telle que la sauvegarde judiciaire ou que le redressement judiciaire réside dans la possibilité de résilier certains contrats en cours si cette résiliation « est nécessaire à la sauvegarde du débiteur et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant » (article L 622-13 du Code de commerce).

Cette mesure permettrait ainsi au professionnel de résilier le contrat de fourniture d’énergie à offre de marché, pour souscrire à un nouveau contrat au tarif réglementé ou indexé.

À l’instar de ce qui s’est passé pendant la covid-19, les juristes et avocats vont devoir redoubler d’imagination afin d’aider leurs clients à faire face à cette crise sans précédent, et absorber autant que faire ce peu la hausse sans précédent de leurs charges de fonctionnement, en particulier s’agissant de l’énergie.

N’hésitez pas à contacter Me Baptiste Robelin pour en savoir davantage à ce sujet.

Changer de fournisseur de gaz ou électricité pour bénéficier du bouclier tarifaire

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