Durcissement des conditions de résiliation du bail commercial en cas de redressement judiciaire du locataire

Durcissement des conditions de résiliation du bail commercial en cas de redressement judiciaire du locataire

Dans un récent arrêt du 12 juin 2024 publié au bulletin, la Cour de cassation durcit les conditions dans lesquelles le bailleur d’un locataire en redressement judiciaire peut solliciter la résiliation du bail en cas d’impayé de loyers postérieurs à l’ouverture de la procédure collective (Cour de cassation, 12 juin 2024, n°22-24.177).

Bail commercial : la Cour de cassation renforce la protection des locataires en redressement judiciaire

On connaît la règle en cas d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire du locataire d’un bail commercial : ce dernier ne doit pas générer de dette nouvelle et est tenu de régler les loyers postérieurs à l’ouverture de la procédure collective.

Le cas contraire, le bailleur est autorisé à solliciter la résiliation du bail pour impayé du loyer, et ce, selon deux options procédurales :

  • En référé, le bailleur peut solliciter la résiliation du bail commercial en demandant au président du tribunal judiciaire de constater l’acquisition de la clause résolutoire (à condition qu’une telle clause soit prévue au bail) et ce, un mois après la délivrance d’un commandement de payer demeuré infructueux.
  • Par requête devant le Juge commissaire, dans un délai de trois mois après le jugement ouvrant le redressement judiciaire.

Ce dernier cas est prévu par l’article L. 622-14 du Code de commerce, lequel dispose que : `

« la résiliation du bail des immeubles donnés à bail au débiteur et utilisés pour l’activité de l’entreprise intervient dans les conditions suivantes :

2° Lorsque le bailleur demande la résiliation ou fait constater la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d’ouverture, le bailleur ne pouvant agir qu’au terme d’un délai de trois mois à compter dudit jugement ».

Si le paiement des sommes dues intervient avant l’expiration de ce délai, il n’y a pas lieu à résiliation ».

À lire les dispositions du Code de commerce, l’existence d’une dette locative postérieure au jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire entraîne la résiliation du bail commercial de manière quasi automatique, dès lors que trois mois se sont écoulés depuis la date dudit jugement.

Le Juge commissaire serait en quelque sorte obligé de constater la résiliation du bail, un peu comme une simple chambre d’enregistrement, le locataire ne disposant alors d’aucun axe de défense.

La jurisprudence s’est pourtant progressivement infléchie en faveur du locataire, durcissant les conditions permettant au bailleur de solliciter la résiliation du bail dans ce contexte.

Dans un arrêt du 22 septembre 2022, la Cour d’appel de Paris avait ainsi jugé que : « le défaut de paiement des loyers échus postérieurement au jugement d’ouverture doit être établi au jour de l’introduction de la requête et que ce défaut de paiement constitue une condition de fond de la résiliation. Ainsi, si au jour de la requête les loyers échus postérieurement à l’ouverture de la procédure et demeurés impayés ont été réglés, la résiliation du bail ne peut être prononcée par le juge » (Cour d’appel de Paris, 22 septembre 2022, n°21/14862).

Il fallait donc que l’existence d’une dette locative soit établie au jour de l’introduction de la requête sollicitant la résiliation du bail.

À défaut, précise la cour, le juge ne peut prononcer la résiliation du bail. Cela conférait donc une possibilité pour le locataire de régulariser la situation en réglant une dette locative qui aurait été générée, y compris dans les 3 mois à compter du jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, à condition d’avoir régularisé la situation avant que le bailleur n’introduise sa requête aux fins de résiliation.

Dans un récent arrêt du 12 juin 2024, la Cour de cassation va désormais plus loin, autorisant clairement le locataire à régulariser la situation en s’acquittant de la dette locative jusqu’au jour où le juge saisi de la requête statue.

« Réponse de la Cour

  1. Il résulte de l’article L. 622-14, 2°, du code de commerce rendu applicable au redressement judiciaire par l’article L. 631-14 du même code et de l’article R. 622-13, alinéa 2, rendu applicable au redressement judiciaire par l’article R. 631-20, que le juge-commissaire, saisi par le bailleur d’une demande de constat de la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d’ouverture, doit s’assurer, au jour où il statue, que des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d’ouverture demeurent impayés.
  2. Ayant constaté que la société 5 à sec RIF avait payé, le 9 septembre 2020, les loyers échus postérieurement au jugement d’ouverture de la procédure collective, que ce paiement avait été reçu le 10 septembre 2020 par le bailleur, qui, le même jour, avait saisi le juge-commissaire d’une demande de constatation de la résiliation de plein droit, l’arrêt retient exactement que la créance de loyers postérieurs à l’ouverture de la procédure collective étant éteinte pour avoir été acquittée par le preneur, la requête du bailleur doit être rejetée. » (Cour de cassation, 12 juin 2024, n°22-24.177).

En d’autres termes, le locataire dispose désormais de la faculté de résoudre la situation en réglant les impayés au plus tard au jour où le juge statue. Cela complique clairement la possibilité pour les bailleurs de récupérer leur local en arguant d’un impayé de loyer postérieur à l’ouverture de la procédure collective.

Le présent arrêt est publié au bulletin, témoignant de la volonté évidente de la Cour de cassation de faire connaître la portée et l’existence d’un tel revirement : « À ces questions la Cour de cassation répond que le juge-commissaire doit s’assurer, au jour où il statue, que les loyers et charges postérieurs au jugement d’ouverture demeurent impayés et que, si les sommes dues à ce titre ont été acquittées par le preneur, la requête du bailleur en constatation de la résiliation du bail doit être rejetée » (Bulletin)

Les locataires soumis à une procédure de redressement judiciaire disposent donc d’un nouveau moyen de défense pour faire échec à une demande de résiliation de leur bail commercial, avec une véritable « séance de rattrapage » à travers cette possibilité qui leur est offerte de régulariser la dette jusqu’au jour où le juge statue.

Il s’agit à l’évidence d’un infléchissement jurisprudentiel notable en faveur des locataires et d’une protection de plus qui leur est offerte par la haute cour à travers cette précision qui n’est pas prévue par le Code de commerce.

Cela devra conduire les bailleurs, désireux d’obtenir la résiliation du bail commercial de leur locataire dans cette hypothèse, à un ajustement procédural.

La procédure de référé pour demander l’acquisition de la clause résolutoire en cas d’impayé du locataire pourra parfois apparaître plus adaptée, le juge étant lié par les termes de la clause.

La procédure de référé pour acquisition de la clause résolutoire reste en effet bien souvent l’arme la plus efficace pour permettre à un bailleur de demander la résiliation du bail commercial avant son terme et l’expulsion du locataire indélicat, un mois après délivrance d’un commandement de payé demeuré infructueux.

Il n’en demeure pas moins que, même dans cette hypothèse, le président du tribunal judiciaire peut toujours accorder un délai de paiement au locataire pouvant aller jusqu’à 24 mois, comme rappelé par l’article L. 145-41 alinéa 2 du Code de commerce :

« Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du Code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge ».

N’hésitez pas à contacter Maître Baptiste Robelin, notre avocat expert en bail commercial pour trouver la stratégie la plus adaptée à votre dossier, que vous soyez bailleur demandeur à la résiliation, ou locataire soucieux de mettre en place la ligne de défense la plus efficace.

Baptiste

Par Baptiste Robelin, associé du cabinet Novlaw en droit des affaires.

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