Baptiste Robelin

Par Baptiste Robelin, avocat spécialisé en droit immobilier.

L’article 1719 C. civ. dispose : le bailleur est obligé […] de délivrer au preneur la chose louée et, s’il s’agit de son habitation principale, un logement décent ».

En l’occurrence, la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent est un objectif à valeur constitutionnelle. C’est donc une notion qui concerne essentiellement les baux d’habitation.

Mais en droit, qu’est-ce qu’un logement décent ?

Les caractéristiques du logement décent ont été définies par le décret n°2002-120 du 30 janvier 2002, complété par le décret n°2017-132 du 9 mars 2017.

Eu égard à la sécurité physique à la santé des locataires, le logement conforme doit respecter les conditions suivantes :

  • Le logement décent est un lieu clos et couvert, dans lequel il n’y a pas d’infiltrations d’eau. Mais il ne peut pas y avoir, non plus, d’infiltrations d’air parasites. Ainsi, les fenêtres, les murs, les portes donnant sur l’extérieur ou sur un local qui n’est pas chauffé doivent être étanches. Les cheminées doivent être équipées de trappes ;

  • Les escaliers ou les balcons du logement décent doivent être dans un état conforme à leur utilisation ;

  • La structure du logement décent, les équipements dont il est pourvu (canalisations, matériaux de construction, revêtements) ne doivent pas être en état de présenter un risque pour la santé du locataire ou sa sécurité physique (exemple : interdiction de l’amiante) ;

  • Les équipements du logement décent, à savoir le gaz, l’électricité, le réseau d’eau chaude doivent, non seulement être conformes aux règles de sécurité, et doivent être en état de fonctionner correctement ;

  • Enfin, le logement décent doit permettre une aération suffisante, afin de prévenir un taux d’humidité inadapté à l’usage, un éclairement naturel suffisant et doit disposer d’une fenêtre donnant sur l’extérieur.

Concernant les équipements dont doit être pourvu le logement décent, eu égard au confort de l’occupant :

  • Il doit être doté d’une installation permettant le chauffage, d’une autre permettant l’alimentation en eau potable, d’un système d’évacuation des eaux usées bloquant les odeurs méphitiques, d’une cuisine, de sanitaires accessibles (les sanitaires situés à l’extérieur du logement répondent à ce critère), a minima d’une douche et, enfin, en plus d’une fenêtre, d’une installation électrique permettant l’éclairage dans toutes les pièces ;
  • La notion de logement décent inclut des considérations thermiques, et indirectement énergétiques, destinées à garantir un seuil minimal de qualité de vie pour les preneurs. Cependant, elles ont récemment fait l’objet de nouvelles exigences ayant trait aux considérations environnementales dont la vocation est de limiter l’impact écologique des logements les plus énergivores.

L’obligation de délivrer un logement décent est d’ordre public, le bailleur ne peut s’en libérer par une clause du contrat de bail qui prévoirait que les preneurs acceptent les locaux en l’état (Civ. 3ème, 20 septembre 2006, n°05-16.243). Par un arrêt fondamental, la Cour de cassation a également reconnu que les exigences de décence du logement s’imposaient même aux locations portant sur des locaux ne présentant pas les conditions élémentaires d’habitabilité (Civ. 3ème 15 décembre 2004, n°02-20.614).

Pèse sur le bailleur une obligation de mise en conformité du logement : le preneur peut demander au bailleur d’effectuer les travaux nécessaires, sans que la validité du contrat de bail n’en soit affectée. Le non-respect de l’obligation de délivrance justifie que soit élevée une action en exécution des travaux requis, qui peut être assortie d’une astreinte, et complétée d’une action en réparation du dommage causé par le défaut de conformité du logement. À titre d’exemple, un bailleur fut reconnu entièrement responsable de la maladie mortelle, fatale au preneur, lorsqu’elle a résulté d’une contamination bactériologique du réseau d’eau chaude de l’immeuble (CA Grenoble, 28 juin 2006, n° 05/02811). Le preneur peut également demander au titre du dommage subi par le retard du bailleur dans l’exécution des travaux de bénéficier de dommages-intérêts.

Enfin, concernant le loyer, le preneur pourra demander la restitution des loyers indûment versés jusqu’à l’achèvement des travaux de remise en état (Civ. 3ème 19 mars 2008, n°07-12.103), il pourra également suspendre le payement des loyers au propriétaire qui ne respecte pas son obligation de délivrer un logement décent (Civ. 3ème 17 décembre 2015, n°14-22.754). Ce dernier point semble devoir être nuancé : la jurisprudence peut accueillir avec hostilité le locataire qui s’était prévalu de l’inexécution de l’obligation de délivrance du bailleur pour ne pas payer ses loyers (Civ. 3ème, 17 mai 2018, n°17-20.016).

