L’indemnité d’éviction

Qu’est-ce que l’indemnité d’éviction dans un bail commercial ?

En vertu de l’article L. 145-14 du Code de commerce, le bailleur d’un bail commercial dispose du droit de refuser le renouvellement du bail à condition de verser au preneur une indemnité d’éviction. Dès lors, le bailleur ne peut refuser le renouvellement du bail qu’en indemnisant le locataire du préjudice subi du fait de ce refus, sauf exceptions expressément prévues par loi. L’indemnité d’éviction constitue ainsi le prix à payer par le bailleur pour refuser le renouvellement du bail. Elle a pour objectif de réparer le préjudice subi par le locataire du fait de la perte de son fonds de commerce.

Un tel refus accompagné d’une offre d’indemnité d’éviction intervient généralement, soit par notification d’un congé en fin de bail ou au cours de sa reconduction tacite (article L. 145-9 du Code de commerce), soit en réponse à une demande de renouvellement du bail commercial (article L. 145-10 du Code de commerce). Le bailleur va également être amené à offrir une indemnité d’éviction lorsqu’il exerce une reprise pour construire ou reconstruire le local commercial (article L. 145-18 du Code de commerce). Cette offre d’indemnité suppose que le locataire bénéficie du statut des baux commerciaux et du droit du renouvellement de son bail commercial.

L’indemnité d’éviction est-elle d’ordre public ou les parties peuvent-elles y déroger ?

L’indemnité d’éviction pour le locataire d’un bail commercial, prévue par l’article L. 145-14 du Code de commerce, est d’ordre public.

Afin de préserver le droit du preneur à l’indemnité d’éviction, « toutes clauses, stipulations ou arrangements » ayant pour effet « de faire échec au droit de renouvellement » du locataire (et donc de supprimer son droit à l’indemnité d’éviction) sont, depuis la loi n°2014-626 du 18 juin 2014, dite loi Pinel, « réputées non écrites » quelle qu’en soit la forme (article L. 145-15 du Code de commerce). Est en conséquence réputée non écrite la clause par laquelle le locataire s’interdit de demander le paiement d’une indemnité d’éviction en cas de refus de renouvellement du bail (Cass. 3e civ., 7 oct. 1987, n° 86-11.297).

Auparavant, la clause de renonciation à l’indemnité d’éviction était déjà jugée illicite (Cass. 3e civ., 7 oct. 1987, n° 86-11.297, susvisée), mais l’action en nullité était enfermée dans le délai de prescription de deux ans, prévu à l’article L. 145-60 du Code de commerce. Désormais, cette action est imprescriptible, car une clause réputée non écrite est censée ne jamais avoir existé (Cass. 3e civ., 16 nov. 2023, n° 22-14.091). Ce changement s’applique aux baux en cours lors de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, même si la prescription de l’action en nullité était déjà acquise auparavant.

Quels sont les motifs légaux d’exonération du paiement de l’indemnité d’éviction par le bailleur ?

Outre les cas dans lesquels le locataire ne justifie pas des conditions pour bénéficier du statut des baux commerciaux, la loi prévoit diverses hypothèses dans lesquelles l’éviction du locataire peut intervenir sans indemnité versée par le bailleur.

C’est le cas lorsque le bailleur justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre du preneur, c’est-à-dire un comportement fautif (article L. 145-17, I, 1° du Code de commerce). Il est alors nécessaire d’adresser une mise en demeure au preneur pour lui permettre de rectifier le tir dans un certain délai, sauf dans le cas d’infractions instantanées et irréversibles.

En l’absence de motif grave et légitime, le bailleur peut également refuser le renouvellement dans les hypothèses suivantes :

Comment est déterminée l’indemnité d’éviction dans un bail commercial ?

L’indemnité d’éviction garantit au locataire son droit à renouvellement et, à cet effet, elle doit être égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.

Il résulte de l’article L. 145-14 du Code de commerce que « cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre ».

L’indemnisation du locataire s’opère sur des bases différentes, selon que le fonds qu’il exploite est susceptible ou non d’être transféré à la suite du congé qui lui a été délivré.

Un fond est transférable lorsque l’abandon des locaux dont le locataire est évincé sera sans incidence sur sa clientèle. En pratique cette situation se retrouve notamment pour des activités de gros, celles qui visent une clientèle professionnelle géographiquement dispersée, des fonds auxquels est attachée une forte notoriété, ou encore des activités sans visibilité, parce qu’exercées sur cour ou en étage. Dès lors que le fonds est transférable sans perte de clientèle ou avec une perte de clientèle limitée, l’indemnité se présente alors comme une indemnité de déplacement qu’il ne saurait être question de chiffrer en fonction de la valeur du fonds. Cette indemnité est fondée essentiellement sur la valeur du droit au bail.

