Sommaire
- Annulation de la procédure de passation d’un marché portant sur un produit non commercialisé sur le marché français
- Effet de la saisine du CCRA sur le délai de prescription
- Décompte définitif : Attention aux dérogations au CCAG
- Recours en contestation de la validité d’un marché par un candidat dont l’offre est irrégulière
- Le préjudice résultant de la résiliation d’un accord-cadre sans minimum est éventuel
- L’administration doit notifier le marché de substitution au titulaire défaillant, même dans le silence du contrat.
- Annulation de la procédure de passation d’un marché de conception réalisation en l’absence de clause relative à la part d’exécution du marché confiée à des PME
- Marché public de travaux : L’offre de l’attributaire ne disposant pas en propre d’une certification exigée est irrégulière
- La signature du marché alors qu’un référé précontractuel a été notifié entraine une (petite) sanction pécuniaire
- Exclusion d’une société de la procédure de passation d’un marché pour entente
- L’offre de l’attributaire ne disposant pas d’une certification ou d’un équivalent est irrégulière

Marché Public : Revue de jurisprudence de janvier 2025
Retrouvez les principales décisions rendues au cours du mois de janvier 2025 en matière de marché public.
Le Cabinet NOVLAW Avocats (Laurent Bidault) accompagne ses clients de façon transversale en droit immobilier et en droit public
Annulation de la procédure de passation d’un marché portant sur un produit non commercialisé sur le marché français
Dans cette affaire, la société requérante a fait valoir que le pouvoir adjudicateur a manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence en violant le principe d’égalité de traitement des candidats dans la mesure où il a imposé des exigences relatives à des produits inexistants sur le marché.
La société en question n’avait en conséquence pas précisé, aux termes de son offre, de prix concernant ces produits, de sorte que l’acheteur a rejeté son offre au motif qu’elle était incomplète.
L’attributaire avait pour sa part proposé des prix pour des produits de substitution, sans pour autant que son offre soit considérée comme étant incomplète.
Partant, au regard des éléments produits, le juge des référés considère que les produits en cause ne sont pas disponibles sur le marché français, pour en déduire que c’est à tort que le pouvoir adjudicateur a rejeté l’offre de la requérante comme irrégulière au motif qu’elle ne précisait pas de prix unitaires pour ces fluides.
Effet de la saisine du CCRA sur le délai de prescription
Il résulte de la combinaison de l’article 2224 du Code civil et des dispositions du code des marchés publics alors applicables que la demande d’avis adressée au comité consultatif national de règlement amiable (CCRA) interrompt le délai de prescription jusqu’à la date à laquelle ce comité rend son avis.
Dans cette affaire, une société avait saisi le CCRA d’une demande d’avis portant sur une demande de décharge des pénalités et de paiement des prestations et travaux supplémentaires de sorte que cette saisine du comité a interrompu le délai de prescription quinquennale jusqu’à la date à laquelle le comité a rendu son avis.
L’interruption de ce délai vaut aussi pour l’administration dont le délai pour récupérer les créances relatives à ces pénalités est interrompu.
Décompte définitif : Attention aux dérogations au CCAG
Cet arrêt illustre l’attention particulière des parties quant à la hiérarchie des pièces contractuelles et les dérogations au CCAG prévues dans les documents particuliers du marché.
Dans cette affaire, le titulaire se fondant sur les dispositions du CCAG PI estimait que le maître d’ouvrage n’avait pas à valider expressément le projet de décompte final pour que celui-ci devienne définitif.
Ainsi, la Cour relève que les stipulations du CCAG-PI applicable au marché en cause n’impliquent pas que la validation du projet de décompte final soit formalisée par une décision explicite lorsque le maître d’ouvrage auquel le titulaire a transmis son projet de décompte ne le modifie pas et procède au versement des sommes correspondantes.
Néanmoins, l’article 9.1 du CCAP, qui prévaut sur le CCAG-PI dès lors qu’il est énoncé avant ce dernier dans la liste des documents contractuels, prévoit, en renvoyant à l’article 13 du CCAG-travaux, que le titulaire du marché établit un projet de décompte final et qu’en retour, le pouvoir adjudicateur lui notifie le décompte général.
Or, il ne résulte pas de l’instruction que les factures établies par le titulaire ni qu’aucun autre document adressé par celui-ci au maître de l’ouvrage aurait mentionné qu’ils constituaient le décompte général du marché comme prévu par le CCAP.
Par suite, le titulaire n’est pas fondé à se prévaloir du caractère définitif du décompte qui aurait résulté du paiement de ses factures par le maître d’ouvrage pour soutenir que sa responsabilité contractuelle ne peut plus être engagée.