Les exigences énergétiques issues du décret 2021-19 du 11 janvier 2021

Le logement décent ne se suffit plus, il doit désormais être performant dans sa consommation d’énergie. Par la loi n°2019-1147 du 8 novembre 2019, le logement décent est celui répondant à un critère de performance énergétique (en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2023) défini par un seuil maximal de consommation d’énergie finale au mètre carré et par an.

Le décret 2021-19 du 11 janvier 2021 vient préciser le seuil dont il est question – article 1er :  en France métropolitaine, le logement a une consommation d’énergie […] inférieure à 450 kilowattheures d’énergie finale par mètre carré de surface habitable et par an. L’entrée en vigueur est bien fixée au 1er janvier 2023, et ne concernera que les nouveaux contrats de location conclus à compter de cette date – article 2.

Cette mesure concernera 90 000 locations, dont 20 000 dans le parc social. Le bailleur qui voudrait continuer à mettre son bien à disposition d’un preneur devra donc le conformer aux nouvelles exigences énergétiques. Il est à noter que la mise à niveau d’une passoire énergétique permettra au locataire une économie proche des 1 000€ par an, soit presque 100 millions d’euros par an sur la totalité des logements concernés.

Ce décret, n’étant que la première des trois étapes permettant l’interdiction progressive des passoires énergétiques (la deuxième étape étant prévue pour le 1er janvier 2025, et la troisième pour le 1er janvier 2028 avec, à chaque fois, une redéfinition des seuils maximaux de consommation d’énergie) s’accompagne d’une révision du système de diagnostic de performance énergétique (DPE) de l’article L. 134-1 C. de la construction et de l’habitation, applicable à partir du 1er juillet 2021, qui permettra de mieux informer les propriétaires, acquéreurs, et preneurs sur la réalité de la consommation du logement, de les orienter vers les meilleurs travaux ou rénovations, mais aussi tiendra compte des enjeux de la lutte contre le dérèglement climatique (mise en place d’un double seuil énergie carbone dans l’étiquette énergétique). Le nouveau DPE sera publié au mois de mars 2021.

Ce décret s’inscrit dans la trajectoire politique de deux volontés conjuguées : d’abord, la volonté européenne de mener une action coordonnée pour lutter contre le dérèglement climatique, qui s’est concrétisée par l’accord de Paris, adopté le 12 décembre 2015 et signé par 196 États, et dont l’objectif majeur est de limiter l’émission de gaz à effet de serre (GES) pour contenir le réchauffement climatique à seulement 2 °C (à titre indicatif, il faudrait limiter les rejets dans l’atmosphère à 600 milliards de tonnes au total, le rejet actuel est de 40 milliards par an) ; et la volonté du Gouvernement français d’agir pour le climat, en gérant les ressources, en changeant les modes de consommation ou de déplacement… plus concrètement, la volonté d’atteindre la neutralité carbone en 2050.

L’action du Gouvernement est donc ciblée sur les ménages : les bâtiments participent à hauteur de 30% au rejet de GES. Le décret du 11 janvier 2021 en est la première illustration, mais il s’intègre dans une ligne politique plus large recherchée par la Règlementation environnementale 2020 prévue par la loi Évolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique (ELAN), ou « RE2020 », qui imposera, à terme, la réduction du bilan carbone des nouveaux bâtiments (bilan dont le calcul commence avec le coût carbone de son édification), de nouveaux standards en matière d’isolation, et garantira que les logements soient adaptés aux épisodes caniculaires estivaux. À titre d’exemple, les maisons individuelles n’obtiendront plus de permis de construire dès 2024 si elles sont chauffées au gaz (à noter que cela ne vaut que pour les maisons dont le permis d’aménager avec une desserte en gaz est déjà acquis). Pour les nouvelles constructions, la RE2020 prévoit une place plus importante faite aux matériaux dits « biosourcés », comme le bois, et aux matériaux dits « géosourcés » comme la pierre ou la terre crue.

La RE2020 entrera en vigueur au 1er janvier 2022, mais ses dispositions seront d’application incrémentale avec des objectifs respectivement fixés pour 2025, 2028 et 2031.

réglementation logement décent

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