La cryogénisation : un mode de sépulture comme les autres

La cryogénisation : un mode de sépulture comme les autres ?

Remise en lumière par l’annonce récente de l’influenceur Jeremstar « Ressusciter dans plusieurs centaines d’années grâce à la cryogénisation ? Ce sera sans doute possible », la question de la conservation des corps par congélation est régulièrement débattue.  Pour autant, cette possibilité interroge au regard de la loi française.

Distinction entre cryomation et cryopréservation

À la différence de la cryopréservation, la cryomation (également appelée promession) est une technique ayant pour finalité la disparition du corps, en le transformant en particules fines.

Cette méthode implique de congeler le corps puis de l’immerger dans de l’azote liquide. Il sera finalement soumis à des vibrations, réduisant le corps en cendres. À l’issue de ce processus, les cendres sont remises à la famille dans une urne.

Cette technique est présentée comme une alternative moins consommatrice d’énergie et moins polluante que la crémation. En droit français, elle n’est pas autorisée actuellement.

La cryopréservation, couramment désignée sous le terme de cryogénisation, est au contraire une méthode visant à préserver les corps sans altération, en les conservant à très basse température, afin d’envisager ultérieurement la réanimation des défunts.

Les contrats de cryopréservation des corps

Les techniques scientifiques de conservation des corps par cryopréservation se sont développées au cours de la seconde moitié du XXe siècle. À l’origine, il s’agissait seulement d’un sujet de science-fiction, mais cette méthode s’est progressivement transformée en argument marketing.

Les instituts de cryogénie se multiplient à travers le Monde : initialement aux États Unis et en Russie, puis en Chine et en Australie, le plus récent s’est installé en Suisse.

Moyennant le versement d’une somme importante (entre 30.000 et 200.000 euros), ces entreprises s’engagent à conserver les cadavres à très basse température en l’attente de leur « éveil ». L’argument principal de vente tient donc à la promesse d’une résurrection, lorsque les progrès scientifiques le permettront. Quelques centaines de corps sont actuellement conservés sous cette forme dans différents États. Certaines entreprises proposent également la cryogénisation des animaux de compagnie.

Ces contrats interrogent à de nombreux égards. Outre l’aspect très hypothétique de la résurrection, il n’est pas garanti que les sommes versées couvrent le coût d’une conservation éternelle des dépouilles. Faut-il considérer ces personnes comme décédées, d’un point de vue successoral notamment ? Quid en cas de faillite des entreprises chargées de la garde des corps ?

Une pratique interdite en France

La jurisprudence administrative mais également judiciaire a fermé la porte à l’utilisation de cette méthode en France il y a plus de vingt ans.

Le Conseil d’État a tout d’abord précisé que la liberté des funérailles, protégée par l’article 3 de la loi du 15 novembre 1887, « s’exerce dans le cadre des dispositions législatives et réglementaires en vigueur ». Ce faisant, le préfet pouvait légitimement refuser d’autoriser « M. Michel X… et Mlle Joëlle X… de conserver le corps de leur mère défunte dans un appareil de congélation placé dans le sous-sol de leur villa » (CE, 29 juillet 2002, n°222180).

Il a ensuite jugé que l’interdiction des modes de sépultures autres que l’inhumation et la crémation, qui visent à « protéger la santé publique », ne sont méconnaissent pas le droit à la vie privée et la liberté de religion, protégés par les articles 8 et 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CE, 6 janvier 2006, n°260307)

Le Tribunal de grande instance de Saumur a également constaté « qu’il n’existe aucune disposition relative à la congélation des corps » et que les dispositions régissant la police des funérailles et des lieux de sépulture sont d’ordre public (TGI Saumur, 13 mars 2002, RG n°02/00022).

En 2018, le Défenseur des droits a précisé qu’il n’était pas nécessaire d’inscrire l’interdiction de la cryogénisation dans le Code général des collectivités territoriales. En effet, selon lui, « la jurisprudence est constante et ne considère la cryogénisation ni comme un mode d’inhumation, ni comme un mode de conservation du corps légal » (Défenseur des droits, Avis n°18-07 du 6 mars 2018)

En conséquence, les partisans de la cryogénie peuvent toujours se tourner vers des instituts étrangers pour conserver leur dépouille hors du territoire français. En revanche, en l’état actuel du droit, il n’apparait pas envisageable de faire rapatrier et de conserver le corps sous cette forme en France.

Les modes de sépultures actuellement autorisés ou réclamés

À ce jour, en France, le législateur n’autorise que l’inhumation (dans une concession funéraire, ou en terrain commun ou, plus exceptionnellement, sur une propriété privée) et la crémation des restes mortels.

Pour autant, plusieurs modes alternatifs de sépulture se développent rapidement et sont progressivement autorisés dans d’autres États. C’est le cas de l’aquamation, également appelée résomation qui permet la dissolution du corps par l’eau. En 2019, la Cour des comptes invitait à « statuer […] sur les nouvelles modalités d’obsèques, déjà en vigueur dans d’autres pays » (Cour des comptes, rapport public annuel 2019) en visant spécifiquement l’aquamation. Mais à ce jour, aucune réforme à cet égard n’a été entérinée. Cette méthode est pourtant présentée comme plus écologique que la crémation car elle serait cinq fois moins énergivore.

De même, les projets de forêts cinéraires ont été jugés « incompatibles avec le droit funéraire en vigueur » (Question orale n°0021S, réponse publiée au JO Sénat du 14 décembre 2022, p. 8274). Ces forêts, qui se développent en Suisse, en Allemagne et au Luxembourg, sont des sites d’inhumation d’urnes funéraires biodégradables, visant à offrir une alternative aux cimetières souffrant d’un manque d’emplacements disponibles.

Enfin, une proposition de loi a été déposée en 2023 aux fins d’expérimenter l’humusation (Proposition de loi d’expérimentation visant à développer l’humusation, n° 794). Ce procédé, également intitulé terramation, consiste à envelopper le corps du défunt dans un linceul biodégradable puis à le déposer sur un lit naturel de végétaux, afin qu’il se transforme au fil du temps en humus. La proposition de loi n’a, pour l’instant, pas abouti. Pour autant, le Gouvernement a indiqué en 2024 qu’un groupe de travail allait être constitué pour examiner ce sujet (débats au Sénat, séance du 7 mars 2024).

Ces modes alternatifs de sépulture se distinguent néanmoins de la cryogénisation à deux égards : d’une part, par leur positionnement écologique, d’autre part, par leur finalité : la disparition du corps et non sa conservation.

Pour des conseils juridiques adaptés à votre situation, n’hésitez pas à consulter un avocat en droit funéraire qui pourra vous accompagner dans toutes vos démarches liées aux frais d’obsèques.

Louise ferrand crop

Par Maître Louise Ferrand & Maître Antoine Carle, Avocat Associé Expert en droit public des affaires, en droit des collectivités territoriales et en droit funéraire,

Antoine Carle - Avocat Lyon

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