Recours en contestation de la validité d’un marché par un candidat dont l’offre est irrégulière
Dans cette affaire, la Cour administrative d’appel de Lyon rejette le recours en contestation de la validité de plusieurs lots d’un marché, formé par un candidat évincé.
Cependant, la Cour relève que les offres du candidat évincé étaient irrégulières, de sorte qu’indépendamment même du nombre d’irrégularités retenues par le pouvoir adjudicateur, il n’est pas fondé à soutenir que la commission d’appel d’offres se serait prononcée de façon irrégulière.
Son action est à ce titre rejetée.
Le préjudice résultant de la résiliation d’un accord-cadre sans minimum est éventuel
Le titulaire d’un accord-cadre sollicitait une indemnisation au titre de la résiliation de celui-ci.
Pour mémoire, dans ce cadre, si le titulaire d’un marché résilié irrégulièrement peut prétendre à être indemnisé de la perte du bénéfice net dont il a été privé, il lui appartient d’établir la réalité ce préjudice.
Dans le cas d’un accord-cadre à bons de commande dont les documents contractuels prévoient un minimum en valeur ou en quantité, le manque à gagner ne revêt un caractère certain qu’en ce qu’il porte sur ce minimum garanti.
Dans cette espèce, l’accord-cadre était conclu sans montant minimum de commandes et sans montant maximum.
Partant, le manque à gagner dont le titulaire réclame l’indemnisation présente le caractère d’un préjudice éventuel, puisqu’il ne peut établir ni qu’un minimum de commandes lui aurait été confié, ni un maximum. Cette demande doit donc être rejetée, sans qu’il soit besoin d’examiner le bien-fondé de la résiliation.
L’administration doit notifier le marché de substitution au titulaire défaillant, même dans le silence du contrat.
Faisant application de la jurisprudence récente du Conseil d’État (CE, 5 avril 2023, n°463554), la CAA rappelle que l’administration peut, en cas de défaillance du titulaire, confier l’achèvement des prestations à une autre entreprise aux frais et risques du titulaire défaillant.
Ce dernier doit cependant être mis à même de pouvoir suivre l’exécution du marché de substitution ainsi conclu afin de lui permettre de veiller à la sauvegarde de ses intérêts, puisqu’il supportera in fine les surcoûts liés à ce marché de substitution.
Dans ce cadre, si l’administration doit dans tous les cas notifier le marché de substitution au titulaire défaillant, elle n’est tenue de lui communiquer les pièces justifiant de la réalité des prestations effectuées en exécution du nouveau contrat qu’à la condition d’être saisie d’une demande en ce sens.
Autrement dit, l’administration est tenue uniquement de mettre le titulaire défaillant à même de suivre l’exécution du marché de substitution, même en l’absence de dispositions contractuelles en ce sens.
Annulation de la procédure de passation d’un marché de conception réalisation en l’absence de clause relative à la part d’exécution du marché confiée à des PME
L’article L. 2152-9 du Code de la commande publique prévoit que l’acheteur tient compte parmi les critères d’attribution des marchés globaux – au nombre desquels figure le marché de conception réalisation – la part d’exécution du marché que le soumissionnaire s’engage à confier à des PME et artisans.
Or, la commune en cause n’a inséré dans les documents du marché aucune clause en ce sens en méconnaissance de ces dispositions.
En s’abstenant de prendre en compte un critère rendu obligatoire par la loi, la commune en question a méconnu ses obligations de publicité et de mise en concurrence.
Un tel manquement est susceptible d’avoir lésé le requérant dès lors que son offre comprenait une part assurée par des PME.
Et si la commune arguait que ce manquement n’a pu influer que sur le critère afférent au prix pour lequel le requérant a présenté une meilleure offre, le juge des référés relève qu’une telle clause affecte nécessairement toute la construction d’une offre et pas seulement son prix.
En outre, la commune a dénaturé à plusieurs égards l’offre du groupement requérant.
Le juge des référés en conclut qu’eu égard à la nature du manquement tiré de la méconnaissance de l’article L. 2152-9 précité qui implique de compléter les documents du marché en ajoutant un critère d’appréciation de la valeur des offres prenant en compte la part réservée aux PME et artisans, cette irrégularité implique l’annulation de la totalité de la procédure de passation du marché de conception-réalisation en cause.
Marché public de travaux : L’offre de l’attributaire ne disposant pas en propre d’une certification exigée est irrégulière
Dans cette affaire, le règlement de la consultation d’un marché public de travaux de restauration extérieure exigeait des candidats qu’ils disposent de la certification Qualibat 1413 échafaudages.
Or, la société attributaire ne disposait pas de cette certification et se bornait dans son mémoire technique à indiquer qu’elle prévoyait de travailler avec une société tierce qui dispose de cette certification.
