L’inhumation d’un corps en terrain privé

L’inhumation d’un corps en terrain privé

Obtenir une autorisation permettant d’enterrer un proche sur une propriété privée peut s’avérer un parcours semé d’embuches, bien distinct de la demande d’inhumation dans un cimetière communal (voir notre article à ce sujet). De nombreuses conditions doivent être respectées et même dans ce cas, l’autorisation sera parfois refusée.

 

Quand solliciter l’autorisation ?

L’article R. 2213-32 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) précise que l’inhumation en terrain privé est autorisée par le préfet du département où est située cette propriété sur attestation que l’acte de décès et l’autorisation de fermeture du cercueil ont bien été délivrés.

En conséquence, l’autorisation d’inhumer en terrain privé ne peut pas être délivrée du vivant du demandeur. Les démarches doivent nécessairement être poursuivies par les exécuteurs des dernières volontés du défunt.

En revanche, de son vivant, la personne désireuse d’être inhumée en terrain privé pourra entamer certaines démarches : elle pourra solliciter l’avis de l’hydrogéologue agréé et faire consigner dans un acte, notamment notarié, ses volontés d’être inhumée dans la propriété, ce qui donnera plus de poids à la demande d’autorisation faite par ses héritiers.

Les conditions tenant à la localisation de la propriété

Aux termes de l’article L. 2223-9 du CGCT : « Toute personne peut être enterrée sur une propriété particulière, pourvu que cette propriété soit hors de l’enceinte des villes et des bourgs et à la distance prescrite« .

Il est donc nécessaire que la propriété se situe hors d’une ville ou d’un bourg.

Il ressort de la jurisprudence que la classification de ville et de bourg ne repose pas sur des critères précis, mais sur une appréciation au cas par cas pragmatique

Le Conseil d’Etat a estimé que la commune de Monticello (1665 habitants en 2007) ne pouvait être regardée comme une ville ou un bourg (CE 21 janvier 1987, Risterucci, n° 56133) de même que celle de Nuncq-Haute-Côte (362 habitants en 2007 – CE 26 février 1982, Mmes Laigle, n°35042).

S’agissant de la « distance prescrite », l’inhumation ne peut avoir lieu à moins de 35 mètres d’une autre habitation, comme l’a précisé le Conseil d’Etat (CE 21 janvier 1987, n° 56133).

L’avis préalable d’un hydrogéologue agréé

En application de l’article R. 2213-32 du CGCT, l’autorisation préfectorale d’inhumation en terrain privé ne peut être délivrée qu’après « avis d’un hydrogéologue agréé [par le ministre chargé de la santé] ».

Cette condition permet de s’assurer que l’inhumation n’engendrera pas de pollution des eaux souterraines et nappes phréatiques.

En revanche, cette formalité ne sera pas exigée dans deux hypothèses :

  • Si une première inhumation à proximité immédiate, sur le même terrain privé, a déjà donné lieu à l’avis d’un hydrologue (circulaire du ministère de l’intérieur n°87-46 du 24 février 1987).
  • Si l’inhumation concerne une urne cinéraire (voir notre article à ce sujet).

Le refus d’autorisation fondé sur des motifs d’ordre public

Même lorsque les conditions précédentes sont réunies, le Préfet peut refuser d’autoriser l’inhumation au regard de considérations d’ordre public.

Cette possibilité lui a été reconnue dans l’affaire dite du « Mandarom » s’agissant d’une demande d’inhumation d’un « gourou » dans les locaux d’une secte. Il a été jugé qu’eu égard à l’hostilité des élus et de la population locale à la présence de l’intéressé sur ce site, des troubles à l’ordre public étaient prévisibles et s’opposaient à la délivrance de l’autorisation (CAA Marseille, 3 octobre 2002, Bourdin, no 98MA02019 confirmé par CE 12 mai 2004, Assoc. Du Vajra triomphant, M. Bourdin, nos 253341).

Une telle décision ne constitue ni une violation du droit à la liberté religieuse, ni une violation du droit au respect de la vie privée et familiale (CEDH 17 janvier 2006, Elli Polihas Dödslo c/ Suède, n° 61564/00).

La délivrance de l’autorisation s’effectue au cas par cas

L’autorisation d’inhumer dans une propriété privée ne peut être considérée comme une autorisation de créer des cimetières privés (CAA Marseille, 26 septembre 2016, n° 15MA02761, Aix-en-Provence, 1er février 1971 : AJDA 1972. 111, note M. M.)

En conséquence, la circonstance que d’autres membres de la famille du défunt sont déjà inhumés sur le terrain et que ses volontés étaient de reposer à leurs côtés ne peuvent permettre de déroger aux conditions exposées plus avant.

