Par Baptiste Robelin, avocat en droit immobilier.

Les règles relatives aux locations saisonnières de type Airbnb sont pour l’essentiel régies par l’article L. 631-7 du Code de la construction et de l’habitation. En synthèse, ces règles, applicables notamment pour Paris et les villes de plus de 200.000 habitants, disposent :

  • De la possibilité de louer sa résidence principale pour de la location saisonnière type Airbnb pour une durée de 120 jours par an au maximum ;
  • Et de l’interdiction de louer sa résidence secondaire, sauf à ce que cette dernière soit affectée à un usage commercial.

L’activité de location saisonnière est en principe licite s’agissant d’un local commercial.

Indépendamment de cette règlementation, le règlement de copropriété peut limiter, ou au contraire permettre, l’usage de parties privatives pour de la location saisonnière. Il est donc important avant de se lancer dans ce type d’activité, de vérifier si le règlement de copropriété de votre immeuble l’autorise.

À défaut, vous vous exposeriez à ce que votre activité soit bloquée par une décision du conseil syndical et de vous voir, le cas échéant, condamné sous astreinte à cesser de louer votre appartement.

Le cadre général : l’utilisation libre par chaque propriétaire de ses parties privatives, à condition de ne pas porter atteinte aux droits des autres copropriétaires et de respecter la destination de l’immeuble

La destination de l’immeuble

Le cadre général en matière de copropriété est posé par l’article 9 de la loi de 1965, lequel dispose :

« Chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble ».

La destination de l’immeuble désigne ce à quoi est destiné le bâtiment. Elle définit l’usage « normal » et « standard » qui peut en être fait, sa fonction.

Le plus couramment, on retrouve trois catégories de destination différentes s’agissant d’immeubles :

  • Les immeubles à usage unique d’habitation ;
  • Les immeubles destinés à l’exercice d’une activité professionnelle (industrie, bureaux, …) ;

  • Les immeubles mixtes à usage d’habitation, mais abritant également des locaux professionnels.

La notion de destination de l’immeuble est ainsi la clé permettant de déterminer les activités autorisées, étant rappelé que seule la destination de l’immeuble peut être de nature à restreindre les droits dont jouissent chacun des copropriétaires sur leur lot, comme le rappelle l’article 8 de la loi de 1965 :

« Le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l’immeuble, telle qu’elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation ».

À noter que la destination de l’immeuble a une origine contractuelle : elle est définie par le règlement de copropriété, c’est-à-dire par l’ensemble des copropriétaires. Partant, comme tout contrat, le règlement de copropriété peut être changé.

En l’occurrence, la modification de la destination de l’immeuble s’opère à l’unanimité des copropriétaires, comme prévu par l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965. En pratique, si recueillir un vote à l’unanimité dans une petite copropriété est envisageable, cela semble assez illusoire dans un ensemble immobilier complexe, ne serait-ce qu’en raison de l’absentéisme aux réunions de copropriété.

Les clauses relatives aux modalités de jouissance de l’immeuble

Outre la définition de la destination de l’immeuble, le règlement de copropriété peut inclure des clauses relatives aux conditions de jouissance et d’utilisation de l’immeuble. Ce type de clause est en principe licite, sous réserve d’être conformes à la destination de l’immeuble et de ne pas porter une atteinte injustifiée et disproportionnée aux droits des copropriétaires sur leurs lots respectifs  (Cass, Civ, 3, 8 juin 2011, n° 10-15891).

Dès lors, pour apprécier si un local meublé peut faire ou non l’objet d’une location touristique de type Airbnb, il faut s’intéresser au règlement de copropriété de l’immeuble, et plus particulièrement à sa destination, ainsi qu’aux éventuelles clauses relatives aux conditions de jouissance et d’utilisation de l’immeuble.

L’appréciation s’agissant de la location saisonnière de type Airbnb

Ces principes étant rappelés, trois cas de figure doivent être distingués afin de déterminer si la location saisonnière est licite en fonction de la copropriété concernée.

Premier cas de figure : une clause du règlement de copropriété interdit expressément la location saisonnière au sein de l’immeuble

Comme on l’a vu, ce type de clause ne devrait être licite qu’à la condition d’être conforme à la destination de l’immeuble.

Le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires, sauf justifiées par la destination du bâtiment (article 8 loi 10 juillet 1965).  En dehors de ces restrictions, chaque copropriétaire est censé pouvoir disposer des parties privatives comprises dans son lot, en user et en jouir librement, sous la condition de ne pas porter atteinte aux droits des autres copropriétaires.

Ainsi, une clause interdisant purement et simplement la location saisonnière au sein d’un règlement de copropriété ne devrait être licite que si la destination de l’immeuble est celle d’usage à titre d’habitation uniquement.

A contrario, si des activités autres que celle d’habitation sont permises, notamment des activités commerciales et professionnelles, la clause restreignant le droit des copropriétaires d’exercer des activités de location saisonnière devrait à notre sens être réputée non-écrite.

C’est d’ailleurs en ce sens que la Cour de cassation a statué, dans un arrêt du 8 juin 2011, (n°10-15891), estimant que devait être réputée non écrite la clause du règlement de copropriété soumettant la possibilité de louer son lot en meublé à l’autorisation de l’assemblée générale dès lors que l’exercice de professions libérales était permis dans l’immeuble. La Haute Cour a reconnu que ces deux activités entraînaient des nuisances identiques et qu’en conséquence une telle restriction à la location meublée n’était pas justifiée par la destination de l’immeuble.

Ainsi, une clause interdisant purement et simplement les locations touristiques qui ne serait pas justifiée par la destination de l’immeuble pourrait être contestée par un copropriétaire désireux de se livrer à ce type d’activité, ladite clause pouvant à priori être jugée « réputée non-écrite ».