En outre, le mémoire technique se borne à faire état d’un potentiel recours à cette société tierce et aucun engagement écrit de cette dernière d’exécuter les travaux n’a été produit.
La commune en cause ne pouvait donc, sans méconnaître le principe d’égalité de traitement des candidats, ne pas écarter cette candidature qui ne respectait pas l’une des prescriptions du règlement de consultation.
Le juge des référés relève en outre que le choix d’une offre présentée par un candidat irrégulièrement retenu est susceptible d’avoir lésé la société requérante, quel qu’ait été son propre rang de classement à l’issue du jugement des offres.
La signature du marché alors qu’un référé précontractuel a été notifié entraine une (petite) sanction pécuniaire
En cas de référé précontractuel, le contrat ne peut être signé à compter de la saisine du tribunal administratif et jusqu’à la notification au pouvoir adjudicateur de la décision juridictionnelle (Article L. 551-4 du Code de justice administrative).
Dans cette affaire, l’acheteur avait signé le marché alors qu’il avait été notifié la veille par le tribunal administratif de l’introduction d’un référé précontractuel.
Dans ce cas, en vertu de l’article L. 551-19 du Code de justice administrative, le juge des référés peut infliger à l’acheteur une pénalité financière, qui ne peut excéder 20% du montant HT du marché.
Pour s’en défendre, l’acheteur avait reconnu son erreur en prétextant notamment que le service concerné n’avait pas eu cette information.
Au regard de ces éléments, le juge inflige une pénalité de l’ordre de 2000 euros à verser au Trésor Public.
Exclusion d’une société de la procédure de passation d’un marché pour entente
L’acheteur peut exclure de la procédure de passation d’un marché les personnes à l’égard desquelles il dispose d’éléments suffisamment probants ou constituant un faisceau d’indices graves, sérieux et concordants pour en déduire qu’elles ont conclu une entente avec d’autres opérateurs économiques en vue de fausser la concurrence (article L. 2141-9 du code de la commande publique).
En l’espèce, l’acheteur a informé l’une des sociétés candidates qu’elle envisageait son exclusion en raison notamment du fait qu’elle avait des liens étroits avec une autre société candidate (dirigeants communs, identités d’adresse, similitude sur les moyens matériels), de sorte qu’il soupçonnait une entente.
Sollicitée par l’acheteur en application de l’article L. 2141-11 du code de la commande publique, la société s’est notamment limitée à affirmer que chaque entreprise dispose de moyens matériels et humains distincts et à minimiser les similitudes susceptibles d’être constatées entre les offres, mais n’a apporté aucune explication sur la consistance des liens entre les deux sociétés et les modalités qui permettraient de garantir le respect par l’acheteur de l’égalité de traitement entre l’ensemble des candidats.
Le juge des référés considère que c’est à bon droit que l’acheteur a exclu cette société.
L’offre de l’attributaire ne disposant pas d’une certification ou d’un équivalent est irrégulière
Pour rappel, le règlement de la consultation établi par un acheteur pour la passation d’un marché est obligatoire dans toutes ses mentions.
Dès lors, l’acheteur ne peut pas attribuer ce marché à un candidat qui ne respecte pas une des exigences imposées par ce règlement, sauf si cette exigence se révèle manifestement dépourvue de toute utilité pour l’examen des candidatures ou des offres.
Enfin, une offre doit être regardée comme incomplète dès lors qu’elle ne respecte pas les exigences fixées par le règlement de la consultation sous réserve que ces exigences ne soient pas manifestement inutiles.
En l’espèce, en vertu du règlement de consultation, les candidats devaient remettre à l’appui de leur offre un certificat de qualification OPQIBI 0902 valide.
Le juge des référés observe tout d’abord que cette exigence n’est pas manifestement inutile compte tenu de l’objet du marché en cause.
Ensuite, il constate que la société attributaire n’est pas titulaire d’un tel certificat et qu’elle ne l’a donc pas produit à l’appui de son offre ; de même, il ne résulte pas de l’instruction qu’elle disposerait d’un certificat équivalent.
Son offre est donc irrégulière dès lors qu’elle ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de consultation.
Un tel vice a lésé la société requérante dès lors que son offre a été classée en deuxième position et qu’au surplus, il n’a pas été contesté au cours de l’audience qu’elle avait fourni à l’appui de son offre le certificat de qualification OPQIBI 0902 requis.

Par Laurent Bidault , Avocat Associé chez Novlaw Avocats , spécialisé en droit public , notamment en droit des contrats publics (marché public, concession) et en droit immobilier public (aménagement, urbanisme, construction). Il a également développé une expertise particulière en matière d’ innovation appliquée au secteur public (achat innovant, R&D, BIM).
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