Sommaire
- Annulation de la procédure de passation d’un marché public en raison de l’insuffisance des informations communiquées à un candidat évincé
- Indemnisation intégrale du manque à gagner
- La notification irrégulière d’un décompte général irrégulier fait obstacle à la naissance d’un DGD d’un marché public
- Faute du maître d’ouvrage de ne pas résilier un marché public dont le titulaire est à l’origine de la désorganisation du chantier
- Irrégularité de la méthode de notation et annulation de la procédure d’attribution d’un marché public
- Durée excessive d’un marché public
- Attention à assortir de réserve le décompte général d’un marché public de maîtrise d’œuvre
- Avant de saisir le juge, le titulaire d’un marché public doit mettre en demeure le maître d’ouvrage d’établir le décompte
- Créance sérieusement contestable en raison de l’existence d’un « débat juridique » sur le calcul des pénalités de retard dans un marché public
- Délai de recours en contestation par un élu de la validité d’un contrat
- L’abandon d’un critère en cours de procédure d’attribution d’un marché public emporte l’annulation de la procédure
- La production d’une attestation fiscale incomplète emporte l’irrecevabilité de la candidature
- Attention au formalisme du mémoire en réclamation dans un marché public de service
- Recours en contestation de la validité d’un accord-cadre par l’un de ses titulaires
- Rectification de l’offre d’un marché public en cas d’erreur de TVA
- Régularité d’une méthode de notation conduisant à donner une note décimale à des appréciations littérales.
- Pas de reprise des relations contractuelles lorsque le marché public a pris fin
- Litige sur l’exécution d’un contrat : pas d’annulation sans recours distinct
- Indemnisation d’un candidat évincé à l’attribution d’un marché public

Marché Public : Revue de jurisprudence de novembre 2023
Retrouvez les principales décisions rendues durant le mois de novembre 2023 en matière de marché public.
Le Cabinet NOVLAW Avocats accompagne ses clients de façon transversale en droit immobilier et en droit public.
Annulation de la procédure de passation d’un marché public en raison de l’insuffisance des informations communiquées à un candidat évincé
Le Tribunal administratif annule la procédure de passation d’un marché public de fournitures dans la mesure où l’acheteur a manqué à ses obligations de transparence et de mise en concurrence dans la mesure.
Conformément à l’article R. 2181-4 du Code de la commande publique, un candidat évincé a sollicité de l’acheteur la communication des motifs détaillés du rejet de ses offres.
Cependant, l’acheteur n’a communiqué que des tableaux indiquant pour chaque candidat ses notes au titre de chacun des trois critères, sans apporter d’autres précisions.
Le juge des référés relève qu’en raison de la multiplicité des éléments d’appréciation des critères mentionnés par le règlement de la consultation, ces informations ne sont pas suffisamment précises et détaillées pour permettre au requérant de connaître les motifs pour lesquels ses offres ont été rejetées et les caractéristiques et avantages de l’offre retenue.
La procédure est par conséquent annulée.
Indemnisation intégrale du manque à gagner
Pour mémoire, le candidat évincé à l’attribution d’un contrat public a la possibilité de solliciter une indemnisation en réparation du préjudice né de son éviction – irrégulière – de ce contrat (Voir notre article).
Dans cette affaire, la Cour administrative d’appel relève qu’au regard de la très faible différence de notation globale des offres de la société attributaire et de la société requérante, l’irrégularité qui a affecté la procédure de passation du marché en question doit être regardée comme la cause de l’éviction de la requérante qui, classée en deuxième position, avait une chance sérieuse de remporter ce marché.
Le requérant peut dès lors prétendre à être indemnisé de l’intégralité du manque à gagner résultant de son éviction irrégulière, à condition naturellement d’apporter des éléments de preuve de ce préjudice.
→ CAA Bordeaux, 7 novembre 2023, société Central Copie, n° 21BX03579
La notification irrégulière d’un décompte général irrégulier fait obstacle à la naissance d’un DGD d’un marché public
Dans cette affaire, le Conseil d’État rappelle que la notification au titulaire du marché d’un décompte général, même si celui-ci est irrégulier, fait obstacle à l’établissement d’un décompte général et définitif (DGD) tacite à l’initiative du titulaire.
Le titulaire ne peut donc pas se prévaloir d’un tel DGD tacite, et ce d’autant qu’un décompte général lui avait été notifié avant la naissance de ce DGD tacite.
