Retrouvez les principales décisions rendues durant le mois de décembre 2023 en matière de droit de l’urbanisme, d’aménagement et de droit immobilier public.

Le Cabinet NOVLAW Avocats accompagne ses clients de façon transversale en droit immobilier et en droit public.

Le Conseil d’État confirme l’utilité publique du site de stockage de déchets radioactifs Cigéo.

On notera en particulier que le Conseil d’État considère que le projet est conforme au principe de précaution, dans la mesure où les risques invoqués par les requérants (incendie de déchets bitumé, émission de toxiques chimiques…) « ne sont, dès lors, pas au nombre de ceux, mentionnés au 1° de l’article L. 110-1 du code de l’environnement, présentant des incertitudes quant à leur réalité et à leur portée en l’état des connaissances scientifiques ».

→ CE, 1er décembre 2023, n°467331

Modification d’un projet pendant la phase d’instruction de la demande de permis de construire

Dans cette affaire, le Conseil d’État consacre la possibilité pour le demandeur de modifier son projet pendant l’instruction de sa demande de permis de construire.

Ainsi, en l’absence de dispositions expresses du Code de l’urbanisme s’y opposant, il est possible pour l’auteur d’une demande de PC d’apporter à son projet, pendant la phase d’instruction de sa demande et avant l’intervention d’une décision expresse ou tacite, des modifications qui ne changent pas la nature de son projet.

À cet égard, le demandeur doit adresser une demande de modification accompagnée de pièces nouvelles qui sont intégrées au dossier afin que la décision finale porte sur le projet ainsi modifié.

Cette demande de modification est en principe sans incidence sur la date de naissance d’un permis tacite (silence gardé par l’autorité compétente à l’issue du délai d’instruction).

Toutefois, lorsque du fait de leur objet, de leur importance ou de la date à laquelle ces modifications sont présentées, leur examen ne peut être mené à bien dans le délai d’instruction, compte tenu notamment des nouvelles vérifications ou consultations qu’elles impliquent, l’autorité compétente doit informer par tout moyen le pétitionnaire avant la date à laquelle serait normalement intervenue une décision tacite, en lui indiquant la date à compter de laquelle, à défaut de décision expresse, la demande modifiée sera réputée acceptée.

Dans ce cas de figure, l’administration doit être regardée comme étant saisie d’une nouvelle demande se substituant à la demande initiale à compter de la date de la réception par l’autorité compétente des pièces nouvelles et intégrant les modifications introduites par le pétitionnaire.

Classiquement, il appartient le cas échéant à l’administration d’indiquer au demandeur dans le délai d’un mois prévu par l’article R. 423-38 du Code de l’urbanisme les pièces manquantes nécessaires à l’examen du projet ainsi modifié.

CE, 1er décembre 2023, commune de Gorbio, n°448905

Obligation de produire la décision attaquée : la production de la décision de rejet du recours gracieux ou la preuve de la date de dépôt du recours suffit

Dans cette affaire, le Tribunal administratif avait considéré le recours contre une permis de construire d’un voisin comme étant irrecevable au motif que ce requérant n’avait, dans le délai de régularisation de 15 jours qui lui avait été imparti, ni adressé au tribunal les permis de construire attaqués, ni justifié de l’impossibilité de le faire, en application des dispositions de de l’article R. 412-1 du Code de justice administrative.

Cependant, la production par le requérant de la décision expresse de rejet de son recours gracieux à l’encontre du PC ou, en cas de décision implicite de rejet, de la preuve de dépôt de ce recours est suffisante pour que soit respecté l’article R. 412-1.

Et cela tant à l’égard des conclusions dirigées contre le seul recours gracieux ou hiérarchique que, le cas échéant, à l’égard de celles également dirigées contre la décision administrative initiale ou interprétées en ce sens par le juge administratif saisi des seules premières.

→ CE, 1er décembre 2023, n°466579

Appréciation de l’intérêt à agir d’une association

L’intérêt à agir d’une association, en l’occurrence ici à l’encontre d’un arrêté de permis de construire en vue de la création d’une zone d’activités, s’apprécie au regard de son objet statutaire, mais également au regard de la nature et de l’importance des constructions autorisées (ici la construction de trois bâtiments projetés de plus de 7 100 m²). 