Le cas particulier de la clause dite « d’habitation bourgeoise »

Nombre de règlements de copropriété comprennent une clause dite d’habitation bourgeoise.

Ce type de clause interdit en principe l’exercice d’une activité professionnelle dans les lieux loués. Par extension, la jurisprudence considère que de telles clauses interdisent également la location saisonnière au sein de l’immeuble.

Toutefois, parmi ces clauses « d’habitation bourgeoise », il existe une distinction entre les clauses dites « simple » et celles dites « stricte » ou encore « exclusive ».

La clause d’habitation bourgeoise simple permet en effet de tolérer une activité professionnelle dans un lieu d’habitation. Il est possible, par exemple, d’ouvrir un cabinet d’avocats, de médecins, d’ophtalmologues, etc.

Il ne s’agit cependant que d’une tolérance : ainsi, des activités liées à l’artisanat, au commerce et à l’industrie pourraient très bien ne pas obtenir l’accord de la copropriété en raison du bruit, des nuisances, du dérangement dû à la clientèle, etc.

La clause d’habitation bourgeoise exclusive ne permet pas, en revanche, d’exercer une profession dans son logement. C’est l’une des seules restrictions permises par le droit de la copropriété.

L’autorisation ou non de pratiquer une activité de location saisonnière au sein de l’immeuble va donc dépendre de l’existence ou non, dans le règlement de copropriété, d’une telle clause.

La présence d’une clause d’habitation bourgeoise stricte, exclusive, ne l’autorisera pas.

A contrario, si le règlement prévoit une clause à destination bourgeoise simple (non exclusive), cela signifie en principe que les activités libérales sont autorisées, avec un usage mixte habitation, permettant l’activité commerciale sous réserve de respecter l’affectation des lots. Dans ces deux hypothèses, les juges ont longtemps jugé que l’activité de location de meublé touristique était permise en présence de telles clauses.

Toutefois, depuis 2013, ces principes ont été quelque peu mis à mal, notamment à la suite d’un arrêt de la cour d’appel de Paris (CA Paris, 11 septembre 2013, n° 11/12572). Dans cette affaire, les juges avaient décidé de durcir leur position en ne prenant plus en compte la mixité d’usage de l’immeuble et l’assimilation de l’activité de location saisonnière avec les activités professionnelles et commerciales.

La Cour de cassation a rendu un arrêt remarqué dans le même sens le 8 mars 2018, (n°14-15.864), en admettant que les locations de meublées touristiques ne correspondent pas à la destination d’un immeuble à usage mixte professionnel-habitation.

Elle affirmait ainsi : « (…) attendu qu’ayant retenu qu’il résultait des stipulations du règlement de copropriété que l’immeuble était principalement à usage d’habitation, avec possibilité d’usage mixte professionnel-habitation et à l’exclusion de toute activité commerciale, ce qui privilégiait son caractère résidentiel qui était confirmé, dans sa durée et sa stabilité, par l’obligation pour le copropriétaire d’aviser le syndic de l’existence d’un bail et constaté que (les bailleurs) avaient installé dans les lieux des occupants, pour de très brèves périodes, ou même des longs séjours, dans des « hôtels studios meublés » avec prestations de services, la cour d’appel, qui en a souverainement déduit que ces rotations des périodes de location ne correspondaient pas à la destination de l’immeuble, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ».

Cet arrêt confirme l’appréciation de plus en plus stricte faite par les tribunaux de la conformité des locations saisonnières avec les clauses du règlement de copropriété.

L’idée sous-jacente est que le désagrément occasionné par les activités professionnelles exercées dans un immeuble constitue le plus souvent des troubles diurnes, occasionnés pendant la journée, là où les locations saisonnières sont susceptibles de causer des dérangements à n’importe quel moment, en particulier le soir.

À ce stade, on procèdera donc à une interprétation très stricte du règlement de copropriété afin de vérifier si les différentes clauses régulant les conditions de jouissance de l’immeuble s’opposent ou non à l’activité de location touristique, sans nécessairement pouvoir assimiler les activités professionnelles et commerciales exercées au sein de l’immeuble aux activités saisonnières. Mais nul doute que la jurisprudence évoluera encore sur ce point apportant des précisions nouvelles au fil du temps.

Le règlement de copropriété ne prévoit pas d’interdiction d’exercer une activité meublée et la destination de l’immeuble ne s’y oppose pas non plus

Dernier cas de figure : si le règlement n’interdit pas la location meublée, et que la destination de l’immeuble ne s’y oppose pas non plus (parce que l’immeuble a une destination autorisant les activités commerciales et professionnelles), rien ne s’oppose à priori à ce que le propriétaire utilise son logement pour le louer à des fins saisonnières.

Cette activité devra toutefois être faite dans des conditions respectueuses du droit des tiers : à défaut, le propriétaire s’expose à une action des autres copropriétaires sur le fondement des troubles anormaux du voisinage.

Le propriétaire veillera par ailleurs à avoir effectué les démarches nécessaires : on rappellera notamment que depuis le 1er décembre 2017, toutes les offres de location à Paris publiées sur des plateformes de location touristique doivent mentionner un numéro d’enregistrement obtenu grâce à une inscription sur le site de la mairie de Paris.

Attention enfin si vous êtes locataire et que vous souhaitez sous-louer votre logement : rappelons que vous devez impérativement obtenir l’accord écrit de votre bailleur (article 2 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989). À défaut de quoi, vous vous exposeriez à des sanctions pour violation du bail, pouvant aller jusqu’à un risque d’expulsion.