Dès lors, en l’absence de DGD, il appartient au juge du contrat de statuer sur les réclamations pécuniaires présentées par chacune des deux parties pour déterminer le solde de leurs obligations contractuelles respectives et donc de fixer le solde du marché, en prenant en compte le cas échéant les pénalités de retard réclamées dans le décompte général par le maître d’ouvrage.
→ CE, 9 novembre 2023, Société transport tertiaire industrie, n°469673
Faute du maître d’ouvrage de ne pas résilier un marché public dont le titulaire est à l’origine de la désorganisation du chantier
La Cour administrative d’appel relève que le maître d’ouvrage commet une faute dans ses pouvoirs de direction et de contrôle du chantier en s’abstenant de prononcer la résiliation d’un marché public dont le titulaire a fait preuve d’une carence manifeste dès le début du chantier et qui est à l’origine d’un important retard et de la désorganisation du chantier.
→ CAA Versailles, 9 novembre 2023, société UTB, n° 20VE03370
Irrégularité de la méthode de notation et annulation de la procédure d’attribution d’un marché public
La méthode de notation ayant pour effet de donner un poids excessif aux sous-critères techniques et ainsi de priver de sa portée l’un des critères essentiels, en l’occurrence le prix, est irrégulière.
Durée excessive d’un marché public
Le préfet avait déféré marché public de services de transport maritime en raison de sa durée de 12 ans.
Le Tribunal administratif avait ainsi jugé que cette durée était particulièrement longue et faisait obstacle à la remise en concurrence périodique du marché.
La personne publique avait justifié cette durée par la nécessité de prendre en compte la période restante d’amortissement des trois navires que le titulaire avait l’obligation d’acquérir.
Mais la Cour rejette cet argumentaire considérant notamment que les navires en cause ont vocation à rester la propriété du titulaire à l’issue du marché, qu’ils pouvaient donc continuer à être amortis après le terme du contrat, dans le cadre d’une activité de prestation de services ultérieure ou faire l’objet d’une revente pour compenser l’impossibilité d’amortir totalement les navires dans le cadre de la durée du contrat antérieur initialement prévu.
→ CAA Marseille, 13 novembre 2023, Régie des Transports Métropolitains, n° 22MA00485
Attention à assortir de réserve le décompte général d’un marché public de maîtrise d’œuvre
La responsabilité du maître d’œuvre pour manquement à son devoir de conseil peut être engagée après la notification du décompte général du marché mais à la condition que le décompte ait été assorti de réserve, et cela même si les désordres sont apparus postérieurement à l’établissement du décompte.
Avant de saisir le juge, le titulaire d’un marché public doit mettre en demeure le maître d’ouvrage d’établir le décompte
Classiquement, en application du CCAG Travaux, après la présentation par le titulaire de son projet de décompte final, si le maître de l’ouvrage n’établit pas le décompte général du marché dans le délai prévu, il appartient au titulaire, avant de saisir le juge, de mettre celui-ci en demeure d’y procéder.
La Cour précise que la circonstance que le maître d’ouvrage ait opposé un refus au projet de décompte final adressé par le titulaire ne dispensait pas ce dernier de cette obligation de le mettre en demeure d’établir le décompte.
→ CAA Marseille, 13 novembre 2023, société Eiffage Construction Sud-Est, n° 21MA04769
Créance sérieusement contestable en raison de l’existence d’un « débat juridique » sur le calcul des pénalités de retard dans un marché public
Dans cette affaire, une commune a obtenu du tribunal administratif le versement de plusieurs provisions relatives à des travaux de reprise et des pénalités de retard dans le cadre de plusieurs marchés publics.
S’agissant des travaux de reprise, la Cour estime que la commune ne conteste pas utilement les éléments apportés par le titulaire tendant à démontrer que les obligations sur lesquelles sont fondées ces provisions ne sont pas sérieusement non contestables.
Sur les pénalités de retard, la Cour observe qu’il existe un débat d’ordre juridique notamment sur le fait de savoir si la durée effective d’exécution des travaux prise en compte pour le calcul des pénalités de retard prend fin – ou non – au moment de la réception des travaux.
Dès lors, compte tenu de l’existence de ce débat d’ordre juridique, la créance dont se prévaut la commune à ce titre ne peut, en l’état de l’instruction, être regardée comme non sérieusement contestable.
