Les règlements des différends dans les marchés publics

Les règlements des différends dans les marchés publics

Quelles sont les dispositions applicables au réglement des différends dans les CCAG ? Qu’est ce qu’un différend ? Qu’est ce qu’un mémoire en réclamation ? Dans quels délais le mémoire en réclamation doit être communiqué à l’acheteur/maître d’ouvrage ? Dans quels délais l’acheteur ou le maître d’ouvrage doit-il répondre au mémoire en réclamation ? Que faire si l’acheteur/maître d’ouvrage refuse la réclamation ? Dans quels délais le titulaire peut-il attaquer une décision de refus de la réclamation de l’acheteur/maître d’ouvrage ? Quels sont les autres modes alternatifs de règlement des différends ?

Tour d’horizon des règles de réglement des différends dans le cadre des marchés publics

Les cahiers des clauses administratives générales (CCAG) font partie des documents généraux auxquels les acheteurs peuvent se référer pour définir les clauses d’exécution de leurs marchés publics.

En vertu de l’article R. 2112-2 du code de la commande publique, ils « fixent les stipulations de nature administrative applicables à une catégorie de marchés ».

Ainsi les différents Cahiers des Clauses Administratives Générales (CCAG) applicables aux marchés publics fixent notamment les modalités de règlement des différends.

En effet, le CCAG travaux 2009 prévoit le règlement de différends dans son chapitre 7, le CCAG travaux 2021 le prévoit au chapitre 8.

Le CCAG applicable aux marchés publics de fournitures courantes et de services (FCS) 2009 le prévoit dans son chapitre 7, celui de 2021 à son chapitre 8.

Le CCAG applicable aux marchés publics industriels de 2009 le prévoit au chapitre 7, et celui de 2021 au chapitre 8.

Le CCAG applicable aux marchés publics de techniques de l’information et de la communication (TIC) 2009 le prévoit au chapitre 9 et celui de 2021 au chapitre 9.

Le CCAG applicable aux marchés publics aux marchés publics de prestations intellectuelles de 2009 ainsi que celui de 2021 le prévoit à son chapitre 8.

Le CCAG maîtrise d’œuvre, le prévoit quant à lui au chapitre 7.

CCAG Année Chapitre (articles)
TRAVAUX 2009 7, articles 50 à 51
2021 8, article 55
FOURNITURES COURANTES ET SERVICES (FCS) 2009 7, articles 37 à 39
2021 8, article 46
MARCHES INDUSTRIELS (MI) 2009 7, articles 42 à 43
2021 8, article 49
TECHNIQUES DE L’INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION (TIC) 2009 9, article 47
2021 9, article 55
PRESTATIONS INTELLECTUELLES (PI) 2009 8, articles 37 à 38
2021 8 article 43
MAÎTRISE D’OEUVRE 7, article 35

Plus de dix ans après l’entrée en vigueur des cinq CCAG approuvés par arrêtés entre janvier et octobre 2009 il est apparu nécessaire de les réformer.

Cette réforme avait notamment comme objectif de sécuriser les différents moyens d’action du titulaire en cas de litige.

Ainsi les nouveaux, les CCAG (hors CCAG Travaux), entrés en vigueur de façon simultanée le 1er avril 2021, donnent, en cohérence avec la jurisprudence administrative récente, une définition du différend, dont l’apparition constitue le point de départ du délai imparti au titulaire pour présenter à l’acheteur son mémoire en réclamation, sous peine de forclusion (articles 43.1 CCAG-PI, 54.1 CCAG-TIC, 35.1 CCAG-MOE, 46.1 CCAG-FCS, 49.1 CCAG-MI)

De plus, l’ensemble des CCAG définissent ce que doit contenir le mémoire en réclamation rédigé par le titulaire, afin de garantir qu’un éventuel recours juridictionnel formé ultérieurement par ce dernier soit recevable (articles 43.2 CCAG-PI, 54.2 CCAG-TIC, 55.1.1 CCAG-Travaux, 35.2 CCAG-MOE, 46.2 CCAG-FCS, 49.2 CCAG-MI)

Qu’est-ce qu’un différend ?

Les CCAG PI, TIC, FCS et MI reprennent la définition dégagée par le Conseil d’État dans deux décisions (CE, 22 novembre 2019, Établissement Paris La Défense, req. n° 417752. CE, 27 novembre 2019, Sté SMA Propreté et autres, req. n° 422600) qui définit la naissance d’un différend :

  • soit par une prise de position écrite, explicite et non équivoque émanant de l’acheteur et faisant apparaître le désaccord ;
  • soit par le silence gardé par l’acheteur à la suite d’une mise en demeure adressée par le titulaire l’invitant à prendre position sur le désaccord dans un délai qui ne saurait être inférieur à quinze jours ;
  • soit par l’absence de notification du décompte de résiliation dans les délais prévus.

