Faire l’apologie du terrorisme n’implique pas la perte du statut de réfugié au sens de l’article L. 711-6 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

Commentaire de la décision du CE, 12 février 2021, Office français de protection des réfugiés et apatrides, n°431239¹.

Le vendredi 12 février 2021, le Conseil d’État, a rendu une décision sur la révocation du statut de réfugié d’un ressortissant russe d’origine tchétchène condamné pour apologie du terrorisme.

Cet arrêt a suscité l’indignation opportune de la presse et de personnalités politiques. Marine Le Pen, présidente du Rassemblement National, a ainsi regretté que « la liberté d’expression et l’asile sont garantis en France… pour les soutiens du terrorisme ». Son numéro 2 a, quant à lui, déclaré que « Le Conseil d’État considère désormais que faire l’apologie du terrorisme ne suffit pas pour remettre en cause le statut d’un réfugié. La France est devenue un gigantesque hall de gare dans lequel tout le monde entre et plus personne ne sort ».

Au regard de la polémique suscitée, le Conseil d’État s’est senti obligé de publier un communiqué le 24 février 2021 car certaines réactions ont déformé la portée de cette décision d’espèce.

Apologie du terrorisme en France

En l’espèce, l’affaire commence lorsque l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a mis fin au statut de réfugié du requérant en application de l’article L. 711-6 du CESEDA.

En effet, l’OFPRA a considéré que la condamnation par le tribunal correctionnel de Nice pour des faits d’apologie publique d’un acte de terrorisme remplissait les conditions fixées par l’article L. 711-6 du CESEDA.

La Cour Nationale du Droit d’Asile (CNDA) a alors été saisie en appel et a rétabli le statut de réfugié.

Le Conseil d’État a donc été saisi en cassation par le ministre de l’intérieur afin d’obtenir l’annulation de la décision de la CNDA et le retrait du statut de réfugié en application des dispositions de l’article L. 711-6 du CESEDA.

C’est dans ce cadre limité que le Conseil d’Etat a précisé ce qu’est le « délit constituant un acte de terrorisme » mentionné au 2° de l’article L. 711-6 .

En l’occurrence, l’article. 711-6 dispose que :

« Le statut de réfugié est refusé ou il est mis fin à ce statut lorsque :
Il y a des raisons sérieuses de considérer que la présence en France de la personne concernée constitue une menace grave pour la sûreté de l’État ;
La personne concernée a été condamnée en dernier ressort en France, dans un État membre de l’Union européenne ou dans un État tiers figurant sur la liste, fixée par décret en Conseil d’État, des États dont la France reconnaît les législations et juridictions pénales au vu de l’application du droit dans le cadre d’un régime démocratique et des circonstances politiques générales soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme ou puni de dix ans d’emprisonnement, et sa présence constitue une menace grave pour la société française ».

Le délit d’apologie publique d’acte de terrorisme est définit par l’article L. 421-2-5 du code pénal et apparaît dans le chapitre intitulé « Des actes de terrorisme ». Il aurait ainsi pu être logique que le délit d’apologie soit défini comme un acte de terrorisme.

Toutefois, le délit d’apologie du terrorisme n’a pas été qualifié, par le législateur, de crimes ou délits constituant des actes de terrorisme.

Le Conseil d’État se borne donc à appliquer le texte en exposant dans sa décision que le délit d’apologie du terrorisme n’est pas qualifié d’ « acte de terrorisme » et qu’il n’est pas puni de dix ans d’emprisonnement.

Cette lecture de la loi correspond à celle adoptée par le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 18 mai 2018, où le Conseil avait déjà déduit que ce délit d’apologie du terrorisme ne constituait pas un acte de terrorisme .

Le Conseil d’État n’a donc fait que confirmer l’analyse du Conseil Constitutionnel reprise à juste titre par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) dans la décision attaquée.

Dans l’état actuel du droit, une condamnation pour apologie du terrorisme ne peut donc pas justifier le retrait du statut de réfugié.

¹ CE, 12 février 2021, Office français de protection des réfugiés et apatrides, req. n°431239
² Conclusions, M. Guillaume Odinet, rapporteur public.
³ Conseil Constitutionnel, 18 mai 2018, n°2018-706 QPC.