→ CAA Marseille, 13 novembre 2023, commune de Puget-Ville, n° 23MA02332
Délai de recours en contestation par un élu de la validité d’un contrat
Dans cette affaire, le recours en contestation de la validité d’un avenant à un marché public de maîtrise d’oeuvre introduit par des conseillers municipaux a été rejeté car jugé comme étant irrecevable car tardif.
Pour mémoire, un recours en contestation de la validité du contrat ou contre les actes détachables de celui-ci ne peut être introduit que dans un délai de 2 mois à compter de l’accomplissement des mesures de publicités appropriées.
La Cour administrative d’appel confirme cette tardiveté faisant application de la théorie de la connaissance acquise : les conseillers municipaux en question ayant été régulièrement convoqués à la séance lors de laquelle a été discutée et adoptée la délibération autorisant la conclusion du contrat, ils sont réputés avoir eu connaissance de ce contrat à l’occasion de cette séance.
Le délai de 2 mois de recours contre l’avenant en question commence donc à courir à compter de la date de la délibération du conseil municipal.
L’abandon d’un critère en cours de procédure d’attribution d’un marché public emporte l’annulation de la procédure
Le juge des référés considère que l’acheteur ne pouvait pas abandonner en cours de procédure le critère de la valeur technique défini comme principal critère de jugement des offres par le RC pour ne retenir que le prix alors même que ce critère n’occupait pas une place prépondérante, dans le jugement des offres, compte tenu du coefficient de pondération qui lui était affecté.
La procédure est annulée au stade de l’analyse des offres.
La production d’une attestation fiscale incomplète emporte l’irrecevabilité de la candidature
Dans cette affaire, l’attributaire avait produit une attestation de régularité fiscale incomplète.
En effet, cette attestation précisait que pour justifier de la régularité de sa situation fiscale, la société attributaire devait joindre une attestation justifiant du paiement de l’impôt sur les sociétés ou de la taxe sur la valeur ajoutée par sa société mère, ce qu’elle n’a pas fait.
L’attributaire ne pouvait pas non plus se prévaloir du modèle de « Candidature simplifiée – attestation et déclaration sur l’honneur », comme établi par la commune, à défaut d’avoir coché la case valant déclaration sur l’honneur ne pas se trouver dans un cas d’exclusion.
Attention au formalisme du mémoire en réclamation dans un marché public de service
Le courrier du titulaire censé constituer une réclamation à la suite d’un différend, qui ne détaille pas les bases de calcul des sommes demandées et ne fait pas référence à la somme réclamée, ne peut être regardé comme un mémoire en réclamation au regard du CCAG-FCS.
CAA Paris, 21 novembre 2023, Centre communal d’action sociale de Thiais, n° 22PA03857
Recours en contestation de la validité d’un accord-cadre par l’un de ses titulaires
Pour mémoire, un accord-cadre peut être conclu avec plusieurs titulaires, l’accord-cadre est alors multi attributaire. Chaque titulaire est alors engagé individuellement avec l’acheteur exécutant les prestations indépendamment les uns des autres sur la base d’un cadre commun.
Dans un avis du 24 novembre 2023, le Conseil d’État vient préciser que le titulaire d’un accord-cadre multi attributaire peut contester la validité de cet accord-cadre en tant que celui-ci est conclu avec les autres titulaires.
Chaque titulaire doit alors être regardé comme un tiers à cet accord-cadre conclu par les autres.
Si l’action en contestation de la validité aboutie, le juge du contrat peut prononcer, le cas échéant, la résiliation ou l’annulation de cet accord-cadre en tant qu’il a été attribué à ces autres opérateurs dès lors qu’il est affecté de vices qui ne permettent pas la poursuite de son exécution.
Et la circonstance qu’une telle annulation ou résiliation a pour effet de ramener le nombre des titulaires de cet accord-cadre à un nombre inférieur à celui envisagé par le règlement de la consultation, est sans incidence sur la possibilité pour le juge de la prononcer.
En revanche, dans ce cadre précis, le juge ne peut pas prononcer la résiliation ou l’annulation de l’accord-cadre dans son ensemble.
→CE, Avis, 24 novembre 2023, n°474108
→ Notre article : Recours en contestation de la validité d’un accord-cadre par son titulaire
Rectification de l’offre d’un marché public en cas d’erreur de TVA
L’acheteur était fondé à solliciter d’un soumissionnaire la rectification de son offre qui ne comportait pas le taux de TVA légalement applicable.