Inversement, si le refus de renouvellement entraîne la perte du fonds de commerce, l’indemnité d’éviction se présente alors comme une indemnité dite de remplacement, qui aura pour assiette la valeur du fonds de commerce, permettant au locataire d’acquérir un fonds équivalent et de poursuivre une activité malgré la fin des relations contractuelles.

À l’indemnité principale, s’ajoutent des indemnités accessoires couvrant les frais normaux de déménagement, de réinstallation, les droits fiscaux ainsi que les commissions et honoraires que le locataire va être amené à payer pour l’acquisition d’un nouveau fonds ou d’un nouveau droit au bail de même valeur, la perte du logement accessoire aux locaux commerciaux présentant un caractère utile ou indispensable pour l’exploitation du fonds, les indemnités de licenciement des éventuels salariés, la perte temporaire de recette consécutive au déménagement, les frais de publicité et d’information de la clientèle, etc.

L’évaluation judiciaire de l’indemnité d’éviction pour compenser la perte du fonds de commerce

En cas de désaccord entre le bailleur et le locataire sur le montant de l’indemnité, l’un d’entre eux peut saisir le tribunal judiciaire du lieu de situation des locaux pour voir fixer l’indemnité d’éviction. Le tribunal ordonnera en principe une expertise judiciaire pour déterminer les conséquences de la perte du fonds de commerce par le preneur.

Le droit de repentir du bailleur ayant refusé le renouvellement du bail commercial du locataire

Une fois l’indemnité d’éviction fixée, le bailleur bénéficie d’un droit de repentir, en vertu de l’article L. 145-58 du Code de commerce qui prévoit que le bailleur peut revenir sur son refus de renouvellement afin de ne pas payer d’indemnité, jusqu’à l’expiration d’un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle la décision est passée en force de chose jugée (c’est-à-dire à compter de la date où ce jugement ne peut plus être attaqué par les voies de recours ordinaires) et tant que le locataire n’a pas déjà quitté les lieux, ni loué ou acheté un autre immeuble pour se réinstaller.

Dans cette hypothèse, le bailleur doit supporter les frais de l’instance et sa rétractation est irrévocable (article L. 145-59 du Code de commerce).

Quels sont les effets du paiement de l’indemnité d’éviction en matière de bail commercial?

Le locataire devra quitter le local commercial dans un délai de 3 mois à compter de la date du paiement de l’indemnité d’éviction par le bailleur.

Conformément à l’article L. 145-28 du Code de commerce, aucun preneur qui peut prétendre au paiement d’une indemnité d’éviction ne peut être contraint de restituer les lieux tant qu’il ne l’a pas perçue. Toutefois, ce droit au maintien dans les lieux cesse dès lors que l’indemnité d’éviction est réglée par le bailleur.

L’indemnité d’éviction prévue par le Code de commerce est d’ordre public et garantit le principe du droit au renouvellement du bail du locataire d’un bail commercial. Il s’agit en ce sens d’une notion centrale et fondamentale du statut des baux commerciaux.

Besoin d'un avocat ?

Cet article vous a plus ? Partagez-le !

Contact

Laissez-nous votre message

Vous souhaitez avoir plus d’informations concernant nos services, ou bien prendre un rendez-vous ? Contactez-nous via les coordonnées ou le formulaire ci-dessous.

Formmulaire de Contact

(*) champ obligatoire requis

Novlaw Avocats - Bureau de Paris

53 Boulevard de Magenta - 75010 PARIS

Tél. : 01 44 01 46 36

Email : contact@novlaw.fr

Novlaw Avocats - Bureau de Lyon

123 Rue Tête d’Or - 69003 Lyon

Tél. : 04 88 76 82 29

Email : contact@novlaw.fr

Contact

Laissez-nous votre message

Vous souhaitez avoir plus d’informations concernant nos services, ou bien prendre un rendez-vous ? Contactez-nous via les coordonnées ou le formulaire ci-dessous.

Novlaw Avocats Bureau de Paris

53 Boulevard de Magenta – 75010 PARIS

Tél. : 01 44 01 46 36

Email : contact@novlaw.fr

Novlaw Avocats Bureau de Lyon

123 Rue Tête d’Or – 69003 Lyon

Tél. : 04 88 76 82 29

Email : contact@novlaw.fr

Formulaire de contact

(*) champ obligatoire requis