Cette définition n’a pas été intégrée dans les CCAG-Travaux et le CCAG-MOE du fait que concernant les marchés qu’il n’était pas nécessaire de définir cette notion

Qu’est-ce qu’un mémoire en réclamation ?

Avant la réforme de 2021, l’ensemble des CCAG prévoyait déjà la constitution et la remise par le titulaire d’un mémoire en réclamation.

Toutefois, les nouveaux CCAG 2021 viennent préciser que le mémoire en réclamation doit exposer « les motifs de ce différend » et « indiquer le cas échéant, pour chaque chef de contestation, le montant des sommes réclamées et leur justification », conformément à ce qui a été déjà prévu par la jurisprudence administrative.

Ainsi, à la lumière des nouveaux CCAG 2021 ainsi que des jurisprudences du Conseil d’État, il est possible de donner une définition plus précise de la forme et du contenu d’un mémoire en réclamation.

Notre cabinet dans un commentaire de la décision du Conseil d’État du 27 septembre 2021, Société Amica, n°442455 présente la forme ainsi que le contenu d’un mémoire en réclamation.

En outre, il met à disposition un modèle de mémoire en réclamation.

Dans quels délais le mémoire en réclamation doit être communiqué à l’acheteur/maître d’ouvrage ?

A l’exception notable du CCAG Travaux et du CCAG Maîtrise d’oeuvre, les nouveaux CCAG prévoient que le mémoire en réclamation doit être remis à l’acheteur dans un délai de 2 mois à compter de la naissance du différend sous peine de forclusion.

Par conséquent, dans ces cas, une fois ce délai expiré, le titulaire ne pourra plus obtenir la réparation des préjudices liés au différend concerné.

À l’exception des autres CCAG, dans les CCAG Travaux et du CCAG MOE, le délai de remise du mémoire en réclamation ne dépend pas de la naissance du différend.

En effet, l’article 55.1 du CCAG Travaux dispose en effet que « Tout différend entre le titulaire et le maître d’œuvre ou entre le titulaire et le maître d’ouvrage doit faire l’objet, de la part du titulaire, d’un mémoire en réclamation exposant les motifs du différend et indiquant, le cas échéant, pour chaque chef de contestation, le montant des sommes réclamées et leur justification« .

Et la seule contrainte en matière de délai est relative au cas dans lequel la réclamation porte sur le décompte général du marché ; dans ce cas, le mémoire en réclamation doit être « transmis dans le délai de trente jours à compter de la notification du décompte général« .

Dans le même sens, l’article 35.2 du CCAG MOE prévoit que « Tout différend entre le maître d’œuvre et le maître d’ouvrage doit faire l’objet, de la part du maître d’œuvre, d’un mémoire en réclamation exposant les motifs de ce différend et indiquant, le cas échéant, pour chaque chef de contestation, le montant des sommes réclamées et leur justification« .

Et s’agissant des délais, le CCAG MOE prévoit que « Ce mémoire doit être communiqué au maître d’ouvrage au plus tard à la remise du projet de décompte final« .

Aucun délai n’est en revanche prévu par les CCAG Travaux et CCAG MOE s’agissant des différends ayant un objet autre que le décompte général, notamment ceux pouvant survenir en cours d’exécution du marché.

En outre, il convient de préciser qu’afin de respecter les délais, il est nécessaire pour le titulaire d’envoyer le mémoire en réclamation dans des conditions permettant de connaître précisément la date de réception.

Ainsi,  il a pu être jugé qu’une société ne pouvait pas adresser son mémoire en réclamation par courrier électronique (CAA Nantes, 19 février 2021, n°20NT00068).

Dans quels délais l’acheteur ou le maître d’ouvrage doit-il répondre au mémoire en réclamation ?

L’ensemble des CCAG, à l’exception notable du CCAG-Travaux, prévoient un délai de 2 mois pour répondre au mémoire en réclamation.

Le CCAG-Travaux, prévoit que le maître d’ouvrage dispose d’un délai de 30 jours suivant la réception du mémoire de réclamation, après avis du maître d’œuvre, pour notifier sa décision motivée.

Que faire si l’acheteur/maître d’ouvrage refuse la réclamation ?