Plus précisément, le soumissionnaire avait appliqué dans son BPU un taux de TVA de 5,5%, et dans le même temps appliqué un taux de 10% dans son DQE. L’acheteur a alors rectifié l’offre du soumissionnaire pour retenir le taux légal de 10%.
Régularité d’une méthode de notation conduisant à donner une note décimale à des appréciations littérales.
Pour mémoire, si le choix de la méthode de notation des critères d’attribution d’un marché public est libre, cette méthode ne doit pas être de nature à priver de leur portée les critères ou à neutraliser leur pondération.
Ces principes ne s’opposent pas à ce qu’aux termes de sa méthode de notation, l’acheteur traduise des appréciations littérales des offres (« très satisfaisant », « satisfaisant », « insatisfaisant », etc.) par des notes comportant en l’occurrence des décimales.
→ CE, 24 novembre 2023, communauté d’agglomération Saint-Malo Agglomération, n°473674
→ Voir notre article : Méthode de notation des critères d’attribution d’un marché public
Pas de reprise des relations contractuelles lorsque le marché public a pris fin
La Cour administrative d’appel de Paris rappelle que dans le cadre de l’examen de conclusions tendant à la reprise des relations contractuelles présentées par un cocontractant de l’administration dont le contrat a fait l’objet d’une résiliation, si le terme stipulé du contrat est dépassé, le juge constate alors un non-lieu à statuer sur ces conclusions.
Litige sur l’exécution d’un contrat : pas d’annulation sans recours distinct
Dans le cadre d’un litige portant sur l’exécution d’un contrat, le juge administratif ne peut pas prononcer l’annulation du contrat, sauf si le juge a été saisi d’un recours distinct en annulation.
Dans cette affaire, le juge n’était saisi que d’un litige indemnitaire relatif à l’exécution du contrat d’exploitation des services ferroviaires régionaux et non pas de l’annulation du contrat qui avait été demandée par la voie de l’exception.
Le Conseil d’État précise en outre qu’il appartenait à la Cour de relever d’office le moyen tiré de ce que, saisi d’un litige relatif à l’exécution d’un contrat sans que l’une des parties ait demandé son annulation par la voie de l’action, le tribunal administratif ne pouvait, sans méconnaître son office, annuler ce contrat.
Indemnisation d’un candidat évincé à l’attribution d’un marché public
Comme évoqué ci-dessus, le candidat évincé à l’attribution d’un contrat public peut solliciter une indemnisation en réparation du préjudice né de son éviction – irrégulière – de l’attribution de ce contrat (Voir notre article).
Dans ce cadre, le juge vérifie d’une part s’il existe une faute de l’administration en l’occurrence une irrégularité dans la procédure ; d’autre part, si cette faute est en lien avec le préjudice en l’occurrence l’éviction du candidat en raison de cette irrégularité ; et enfin si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat pour apprécier son droit à indemnisation, notamment du manque à gagner.
Le Conseil d’État relève que la seule circonstance que l’offre finale de ce candidat aurait eu une valeur inférieure à celles des trois autres candidats admis à négocier n’est pas suffisante pour qu’il soit regardé comme ayant des chances sérieuses d’emporter ce contrat.
→ CE, 28 novembre 2023, commune de Saint-Cyr-sur-Mer, n°468867

Par Laurent Bidault , Avocat Associé chez Novlaw Avocats , spécialisé en droit public , notamment en droit des contrats publics (marché public, concession) et en droit immobilier public (aménagement, urbanisme, construction). Il a également développé une expertise particulière en matière d’ innovation appliquée au secteur public (achat innovant, R&D, BIM).
Cet article vous a plu ?
Besoin d'un avocat ?
Réservez dès maintenant votre rendez-vous en ligne
Vous recherchez un conseil ?
Affaires
Compliance
Immobilier
Social
Contact
Laissez-nous votre message
Vous souhaitez avoir plus d’informations concernant nos services, ou bien prendre un rendez-vous ? Contactez-nous via les coordonnées ou le formulaire ci-dessous.
Formmulaire de Contact
Novlaw Avocats - Bureau de Lille
—
244 Avenue de la République - 59110 La Madeleine
Tél. : 01 44 01 46 36
Contact
Laissez-nous votre message
Vous souhaitez avoir plus d’informations concernant nos services, ou bien prendre un rendez-vous ? Contactez-nous via les coordonnées ou le formulaire ci-dessous.
Novlaw Avocats – Bureau de Lille
—
244 Avenue de la République – 59110 La Madeleine
Tél. : 01 44 01 46 36
Formulaire de contact