Pour autant, l’éventuel refus de délivrer l’autorisation d’inhumation par le Préfet interroge quant au respect des volontés du défunt et à la liberté des funérailles, qui sont protégés par la loi du 15 novembre 1887. En effet, cette autorisation ne pouvant être sollicitée qu’une fois le demandeur décédé, un refus placera les exécuteurs testamentaires dans une situation très délicate.

Conséquences de l’inhumation en terrain privé

Pouvoirs de police du maire

La compétence du préfet pour accorder une autorisation d’inhumation dans une propriété privée ne fait pas obstacle à la compétence du maire en matière de police des sépultures (CE, 27 avril 1953, Cerciat : Lebon 195).

Le maire demeure ainsi le seul habilité à délivrer les autorisations nécessaires à toute intervention sur les sépultures (exhumation, transfert de dépouille) et veille à leur entretien, même lorsqu’elles sont situées sur des terrains privés.

En cas de sépulture en terrain privé laissée à l’état d’abandon, le maire peut mettre en demeure le propriétaire des lieux de réaliser les travaux nécessaires, puis se substituer éventuellement à lui, voire avoir recours à l’expropriation pour cause d’utilité publique (Rép. min. : JOAN Q, 27 févr. 1995, p. 1140. Rép. min. no 13793 : JOAN Q 23 févr. 2010, p. 2091). En revanche, il ne pourra mobiliser la procédure de reprise administrative (voir notre article à ce sujet)

Les travaux de construction d’un monument funéraire peuvent faire l’objet d’un arrêté du maire prononçant leur interruption motivée, dans le cadre du droit de l’urbanisme, à la suite d’infractions réalisées lors des travaux (CAA Marseille, 9 juill. 2007, no 04MA01975).

 

Constitution de servitudes

L’inhumation en terrain privé donne lieu à l’instauration de servitudes perpétuelles permettant aux familles de disposer d’un droit de passage pour se recueillir sur la tombe, même lorsqu’elles ne sont plus propriétaires des terrains (Cass. 23 janvier 1884 : S. 1884. 1. 315, Civ. 11 avril 1938 : DH 1938. 321).

Il est impossible de renoncer à cette servitude par contrat. Aussi, la seule manière de « libérer » la propriété de ce droit de passage perpétuel, qui peut constituer un frein non négligeable pour de potentiels acheteurs, serait d’exhumer les corps présents (voir notre article à ce sujet) et de procéder au retrait des monuments funéraires.

Ces opérations ne peuvent être réalisées qu’à la demande du plus proche parent de la personne défunte ou par le biais d’une procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique (Rép. min. no 09330 : JO Sénat Q, 13 juin 2019, p. 3085)

Comment contester le refus d’autorisation du Préfet ?

Le refus d’autorisation peut faire l’objet d’un recours en annulation devant le juge administratif (CE, 21 janvier 1987, Risterucci, no 56133).

Si vous êtes confrontés à un tel refus, il convient tout d’abord de vérifier si les motifs du refus vont ont été communiqués. En effet, aux termes de l’article L. 211-2 7° du Code des relations entre le public et l’administration (CRPA), les décisions qui refusent une autorisation doivent être motivées et ces motifs doivent être communiqués sans délai aux personnes concernées.

En cas d’absence de réponse en suite de votre demande, une décision implicite de rejet sera réputée être née dans les deux mois qui suivent la réception de la demande (article L. 231-4 du CRPA). Là encore, et à plus forte raison, la non-communication des motifs fondant le rejet pourra être contestée devant le Tribunal administratif.

Lorsque la décision, implicite ou explicite, de rejet ne mentionne pas les voies et délais de recours à son encontre, la saisine du juge pourra intervenir dans un délai raisonnable d’un an suivant la notification de cette décision (CE, 13 juillet 2016, n° 387763). Dans le cas contraire, il conviendra de saisir la juridiction dans les deux mois suivant la notification de la décision (article R. 421-1 du Code de justice administrative).

Sur le fond, si l’ensemble des conditions évoquées plus avant est réuni, le refus du Préfet pourrait être annulé s’il n’est pas fondé sur des considérations d’ordre public.

Si l’assistance d’un avocat n’est obligatoire dans cette procédure, elle reste recommandée pour optimiser vos chances de succès.

Antoine Carle - Avocat Lyon

Par Maître Louise Ferrand & Maître Antoine Carle, Avocat Associé Expert en droit public des affaires, en droit des collectivités territoriales et en droit funéraire,

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