Pour l’ensemble des CCAG, dans le cas où l’acheteur/maître d’ouvrage ne prend pas de décision dans ce délai, le silence vaut rejet de la réclamation.

À cela s’ajoute le cas dans lequel l’acheteur/maître d’ouvrage peut refuser expressément la réclamation du titulaire.

Dans ce cas, le titulaire doit soit saisir le tribunal administratif, soit tenter de régler à l’amiable le litige, en saisissant l’un des organes de réglement amiables des différends (médiateur, conciliateur, comité consultatif de règlement amiable des différends).

Dans quels délais le titulaire peut-il attaquer une décision de refus de la réclamation de l’acheteur/maître d’ouvrage ?

Par la réforme de 2021, un délai de recours contentieux de deux mois est instauré pour les réclamations auxquelles a donné lieu le solde du marché (articles 43.5 CCAG PI, 55.5 CCAG TIC, 46.5 CCAG FCS, 49.5 CCAG MI). Cela s’inscrit dans l’objectif de sécurisation des relations contractuelles.

Cependant, ce délai n’est pas applicable au CCAG-Travaux, pour lequel le délai de recours contentieux de six mois, fixé dans le CCAG Travaux  2009, a été conservé, ni au CCAG-MOE auquel a été étendu le délai de recours contentieux prévu par le CCAG-Travaux.

La question de l’articulation entre l’article R.421-1 du CJA et les dispositions du CJA emporte une certaine précision.

En effet, l’article R. 421-1 du CJA dispose depuis 2017 que « La juridiction ne peut être saisi que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans un délai de deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ».

Or, le CCAG travaux prévoit un délai spécial qui déroge à ce délai de droit commun.

Le Conseil d’État dans une décision du 29 décembre 2008, M.B., 296948 reconnait que les modalités de saisine du juge peuvent être organisées contractuellement par les parties. Ainsi, les règles de droit commun relatives aux délais de recours ne leur sont pas opposables.

Cette règle s’applique aussi aux autres marchés (CAA Paris, 7 décembre 2010, Commune de Dammarie Les Lys, n°09PA01834).

En outre, les délais de recours étant fixés contractuellement, ils ne sont pas d’ordre public ainsi l’acheteur peut renoncer à opposer un délai prévu ou encore accorder un délai plus important à son cocontractant (CE, 23 décembre 2013, Société Factobail SA, n°306435).

Concernant la règle de l’inopposabilité des délais de recours lorsqu’ils n’ont pas été notifiés prévus à l’article R. 421-5 du CJA, celle-ci n’est pas applicable en matière de contractuelle.

Quels sont les autres modes alternatifs de règlement des différends ?

Si la procédure de réclamation évoquée ne met pas fin au différend opposant les parties, les CCAG précisent que les parties doivent privilégier la résolution à l’amiable de leurs différends.

La procédure de résolution à l’amiable des différends interrompt le délai de recours contentieux jusqu’à la notification de la décision prise par l’acheteur ou maître d’ouvrage à l’issue de la procédure de résolution que celle-ci soit concluante ou non.

L’article R. 2197-16 et R. 2197-24 du Code de la commande publique dispose qu’il ne peut être dérogé au caractère interruptif du recours à un Comité de Règlement Amiable des Différends ou au Médiateur.

Les CCAG viennent préciser les différends modes de règlements amiables :

  • Un conciliateur ou un médiateur, nommé ou non par les chefs de juridiction des tribunaux administratifs,
  • Un comité de règlement amiable des différends relatifs aux marchés publics, il s’agit pour les marchés passés par les services centraux de l’État ou un EPA il est question du comité national et dans les autres cas , d’un des sept comités locaux. Le comité de règlement rend un avis qui peut être suivi ou non par les parties. Les CCAG 2021 prévoient que le comité peut décider d’une expertise. Dans ce cas la partie à l’origine de la saisine en supporte les frais, et ce jusqu’au règlement amiable du différend.
  • Un arbitre. Les parties peuvent soit choisir un organisme officiant habituellement en matière d’arbitrage et se soumettre à son règlement d’arbitrage, ou encore désigner un arbitre et fixer elles-mêmes les règles de procédure. La sentence arbitrale est appliquée par les parties à l’instar d’une décision juridictionnelle.

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Laurent Bidault Avocat - Novlaw Avocats

Par Laurent Bidault , Avocat Associé chez Novlaw Avocats , spécialisé en droit public , notamment en droit des contrats publics (marché public, concession) et en droit immobilier public (aménagement, urbanisme, construction). Il a également développé une expertise particulière en matière d’ innovation appliquée au secteur public (achat innovant, R&D, BIM).

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