→ CE, 1er décembre 2023, association En Toute Franchise Département du Var, n°466492

Ouverture à l’urbanisation des zones destinées à être urbanisées (AU)

Pour mémoire, les documents d’urbanisme, en particulier le PLU, peuvent délimiter des zones destinées à être urbanisées, les zones AU.

Pour autant, les constructions peuvent y être autorisées à condition notamment que les voies ouvertes au public et les réseaux d’eau, d’électricité et, le cas échéant, d’assainissement existant à la périphérie immédiate d’une zone AU, aient une capacité suffisante pour desservir ces constructions  (Article R. 151-20 du Code de l’urbanisme).

À défaut de capacité suffisante, les constructions ne peuvent être autorisées, l’ouverture à l’urbanisation de la zone est subordonnée à une modification ou à une révision du PLU comportant notamment les orientations d’aménagement et de programmation de la zone.

Dans cet arrêt, le Conseil d’État précise qu’outre la modification du PLU, celui-ci peut fixer immédiatement les règles de constructibilité applicables dans la zone AU en subordonnant la possibilité d’autoriser des constructions à la réalisation des voies et réseaux nécessaires à la périphérie immédiate de la zone.

→ CE, 6 décembre 2023, commune de Plaisance-du-Touch, n°466055

Régularisation d’une déclaration d’utilité publique

La faculté de régularisation d’un arrêté déclarant d’utilité publique des travaux et approuvant la mise en compatibilité de plans d’occupation des sols et de plans locaux d’urbanisme peut être mise en œuvre pour la première fois en appel.

Les insuffisances de l’étude d’impact concernant les nuisances sonores et l’inventaire de la flore et de la faune sont au nombre des illégalités susceptibles d’être régularisées, au besoin par la réalisation d’une enquête publique complémentaire.

Il en va de même du vice tiré de la méconnaissance du principe d’action préventive et de correction qui faute de comporter les mesures d’évitement et de réduction suffisantes, ne permettait pas d’assurer le respect du principe de prévention.

→ CE, 11 décembre 2023, SCI Safa, n°466593

Présomption d’urgence à suspendre une mise en demeure de démolir

La condition d’urgence est présumée remplie dans le cadre d’une demande de suspension d’une mise en demeure impliquant la démolition d’une construction irrégulière.

Ainsi, compte tenu de la gravité des conséquences qu’emporte une mise en demeure prescrivant une mise en conformité (Article L. 481-1 du Code de l’urbanisme) qui implique nécessairement la démolition de constructions, la condition d’urgence est en principe satisfaite en cas de demande de suspension de son exécution présentée, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative (référé suspension), par le propriétaire de l’immeuble qui en est l’objet.

Cette présomption d’urgence est renversée dans le cas où l’autorité administrative justifie de circonstances particulières faisant apparaître, soit que l’exécution de la mesure de démolition n’affecterait pas gravement la situation du propriétaire, soit qu’un intérêt public s’attache à l’exécution rapide de cette mesure.

→ CE, 11 décembre 2023, Société Brunetière, n°470207

Justification de l’exercice du droit de préemption commercial

Une commune peut régulièrement exercer son droit de préemption commercial à condition notamment de justifier de la réalité de son projet pour ce commerce.

Voir notre article : Le droit de préemption commercial de la commune

Pour mémoire, une commune peut délimiter un périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité, à l’intérieur duquel sont soumises au droit de préemption concernant les aliénations à titre onéreux de fonds artisanaux, de fonds de commerce ou de baux commerciaux.

La commune dispose d’un délai de deux mois pour exercer éventuellement son droit de préemption commercial à compter de la prise d’effet de l’aliénation.

Le Conseil d’État précise que le droit de préemption commercial peut régulièrement être exercé que si la commune justifie, à la date à laquelle elle l’exerce, de la réalité d’un projet d’action ou d’opération d’aménagement, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n’auraient pas été définies à cette date, et si elle fait apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption.

De plus, la mise en œuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien, en l’occurrence le fonds artisanal ou commercial ou le bail commercial, faisant l’objet de l’opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant.

→ CE, 15 décembre 2023, Société NM Market, n°470167

Règles applicables aux éoliennes terrestres avant et après le 1er mars 2017

Le Conseil d’État précise le régime applicable aux projets d’installation d’éoliennes terrestres avant et après le 1er mars 2017.

Les projets d’installation d’éoliennes terrestres soumis, depuis le 1er mars 2017, à autorisation environnementale sont dispensés de l’obtention d’un permis de construire.

Mais cela n’a, toutefois, ni pour objet ni pour effet de dispenser de tels projets du respect des règles d’urbanisme qui leur sont applicables, en particulier d’examiner la conformité des projets d’installation d’éoliennes aux documents d’urbanisme applicables.

Les projets qui ont fait l’objet d’une demande régulièrement déposée avant le 1er mars 2017 et qui sont soumis à la fois à l’exigence d’un permis de construire et d’une autorisation d’exploiter une installation classée pour la protection de l’environnement, seules les prescriptions du PLU qui déterminent les conditions d’utilisation et d’occupation des sols et les natures d’activités interdites ou limitées s’imposent à cette autorisation.

En revanche, les règles relatives à la hauteur des constructions et installations ne sont pas opposables à l’autorisation d’exploiter.

→ CE, 18 décembre 2023, n°459339

Les mentions erronées d’un permis de construire n’ont pas d’effet

Pour mémoire, l’article A. 424-9 du Code de l’urbanisme dispose notamment que lorsque le projet porte sur des constructions, l’arrêté de permis de construire indique leur destination et, s’il y a lieu, la surface de plancher créée.

Pour autant, ces mentions ont une portée indicative comme le précise le Conseil d’État.

Dès lors, les éventuelles erreurs dans ces mentions n’ont aucun effet sur le projet : « d’éventuelles erreurs susceptibles d’affecter les mentions, prévues par l’article A. 424-9 du code de l’urbanisme, devant figurer sur l’arrêté délivrant le permis ne sauraient donner aucun droit à construire dans des conditions différentes de celles résultant de la demande ».

Ainsi, la seule circonstance que l’arrêté de permis de construire comporte des inexactitudes ou des omissions en ce qui concerne la ou les destinations de la construction qu’il autorise, ou la surface de plancher créée, est sans incidence sur la portée et sur la légalité du permis.

→ CE, 20 décembre 2023, n°461552

Refus de permis de construire illégal et indemnisation des frais d’architecte

Dans cette affaire, les requérants sollicitaient l’indemnisation des frais d’architecte exposés en pure perte, en raison du refus illégal opposé par la commune de leurs demandes de permis de construire.

La Cour administrative d’appel avait considéré que ces dépenses ne peuvent constituer un préjudice indemnisable dans la mesure où les requérants étaient dans l’obligation d’exposer ces dépenses puisqu’ils étaient tenus de faire appel à un architecte pour présenter leurs dossiers de permis de construire.

Le Conseil d’État considère que la Cour en raisonnant ainsi, a commis une erreur de droit.

→ CE, 28 décembre 2023, n°460492

Insuffisance du dossier de permis de construire

Pour mémoire, la circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporte pas l’ensemble des documents exigés par le Code de l’urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n’est susceptible d’entacher d’illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l’appréciation portée par l’autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

Dans cette affaire, le dossier de demande de permis de construire apparait dépourvu d’une information suffisante s’agissant du recensement de la végétation existante et de son traitement par le projet, sans que les autres pièces ou éléments y figurant ne permettent d’y suppléer.

Partant, ces insuffisances ont été de nature à fausser l’appréciation de l’administration, qui n’a notamment pas pu apprécier si les espaces libres seront aménagés en maintenant les plantations existantes ou en les remplaçant par des plantations indigènes ou encore que les limites avec les zones naturelles ou agricoles seront constituées par une haie vive d’essences végétales indigènes variées comme l’imposait le règlement du PLU.

→ CE, 29 décembre 2023, n°476137

Laurent Bidault Avocat - Novlaw Avocats

Par Laurent Bidault, Avocat Associé chez Novlaw Avocats, spécialisé en droit public, notamment en droit des contrats publics (marché public, concession) et en droit immobilier public (aménagement, urbanisme, construction). Il a également développé une expertise particulière en innovation publique (achat innovant, R&D).

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